Israël en guerre - Jour 344

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Opinion

2 chefs terroristes morts, une tentative américaine d’éviter une guerre et un manque de stratégie terrifiant

Israël s'est laissé prendre en étau par l'Iran sans réagir ; 313 jours après le 7 octobre, quelle est notre stratégie, nationale et internationale, pour desserrer cet étau ?

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Des voitures brûlent à Haïfa après une attaque à la roquette par des terroristes du Hezbollah, le 13 août 2006. (Crédit : Roni Schutzer / AFP)
Des voitures brûlent à Haïfa après une attaque à la roquette par des terroristes du Hezbollah, le 13 août 2006. (Crédit : Roni Schutzer / AFP)

Alors que notre pays attend passivement depuis deux semaines ou plus, de voir si, quand, comment et avec quelle intensité dévastatrice l’Iran et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah choisiront de nous attaquer pour « venger » les assassinats de deux chefs terroristes déterminés à nous détruire, nous, Israéliens, avons l’impression d’être les jouets impuissants et désarmés de ces forces plus puissantes que les nôtres. Cette situation est inacceptable pour la nation juive ressuscitée. Et elle souligne l’absence criante de stratégie de la part de nos dirigeants pour rétablir la sécurité nationale plus de dix mois après l’invasion, le massacre et les kidnappings perpétrés par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre.

Après le pogrom du Hamas, nous avons réalisé tardivement que, depuis des dizaines d’années, l’Iran et ses alliés plus ou moins proches à Gaza, au Liban et ailleurs rassemblaient petit à petit les moyens de mettre à exécution leur promesse de détruire notre petite nation courageuse et que nous les avons laissés se préparer, sans réagir, à nous anéantir à leur guise.

Confrontés au dilemme urgent de décider s’il fallait d’abord s’assurer que le Hamas ne soit plus en mesure de tenir sa promesse de perpétrer d’autres 7 octobre, ou s’attaquer à l’armée bien plus puissante que le Hezbollah a constituée et déployée à notre frontière nord, les responsables, sous la direction du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont choisi de prioriser l’anéantissement du Hamas ainsi que le retour des otages.

Plus de dix mois après, alors que le conflit de haute intensité contre le Hamas a pris fin depuis un certain temps déjà, Tsahal continue de s’épuiser dans la bande de Gaza avec des résultats de moins en moins satisfaisants, usant les troupes régulières, imposant des contraintes intolérables aux réservistes, fragilisant le moral national et aggravant les dégâts croissants pour l’économie. Pendant ce temps, des dizaines de milliers d’Israéliens n’ont toujours pas pu regagner leurs domiciles dans les communautés frontalières du nord, et le changement de priorité maintes fois promis en faveur de la lutte contre le Hezbollah reste en suspens.

L’attention du monde et la nôtre est tournée ailleurs, les ayatollahs iraniens ont pu poursuivre leur programme nucléaire en toute sérénité, réduisant davantage la surveillance déjà insuffisante de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Pour briser l’étau constitué par les armées et les missiles que l’Iran, comme l’admet désormais Netanyahu, a resserré autour du cou d’Israël, il est nécessaire d’élaborer une stratégie précise, en coordonnant notamment les efforts avec nos alliés et en se préparant à l’intérieur du pays pour qu’Israël soit le mieux à même de remporter la victoire. Il n’est pas surprenant que les dirigeants, inexplicablement non préparés à l’invasion du Hamas, aient été incapables de reconnaître immédiatement l’ampleur de la menace existentielle. Cependant, plus de dix mois se sont écoulés et cette incapacité persistante à élaborer une stratégie s’avère scandaleuse et extrêmement dangereuse.

De gauche à droite : Le Premier ministre Benjamin Netanyahu à la propriété de Donald Trump à Mar-a-Lago, le 26 juillet 2024 (Crédit : GPO) ; Le chef de l’opposition Yair Lapid à la Knesset, Jérusalem, le 22 juillet 2024 (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90) ; le chef du parti HaMahane HaMlahti Benny Gantz lors d’une conférence de presse à la Knesset, le 24 juillet 2024 (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90) ; l’ancien premier ministre Naftali Bennett s’exprime lors de la semaine annuelle du cyber-espace, à l’université de Tel Aviv, le 25 juin 2024 (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

Les mesures essentielles qui auraient dû être prises depuis longtemps incluent, au niveau national, la formation d’un gouvernement composé des meilleurs esprits et des meilleures compétences pour sortir Israël de cette crise – un véritable gouvernement de guerre d’urgence, reposant sur des accords de collaboration et de cohésion jusqu’à ce que des objectifs essentiels et clairement définis soient atteints, et excluant les pyromanes que sont Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich.

En attisant la colère du monde musulman, pour le plus grand profit du chef du Hamas, Yahya Sinwar, du guide suprême iranien, Ali Khamenei, et d’autres encore, Ben Gvir s’est avéré être un pyromane qu’Israël ne peut tolérer dans une position de pouvoir. Il en va de même pour le ministre de la Justice, Yariv Levin, qui reste obsédé par la destruction du système judiciaire indépendant d’Israël et qui est incapable, même aujourd’hui, de comprendre les dommages causés à la cohésion nationale par les « réformes » qu’il entend toujours entreprendre.

Cette capture d’image tirée d’une vidéo de l’UGC publiée le 13 août 2024 montre le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir (2e-R) scandant le slogan « Am Yisrael Chai » (Le peuple d’Israël vit) lors d’une visite sur le mont du Temple, où il a également salué des juifs en prière dans l’enceinte. (Crédit : UGC/AFP)

Quant à Netanyahu, l’interview qu’il a accordée la semaine dernière au magazine Time a révélé ses convictions infondées, selon lesquelles il aurait été trahi par tous ceux qui l’entouraient avant le 7 octobre et qu’il serait le seul capable de réparer les dégâts. Personne ne peut l’obliger à reconnaître sa responsabilité en tant que Premier ministre sous le mandat duquel cette guerre terrible a éclaté, mais pourrait-il seulement cesser de fustiger inlassablement tous ceux qui osent le défier et diaboliser les larges pans de notre électorat qui ne lui accordent pas une loyauté absolue ?

Autre point crucial :  l’imposition progressive et négociée d’exigences militaires et/ou de service national à toutes les communautés diverses d’Israël, afin de réduire la pression sur l’armée, d’unir tous les Israéliens dans cette lutte essentielle pour la survie nationale, et d’alléger l’injustice du fardeau inégal actuel.

Alors que Netanyahu continue d’affirmer qu’Israël peut se défendre seul, les événements des derniers mois montrent clairement qu’Israël ne peut neutraliser tous ses ennemis puissants sans l’aide de ses partenaires. Cette réalité est mise en évidence par les livraisons d’armes essentielles de l’administration Biden et par son rôle de coordination de la coalition, qui a contribué à contrecarrer l’assaut des missiles et des drones iraniens en avril et qui a été réactivée aujourd’hui, alors que les menaces de nouvelles attaques directes de l’Iran se multiplient.

Le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, prononce un discours devant les portraits du fondateur de la révolution iranienne, l’ayatollah Khomeini (à gauche), et du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei (à droite), lors d’un rassemblement à Téhéran, le 11 février 2012. (Crédit : Vahid Salemi/AP)

Il faudra, d’une manière ou d’une autre, non seulement empêcher le Hamas de reprendre le pouvoir à Gaza, mais aussi éliminer la menace militaire bien plus grande que représente le Hezbollah, et contrer la volonté de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Israël n’a ni la capacité pratique ni la responsabilité morale d’y parvenir tout seul, car ces ennemis menacent l’ensemble du monde libre.

Cependant, il s’agit de notre survie, et les dirigeants israéliens se doivent d’initier et de coordonner efficacement la stratégie visant à assurer cette survie.

Au cours des derniers jours, les États-Unis ont mis sur pied ce qui pourrait être le déploiement militaire le plus important dans cette région, même après le 7 octobre – y compris un sous-marin lanceur de missiles guidés. Ce déploiement n’est pourtant pas le résultat d’un plan soigneusement élaboré pour faire face au régime iranien. Il s’agit plutôt d’une mesure d’urgence visant à dissuader les ayatollahs d’honorer la promesse publique de Khamenei de venger l’assassinat du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, le 31 juillet à Téhéran. Et de se tenir prêt à intervenir au cas où l’Iran et le Hezbollah lanceraient une attaque, à laquelle Israël riposterait, provoquant ainsi une escalade.

Le sous-marin lanceur de missiles guidés USS Georgia traverse le détroit d’Hormuz, dans le golfe Persique, le 21 décembre 2020. (Indra Beaufort, spécialiste des communications de masse de 2e classe et de la Marine américaine, par l’intermédiaire de l’AP)

Nous attendons désormais de voir si l’Iran va riposter ou si la présence massive des forces américaines le fera réfléchir. Nous attendons de voir si, ou plus probablement quand, le Hezbollah vengera l’assassinat, revendiqué par Israël, de son commandant militaire Fuad Shukr à Beyrouth. Nous évaluons la possibilité que Hassan Nasrallah frappe le quartier général de Tsahal à Tel Aviv (le risque de pertes civiles est peut-être trop élevé), ou peut-être la base de Glilot près de Herzliya (un peu plus éloignée), ou encore des installations sensibles à Haïfa (une cible favorite du Hezbollah, où le maire Yona Yahav a prévenu ses habitants de se préparer à quatre à six jours d’attaques massives à la roquette).

Dans une tentative d’éviter une conflagration régionale de grande ampleur, le président américain Joe Biden et ses collègues ont tenté de lier leurs efforts de désescalade aux neuf mois de négociations infructueuses concernant les otages et le cessez-le-feu depuis la trêve d’une semaine de novembre dernier. Les perspectives restent toutefois très peu prometteuses, car Sinwar, le chef du Hamas, insiste pour que la fin de la guerre soit une condition préalable à tout accord.

De son côté, Netanyahu tient absolument à ce qu’Israël puisse reprendre les combats en cas d’échec de l’accord. Il ne partage pas l’avis de ses propres chefs de la sécurité et négociateurs, exigeant que Tsahal reste à la frontière entre Gaza et l’Égypte et dans le corridor de Netzarim (établi par Tsahal pour éviter un retour massif du Hamas dans le nord de Gaza), même pendant les six premières semaines de l’accord, au cours desquelles une trentaine d’otages encore en vie pourraient être libérés.

Des familles et des sympathisants d’Israéliens pris en otage par des terroristes du Hamas à Gaza manifestent à la Knesset, le 14 août 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

À l’heure où ces lignes sont écrites, il n’est pas certain que le Hamas envoie une délégation pour participer aux négociations de jeudi. Ce qui est certain, c’est qu’aucune stratégie coordonnée, formulée par Israël et son indispensable allié américain, n’est prévue pour réduire à néant les diverses forces vicieuses qui ciblent Israël sur tous les fronts, accélérer la chute du régime des ayatollahs et renforcer les alliances avec des éléments plus modérés dans la région.

Pris par surprise le 7 octobre, alors que le Hamas avait télégraphié ses intentions d’invasion et de destruction, les dirigeants politiques et sécuritaires israéliens, ébranlés, se sont révélés incapables de pleinement intégrer la menace encore plus grande posée par l’Iran et ses mandataires et de s’y préparer efficacement. Trois cent treize jours plus tard, l’absence de stratégie n’est pas seulement impardonnable, elle est potentiellement suicidaire.

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