636 jours après le 7 octobre, Netanyahu se rend pour la première fois au kibboutz Nir Oz
Le convoi du Premier ministre n'est pas entré par le portail principale ; des pancartes accrochées le décrivent comme « Monsieur Abandon »
Plus de six cents jours après l’attaque la plus meurtrière de l’histoire d’Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est rendu jeudi pour la première fois au kibboutz Nir Oz – la communauté la plus durement touchée lors du pogrom.
Il y a rencontré des habitants en colère et amers, qui l’ont toutefois accueilli avec courtoisie et gardent l’espoir qu’il ramènera un jour leurs proches à la maison.
Au cours de cette visite chargée d’émotion, Netanyahu et son épouse Sara ont parcouru le kibboutz, se promenant parmi les maisons ravagées et incendiées en compagnie des résidents et de leurs proches, qui ont partagé les histoires de leur communauté.
Sur les 400 habitants de Nir Oz, 117 ont été soit assassinés, soit kidnappés pendant le massacre. Neuf d’entre eux sont toujours retenus en otage à Gaza.
Malgré ou à cause de l’ampleur du carnage, la plupart des responsables politiques, y compris le Premier ministre jusqu’à présent, avaient évité de se rendre à Nir Oz.
Alors que des manifestants se sont rassemblés à l’entrée du kibboutz, le convoi de Netanyahu est entré par un autre portail, où l’on peut voir en arrière-plan des pancartes le qualifiant de « Monsieur Abandon ».

Au passage des véhicules, des voix ont scandé le mot « honte » et ont accusé Netanyahu de « corruption », de les avoir « abandonnés » et d’être un « assassin » pour avoir laissé les otages à leur sort.
Au cours de la visite, un manifestant muni d’un haut-parleur a dénoncé Netanyahu pour les échecs ayant conduit au pogrom du 7 octobre et pour son incapacité à ramener les otages à la maison, promettant que la communauté « n’oubliera pas ».

Le Premier ministre ne s’était jamais rendu à Nir Oz depuis que le Hamas avait dévasté le kibboutz le 7 octobre 2023, malgré les appels des habitants de cette communauté très soudée.
Invité par le kibboutz, Netanyahu a été reçu par des habitants survivants de l’attaque et des otages libérés.
Au cours d’une réunion durant laquelle le Premier ministre est resté très silencieux, des otages libérés et des proches des victimes du kibboutz l’ont exhorté à mettre fin à la guerre et à ramener tous les captifs par le biais d’un accord. Ils l’ont également confronté à son refus d’établir une commission d’enquête d’État sur les événements du 7 octobre.
Nili Margalit, infirmière et ancienne otage libérée en novembre 2023, a déclaré au Premier ministre qu’elle avait promis à cinq des otages de Nir Oz avec lesquels elle avait été détenue qu’elle ferait « tout son possible pour les faire sortir de là ».
ביבי מגיע לא מהכניסה הראשית של ניר עוז ומקבל קריאות מהמפגינים גם שם pic.twitter.com/vtOhcyjxC3
— לירי בורק שביט (@lirishavit) July 3, 2025
Elle a ensuite confié à N12 qu’elle avait refusé de serrer la main du Premier ministre à la fin de la réunion, expliquant qu’elle s’était excusée auprès de Netanyahu, mais que « cela fait trop mal ».
« J’ai vu, j’étais avec eux. Il aurait été possible de les ramener avec un accord, et c’est pour cela que je suis ici, pour mes amis qui ne sont toujours pas revenus », a-t-elle dit à Netanyahu.
Ariel [Cunio], David [Cunio], Eitan [Horn], Matan [Zangauker] et tous les autres – nous devons les ramener avant qu’il ne soit trop tard. Vous avez la possibilité de vous rendre à Washington et de signer un accord pour ramener tout le monde. Tout le monde », a-t-elle insisté, en référence au voyage prévu du Premier ministre à la Maison Blanche la semaine prochaine.
« Je veux parler de responsabilité. Être responsable, c’est savoir où porter son attention, c’est avoir une vision. C’est pourquoi cette visite est importante », a-t-elle poursuivi. « Mais, Monsieur le Premier ministre, où est votre responsabilité ? »
Margalit a déclaré que, tout comme elle avait estimé avoir le devoir fondamental de prendre soin des personnes détenues avec elle en captivité, l’État avait la responsabilité de protéger et de sauver les otages.
« Je sais ce que sont la faim, le désespoir, les violences psychologiques quotidiennes et l’absence d’espoir », a-t-elle ajouté. « Je pense que la première étape vers la responsabilité, c’est de mettre en place une commission d’enquête d’État. Les familles des soldats tombés, les familles des personnes assassinées, les orphelins, les veuves, les frères et sœurs endeuillés le méritent. Ils méritent de savoir ce qui s’est passé et ce qui continue de se passer en Israël depuis deux ans. »
ראש הממשלה בנימין נתניהו ורעייתו שרה נתניהו, בביקור בקיבוץ ניר עוז: ״אני מרגיש מחויבות עמוקה להבטיח את חזרתם של כל חטופינו, ולפעול כאן לשקם את הקיבוץ הזה״https://t.co/9oHJ6Kzu7K pic.twitter.com/TURmZ37M4g
— ראש ממשלת ישראל (@IsraeliPM_heb) July 3, 2025
Yael Adar, dont le fils Tamir a été assassiné en défendant le kibboutz et dont la dépouille a été emmenée à Gaza, a exhorté le Premier ministre à faire preuve du même courage que celui dont il a fait preuve lors des guerres contre la République islamique de l’Iran et le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah afin de parvenir à un accord pour libérer les otages. De la même manière qu’il n’a pas « éliminé le dernier terroriste du Hezbollah » ni « le dernier Iranien » lors des précédents combats, a-t-elle expliqué, « il doit en être de même ici ».
« Vous savez que lorsque ce sera nécessaire, vous pourrez y retourner », a-t-elle ajouté, laissant entendre que l’armée pourrait reprendre les opérations militaires à Gaza après la libération des otages.
« Cette semaine est décisive. Je m’attends à entendre que Tamir reviendra dans le mois qui vient, parce qu’il fait partie des derniers, parce qu’il est un soldat de Tsahal. Et avant lui, tous ceux qui sont encore en vie doivent être rapatriés. Tamir rentrera chez lui dans un mois », a-t-elle insisté face au Premier ministre.
Alors que Netanyahu a été vu en train d’écouter attentivement, la chaîne publique Kan a rapporté qu’il avait également assuré aux résidents que « de notre point de vue, un accord existe, nous espérons pouvoir annoncer [le cessez-le-feu] prochainement ».

Une vidéo tournée au kibboutz Nir Oz montre une rencontre chaleureuse entre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Einav Zangauker, la mère de l’otage Matan Zangauker et l’une de ses critiques les plus virulentes.
On la voit étreindre Netanyahu et son épouse Sara
ראש הממשלה נתניהו ועינב צנגאוקר: תיעוד ראשון מתוך המפגש כעת בניר עוז pic.twitter.com/cHV1umfvVW
— almog boker (@bokeralmog) July 3, 2025
Zangauker est l’une des principales figures du mouvement de manifestations réclamant la fin de la guerre et la conclusion d’un accord sur les otages. Elle a souvent accusé Netanyahu de torpiller activement les accords potentiels visant à libérer son fils et les autres otages, les condamnant ainsi à l’échec.
Selon des analystes, la décision de Netanyahu de se rendre enfin à Nir Oz est probablement un autre signe qu’il serait prêt à conclure un accord pour mettre fin à la guerre.
ראש הממשלה נתניהו ועינב צנגאוקר: תיעוד ראשון מתוך המפגש כעת בניר עוז pic.twitter.com/cHV1umfvVW
— almog boker (@bokeralmog) July 3, 2025
Netanyahu a également rencontré la petite amie de Matan, Ilana Gritzewsky, qui a été libérée lors du cessez-le-feu de novembre 2023.
Dans un appel sincère et touchant, Gritzewsky a exhorté le Pemier ministre à conclure un accord pour permettre à tous les otages de rentrer chez eux.
« Je veux me reconstruire, vivre ma vie. Avec Matan. J’ai défendu le pays, j’étais une soldate de combat, et je continuerai à défendre le pays. Mais il n’y a qu’une seule façon pour vous de nous rendre notre honneur : ramener les otages et tous nos soldats. Mon frère est un soldat, je vis donc avec la crainte de l’enterrer à mon tour », a-t-elle déclaré.
« Il est temps, dès maintenant, de ramener tout le monde à la maison, nos soldats et les otages, afin que, en tant que peuple juif, nous puissions véritablement nous reconstruire », a-t-elle ajouté.
שורדת השבי אילנה גריצבסקי פנתה לנתניהו בדמעות במהלך ביקורו ניר עוז: "הדבר היחיד שיחזיר את הכבוד שלנו זה להחזיר את 50 החטופים ואת כל החיילים שלנו. אחי לוחם, ואני חיה בפחד שגם אותו אני אקריב"@Itsik_zuarets pic.twitter.com/pSe27FUOxg
— כאן חדשות (@kann_news) July 3, 2025
Danny Elgarat, un autre critique du gouvernement, dont le frère Itzik a été assassiné en captivité et dont le corps a été restitué en février lors du dernier cessez-le-feu, a confronté le Premier ministre en lui présentant une photo d’Itzik.
*תושבי ניר עוז בצעקות בזמן ביקור נתניהו: "תסביר למה הפקרת אותנו" pic.twitter.com/QzGgZTnfbf
— A dios Le pido ???? (@Yaronara) July 3, 2025
Elgarat a ensuite déclaré aux médias que le Premier ministre ne savait pas qui il était.
« Je lui ai dit : “Regardez mon frère dans les yeux et dites-lui pourquoi vous l’avez abandonné.” Il a regardé, mais, comble de l’absurdité, le Premier ministre a demandé à Gal Hirsch [le responsable des otages au sein du gouvernement] qui j’étais. Il ne me connaît pas », a-t-il confié au site d’information Ynet.
Il a ajouté que Netanyahu ne s’était jamais rendu au domicile de son frère.
Ofri Bibas, dont le frère Yarden a été libéré en février, a déclaré à Ynet que la visite de Netanyahu « est arrivée trop tard. »
« Il y a deux mots que j’attends toujours d’entendre de sa part : “responsabilité” et “excuse”. Mais ce n’était pas l’objectif de sa visite », a-t-elle affirmé, accusant Netanyahu de s’être rendu au kibboutz avant tout pour des raisons politiques et personnelles.
La femme de Yarden, Shiri, et leurs deux jeunes fils, Ariel et Kfir, ont été assassinés en captivité par des terroristes du Hamas. Leurs corps ont été restitués en février.
« On ressent ici jusqu’au plus profond de l’âme l’ampleur de la douleur, la profondeur du chagrin, le traumatisme qui a frappé toute une communauté », a dit le Premier ministre, aux côtés de son épouse Sara.
« Je suis profondément engagé avant tout à garantir le retour de tous nos otages, tous, sans exception. Il reste encore 20 vivants et aussi des morts et nous les ramènerons tous », a dit Netanyahu dans une vidéo diffusée par son bureau, en référence aux 50 otages toujours détenus par le Hamas.
Parmi les personnes enlevées le 7 octobre à Nir Oz, neuf sont encore en captivité, dont quatre présumés vivants.

Le Premier ministre a également exprimé son « engagement profond à agir ici pour réhabiliter ce kibboutz et redonner vie à ses habitants. Nous allons mettre fin à la bureaucratie et reconstruire ».
Un accord en cours de négociation, soutenu par le président américain Donald Trump, prévoirait la libération de 10 otages vivants et de 18 otages morts, dans le cadre d’une trêve de 60 jours. Les négociations devraient ensuite aboutir à la libération de tous les otages restants et à l’instauration d’un cessez-le-feu permanent. Trump doit accueillir Netanyahu à la Maison-Blanche lundi.
« Il y a aussi un engagement profond à agir ici, pour réhabiliter ce kibboutz et lui redonner vie. Nous allons supprimer les lourdeurs bureaucratiques et reconstruire », a promis le Premier ministre.
Dans ses propos, Sara Netanyahu a évoqué sa rencontre avec l’otage israélo-américain Sagui Dekel-Chen, libéré lors du précédent cessez-le-feu en février, en racontant : « Il m’a montré la tétine de sa fille de trois ans. »
« Sa petite fille, sa sœur de sept ans et leur mère sont restées à l’intérieur de la pièce sécurisée. Elles ont tenu la porte et calé la table à langer de la petite – cette adorable petite fille – contre la porte. C’est ainsi qu’elles ont été sauvées, grâce à leur héroïsme et à leur débrouillardise », a-t-elle raconté.
« Nous avons aussi entendu l’histoire de sa mère, qui avait été prise en otage et qui a réussi à s’échapper et à revenir au kibboutz – une autre histoire de femme courageuse. Je lui ai dit qu’il vivait parmi des femmes héroïques. Je pense qu’en plus de ce qu’a dit le Premier ministre sur les scènes de dévastation et les horreurs qui se sont produites ici – des choses indescriptibles – il y a eu aussi des histoires d’héroïsme stupéfiant, de la part de civils, de femmes, de garçons et de filles. On a vu une débrouillardise, une bravoure, une force qui défient les mots. C’est une tragédie terrible qui s’est déroulée ici », a-t-elle conclu.
À l’issue de la visite, les habitants du kibboutz ont publié un communiqué dans lequel ils appellent le gouvernement à faire progresser les efforts pour ramener les otages encore détenus, dont les neuf originaires de Nir Oz, ainsi qu’à engager la reconstruction de la communauté et la réhabilitation de ses membres, où qu’ils choisissent d’élire domicile.
« Mieux vaut tard que jamais », a commenté le chef du parti Kakhol Lavan, Benny Gantz, à propos de la première visite de Netanyahu à Nir Oz. Il a également appuyé la nécessité d’établir une commission d’enquête d’État.
« La décision d’y aller est importante et le moment est venu de former une commission d’enquête nationale », a déclaré Gantz, faisant référence à la commission d’enquête de haut niveau que Netanyahu a refusé de s’engager à former pour enquêter sur les défaillances entourant le 7 octobre.
Ce petit kibboutz a été l’un des plus durement touchés par l’attaque du Hamas, 117 des quelque 400 habitants de la communauté ayant été kidnappés ou assassinés pendant le massacre. Malgré l’ampleur du carnage perpétré par les terroristes du Hamas dans cette localité, la plupart des responsables politiques du gouvernement, y compris Netanyahu, sont restés à l’écart de Nir Oz, traditionnellement considéré comme un bastion pacifiste.
Après avoir rendu visite à Nir Oz, Benjamin Netanyahu et son épouse se sont également rendus dans la ville voisine d’Ofakim, où ils ont rencontré des victimes locales de l’assaut du 7 octobre, ainsi que des soldats qui ont combattu les terroristes ce jour-là, a indiqué le bureau du Premier ministre.
Les Netanyahu, accompagnés du maire d’Ofakim Itzik Danino, du maire adjoint Almog Cohen et du député Likud Boaz Bismuth, ont notamment rencontré Rachel Edry et son fils Evyatar. Rachel, devenue une figure médiatique emblématique pour son calme incroyable et son sang‑froid, avait en effet proposé des biscuits aux terroristes qui avaient envahi sa maison le 7 octobre à Ofakim. Ils ont également allumé des bougies commémoratives et rencontré des familles endeuillées.

« Il y a eu ici des actes de bravoure exceptionnels de la part d’hommes et de femmes qui se sont trouvés là au bon moment », a déclaré Netanyahu, selon des propos transmis par son bureau. « Je pense que la nation d’Israël fait preuve d’une immense force mentale, de courage, de bravoure et d’une volonté de vivre inébranlable face à ceux qui cherchent à nous détruire. Notre volonté est plus forte que la leur, notre force de frappe est plus forte que la leur. Et au bout du compte, c’est notre force spirituelle qui les vaincra. »
Il a ajouté qu’Israël ramènerait « tous nos otages » et « éliminerait » le Hamas.