A Akko, ville juive et arabe, les habitants poussent à former un front uni contre l’Iran
Le marché étrangement calme de cette ville côtière de l'ouest de la Galilée a été secoué par des émeutes, la COVID-19 et maintenant par un autre conflit - mais les résidents ne peuvent pas imaginer vivre ailleurs

AKKO – En cette journée de lundi, le chaudronnier Dror Miro – à la tête d’une entreprise familiale qui existe depuis quatre générations – est assis à son établi, installé à l’angle du marché, martelant un motif qui représente un lion sur fond d’étoile de David.
« J’ai commencé à créer ce motif six mois avant l’opération Rising Lion », déclare Miro, âgé de 40 ans, en faisant référence à la guerre opposant Israël à l’Iran qui a débuté le 13 juin, lorsque l’État juif a lancé une attaque-surprise contre le programme nucléaire iranien.
L’Iran a répondu aux frappes chirurgicales israéliennes par des tirs de missiles indiscriminés qui ont touché des centres urbains israéliens. Ces attaques ont jusqu’à présent fait 24 morts et des centaines de blessés, selon les autorités israéliennes.
Les habitants d’Akko – une ville mixte de 65 000 habitants, dont la population est composée à 65 % de Juifs et à 35 % d’Arabes – se sont confiés au Times of Israel avec un mélange de résignation, de patience, de conscience qu’ils partagent tous la même destinée et de nostalgie d’une époque où la la localité était calme, où les rues étaient animées.
« Il n’y a pas de touristes maintenant ? » s’étonne Miro, reprenant la question qui a été posée par l’auteur de ces lignes. « C’est désert depuis deux ans. Il n’y a rien ».
Miro explique que les commerçants commençaient alors tout juste à se remettre sur pied après les émeutes survenues en 2021, des échauffourées qui avaient entraîné leur lot de destructions. A cette occasion, plus d’une dizaine de boutiques appartenant à des Juifs avaient été incendiées dans la Vieille Ville d’Akko, qui est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
« Nous tous, Juifs et Arabes, nous voulons simplement travailler », explique l’artisan.

Aux premières heures de la matinée de dimanche, une attaque aux missiles a coûté la vie à trois femmes musulmanes et à une fillette à Tamra, une ville à majorité musulmane située à 17 kilomètres à l’Est d’Akko.
Une frappe qui est encore fraîche dans l’esprit de Victoria, qui refuse de décliner son patronyme alors qu’elle prend le temps de s’arrêter pour discuter quelques minutes, avant un rendez-vous chez le médecin.
Victoria évoque la réprimande, de la part du Premier ministre Benjamin Netanyahu, à l’encontre des auteurs d’une vidéo qui a été diffusée sur les réseaux sociaux et qui a montré des Israéliens, vraisemblablement Juifs, se réjouir de l’attaque qui a endeuillé la ville arabe israélienne voisine.
« En temps de guerre, nous devons être solidaires », affirme Victoria, qui a 60 ans. « Nous avons besoin d’un Israël fort, et nous devons ainsi être forts, tous ensemble ».

Deux employées de la municipalité arpentent le bazar, distribuant une page qui contient les informations sur les mesures à prendre en cas de déclenchement des sirènes qui signalent l’arrivée imminente des missiles balistiques iraniens.
« Si les sirènes sont activées », explique Deeb Bader, qui moud des grains de café dans son troquet, « nous devons nous réfugier sous la salle des Chevaliers », un bâtiment en pierre construit au 12e siècle qui semble être un abri approprié.
Bader explique avoir vécu plusieurs années en Californie.
« Là-bas, nous avons vécu plusieurs tremblements de terre et ici, nous vivons les guerres », dit-il.

La majorité des magasins du marché sont fermés, à l’exception de quelques vendeurs de produits frais.
Un chat errant se prélasse sur les étagères qui accueillent habituellement les marchandises.
Même Hummus Said, un restaurant où, parfois, la foule se presse pour déguster sa célèbre purée de pois chiches, est vide.
« On espère que ça va s’améliorer », s’exclame Said Abu Bakar, qui est assis à sa place habituelle, derrière la caisse. « On ne peut pas abandonner ».
Sans l’affluence habituelle, Abu Bakar a le temps de discuter tranquillement. Il plaisante en disant que c’était mieux avant, quand « tout le monde parlait yiddish », une langue que son père maîtrisait parfaitement.
C’est mon pays
Dans un magasin qui vend du matériel pour les pêcheurs et pour les nageurs, Mohammed Bayaa, 40 ans, indique que les gens continuent d’aller pêcher « non pas pour attraper du poisson, mais pour s’asseoir en bord de mer et pour s’échapper un peu ».
Le magasin a été créé par le père de Bayaa, il y a 40 ans.
Il dit qu’il aimerait « effacer » les cinq dernières années de sa vie.
« D’abord, il y a eu la pandémie de COVID-19, puis il y a eu les émeutes, et il y a maintenant la guerre depuis deux ans », s’exclame-t-il.

Bayaa a grandi à Akko et il parle avec nostalgie de son enfance – quand il célébrait les fêtes juives avec ses voisins et ses amis.
Il songe parfois à quitter Israël avec son épouse et ses trois enfants pour s’installer en Europe.
« Mais c’est mon pays », dit-il. « J’ai un sentiment d’appartenance à Israël ; je ne sais pas si je pourrais l’avoir ailleurs. »
Il espère qu’à l’avenir, « nous pourrons regarder derrière nous et simplement nous dire que ça a été une période difficile de l’Histoire ».
« J’espère qu’un jour, la paix règnera avec le Liban, la Syrie, l’Irak et même avec l’Iran », indique Bayaa. « Je pense que la situation va encore empirer pendant un certain temps, puis qu’elle s’améliorera ».
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