2 avions de chasse, des plans insuffisants et une armée de l’air désorientée le 7 octobre – enquête
Un reportage révèle les difficultés de l'armée de l'air à réagir efficacement ; les commandants étaient moins informés que le public ; le chaos régnait dans la salle de crise
Le 7 octobre, l’armée de l’air israélienne a été gravement prise au dépourvu face au pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas, avec peu d’avions prêts et une formation insuffisante pour gérer une infiltration massive depuis Gaza, selon un reportage diffusé mercredi.
Le reportage de la chaîne publique Kan, basé en partie sur des conclusions non publiées de l’armée de l’air, dresse un tableau accablant du manque de préparation de l’armée face à une attaque coordonnée de grande ampleur depuis Gaza, ainsi que des nombreuses insuffisances dans la coordination de la riposte.
L’enquête a révélé des failles dans la capacité de l’armée de l’air à recueillir des renseignements efficaces en temps réel depuis le ciel, ainsi que des difficultés à empêcher la divulgation d’informations sensibles au Hamas, et une gestion défaillante de la situation par les commandants, qui ont été moins informés que le public israélien. Le général de division Tomer Bar, chef de l’armée de l’air, n’a pris connaissance du massacre des festivaliers à la rave Supernova près du kibboutz Reim que dix heures après le début de l’attaque.
L’absence d’activité aérienne israélienne significative le matin du 7 octobre a suscité des interrogations immédiates. De nombreux observateurs se demandaient pourquoi l’armée de l’air d’Israël, dotée de certains des armements les plus avancés au monde et jouissant d’une supériorité aérienne totale, n’a pas pu ralentir ou paralyser l’attaque du Hamas, qui était relativement peu sophistiquée.
Plusieurs enquêtes ont été lancées pour examiner la préparation, la réaction et la prise de décision de l’armée, mais à ce jour, les conclusions n’ont été publiées qu’au compte-gouttes. Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu a jusqu’à présent rejeté toute enquête indépendante ou d’une enquête d’État sur les dirigeants politiques avant la fin de la guerre, qui en est maintenant à son douzième mois.
Selon Kan, le niveau de préparation de l’armée de l’air était au plus bas lorsque les terroristes du Hamas ont lancé des salves massives de roquettes sur Israël à 6h30 du matin le 7 octobre, donnant le coup d’envoi d’une invasion sans précédent qui allait coûter la vie à près de 1 200 personnes et au cours de laquelle des centaines de personnes allaient être kidnappées et emmenées dans la bande de Gaza. Des événements qui ébranleront le pays dans ses fondements les plus profonds.
Ce samedi-là, qui coïncidait avec la fête religieuse juive de Simhat Torah, l’armée de l’air ne disposait que de deux avions de chasse et de deux autres avions prêts à intervenir.
Un seul drone assurait la surveillance de la bande de Gaza, mais sans personne aux commandes pour vérifier les images relevées en temps réel, alors même que des milliers de terroristes du Hamas se dirigeaient vers la barrière frontalière de Gaza, soudainement poreuse, selon le reportage.
Quand bien même l’armée de l’air aurait eu des avions et des pilotes prêts à intervenir, le reportage indique un manque flagrant de planification quant aux mesures à prendre dans un tel cas de figure. Quand l’armée de l’air a finalement réagi, ses avions ont été envoyés protéger des sites stratégiques tels que des plateformes de forage en mer, plutôt que de mener des missions offensives près de Gaza.
Un officier supérieur a décrit la situation dans la salle de guerre souterraine comme « chaotique », aggravée par le fait que les personnes présentes étaient coupées des téléphones et de la télévision, dépendant des informations limitées fournies par la division de Gaza, de l’armée israélienne, essentiellement conquise et pratiquement paralysée.
« Ce que vous avez vu à la télévision, nous ne le savions pas. C’est incroyable. Ce n’est que dans l’après-midi, lorsque je suis sorti pour la première fois pour aller fumer, que j’ai ouvert Ynet et que j’ai vu les Toyota avec les terroristes à Sderot », a déclaré un officier.
Selon le reportage, Bar, le chef de l’armée de l’air, n’aurait été informé du massacre de la rave qu’à 16h20, soit plusieurs heures après que les terroristes ont commencé leur carnage à ce festival désormais tristement célèbre, où plus 364 personnes ont été massacrées.
Un pilote d’hélicoptère, le premier à être déployé dans le sud d’Israël, a indiqué qu’il en était à sa troisième sortie vers 14h30 lorsqu’on lui a demandé de couvrir une force d’infanterie envoyée sur les lieux d’une « fête dans la nature ». C’était la première mention de Supernova qu’il entendait.
Il dit avoir demandé à l’officier ce que signifiait l’expression « messibat teva » (rave-party, en hébreu), qu’il ne connaissait pas, pensant d’abord qu’il s’agissait d’un code.
Un autre officier dans l’unité de drones de l’armée de l’air, a expliqué, selon Kan, que, suite aux manifestations répétées durant lesquelles des milliers de Gazaouis se massaient à la frontière et faisaient occasionnellement des incursions limitées en Israël, il avait longtemps fait pression pour que l’armée planifie et organise des exercices en prévision d’une éventuelle infiltration massive.
Sous le couvert de l’anonymat, il a précisé qu’il n’y avait eu qu’un seul exercice destiné à se préparer à cette éventualité, et que, selon lui, les commandants avaient simplement voulu « cocher une case ».
« L’idée que des milliers de manifestants gazaouis se trouvant sur la clôture puissent pénétrer en Israël et que nous ne sachions pas quoi faire est devenue pour moi un cauchemar qui pouvait se produire à tout moment, mais les commandants de l’armée de l’air n’y pensaient pas », a déclaré l’officier sous couvert d’anonymat.
Selon Kan, ce n’est que peu de temps avant le pogrom que Tsahal a établi des directives pour l’armée de l’air en cas d’invasion terrestre du pays, directives qui ont été partiellement mises en œuvre le 7 octobre.
La première tentative de riposte aérienne d’Israël a eu lieu environ 45 minutes après le début de l’attaque, mais ne comprenait qu’un seul drone inefficace et insuffisant pour repousser les terroristes qui attaquaient le kibboutz Netiv HaAsara, explique Kan.
Ce n’est qu’à 10 heures qu’une attaque aérienne globale a été ordonnée pour frapper les terroristes le long de la frontière, et celle-ci n’a été lancée qu’une heure plus tard, selon le reportage. L’enquête révèle que le Hamas visait les pistes de décollage des avions de chasse, ce qui a compliqué la tâche des appareils cherchant à décoller. Le reportage note que le groupe terroriste a réussi à recueillir des informations sensibles sur l’armée de l’air et a même élaboré des plans d’attaque d’une base aérienne.
Réagissant à ce reportage, Tsahal a déclaré que l’armée de l’air et de terre avaient « échoué dans leur mission », mais a également ajouté qu’elle avait été en mesure de déployer une riposte en quelques heures, attaquant des centaines de cibles et aidant à évacuer de nombreux blessés.
L’armée a également nié ne pas avoir fait d’entrainement en prévision de scénarios d’infiltration ou ne pas avoir été prête le matin du 7 octobre, et a précisé que les conclusions de son enquête seraient rendues publiques une fois complètes.
Ce reportage est le dernier en date à révéler des décisions douteuses et des dysfonctionnements au sein de l’armée qui ont laissé des milliers de personnes dans le sud d’Israël exposées à de violents massacres et à d’autres atrocités et qui ont laissé des communautés entières en ruine.
Une enquête interne de Tsahal sur son intervention au kibboutz Beeri en juillet a accusé le commando d’élite Shaldag de l’armée de l’air d’avoir pris une mauvaise décision en se retirant du kibboutz alors que les batailles faisaient rage, pour évacuer deux soldats.
Bar a dit en juillet que l’armée de l’air était pleinement « compétente sur le plan opérationnel » avant l’assaut du 7 octobre, réfutant les inquiétudes selon lesquelles son état de préparation avait été dégradé par les pilotes réservistes qui refusaient de s’entraîner en signe de protestation contre la refonte du système judiciaire envisagée par le gouvernement.