Israël en guerre - Jour 370

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Carnet du journaliste

A Césarée, les manifestations au domicile de Netanyahu perturbent le calme bucolique d’une ville côtière somptueuse

Les rassemblements organisés aux abords de la résidence privée du Premier ministre attirent, une fois encore, des centaines de personnes chaque semaine avec des riverains ennuyés par cette intrusion et d'autres qui préfèrent entrer dans la bataille

Des manifestants anti-Netanyahu sur le boulevard Rothschild de Césarée, le 30 mars 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
Des manifestants anti-Netanyahu sur le boulevard Rothschild de Césarée, le 30 mars 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

CÉSARÉE — Un soir, au crépuscule, à l’heure où le soleil se couche dans la mer, Shahar Bek, poussant un bébé dans une poussette, hâte le pas en dépassant une foule de personnes qui portent des drapeaux, certains avec un mégaphone à la main.

Bek, thérapeute du sport, dit être pressé de rentrer chez lui, avec sa fille, pour éviter la cohue des manifestants anti-gouvernement qui se retrouvent ici par centaines le samedi soir et qui se rassemblent aux abords du domicile du Premier ministre.

« C’est horrible », gémit-il, faisant état des perturbations entraînées dans le quartier par le mouvement de protestation. « Je veux que ça s’arrête ».

Les manifestations organisées à proximité des résidences privées de Netanyahu – à Jérusalem d’abord, et dans une grande demeure située dans la communauté luxueuse de Césarée, sur la côte, au nord de Netanya – ont repris suite à une pause de plusieurs mois qui avait suivi le massacre du 7 octobre et alors que les mouvements des opposants au gouvernement reprennent de l’ampleur à Jérusalem, à Tel Aviv ou ailleurs.

La plus grande partie de l’attention s’est concentrée sur Jérusalem où, la semaine dernière, les protestataires ont paru prendre par surprise la police et les agents de sécurité du Shin Bet en franchissant les barricades qui avaient été dressées à la hâte, affrontant les forces de l’ordre.

Les rassemblements de Césarée, qui ont lieu tous les samedis dans la soirée devant l’habitation du Premier ministre, ont été plutôt fades en comparaison – mais les tensions se sont accrues avec certains résidents de cette ville généralement placide au fur et à mesure que le mouvement a gagné en ampleur.

Jusqu’à 700 personnes se sont présentées lors des manifestations récentes organisées dans la principale artère de circulation de la station balnéaire, récemment – ce qui représente plus que les dizaines qui se regroupaient jusqu’à présent, et seulement une fraction des milliers d’Israéliens qui se retrouvaient chaque semaine au pic du mouvement de protestation dénonçant le projet de refonte radicale du système judiciaire qui était alors avancé par le gouvernement, l’année dernière.

Gal Bek et sa fille retournent chez eux, sur le boulevard Rothchild de Césarée, le 30 mars 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

« Ils crient dans nos oreilles ; ils bloquent la rue le seul jour où nous sommes en congé ; en somme, ils nous imposent un couvre-feu et pourquoi ?… Netanyahu n’est même pas ici », déplore Bek, 40 ans, auprès du Times of Israel.

Samedi dans la soirée, les manifestants, à Césarée, se sont réunis autour de la principale barricade, à environ 250 mètres de la résidence que possède Netanyahu dans la rue Hadar, ce qui est beaucoup plus près que les 800 mètres qui séparent habituellement les protestataires et le domicile du Premier ministre, selon le groupe de protestation Moked Caesarea.

Deux personnes ont été arrêtées pour violences présumées contre des policiers.

Des Israéliens manifestent contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu aux abords de sa résidence privée de Césarée, le 1er août 2020. (Crédit : Meir Vaknin/Flash90)

La majorité des personnes présentes viennent de l’extérieur de cette ville huppée qui compte environ 6 000 habitants, qui accueille l’un des seuls terrains de golf du pays et où les maisons se vendent souvent au prix de dix millions de shekels – et souvent plus.

Les manifestations ont généralement lieu autour du boulevard Rothschild, une artère de circulation qui est aussi un lieu populaire de promenade sur le front de mer et qui s’étend le long des dunes naturelles, au cœur de Césarée. Les manifestants stationnent sur les accotements du boulevard, l’encombrant sur de nombreux mètres. Les locaux, pour leur part, viennent plutôt en vélo ou accompagnés de leur chien.

Hanna Bendor, une agente immobilière âgée d’une cinquantaine d’années, fait partie des habitantes de Césarée à venir, chaque semaine, manifester contre Netanyahu.

« Bien sûr, je trouve ça gênant », explique-t-elle en évoquant le mouvement de protestation. « Mais je trouve plus gênant encore de vivre dans un pays dirigé par un escroc et par un incapable qui, aux côtés de tout un groupe de radicaux et d’opportunistes, nous emmène au bord du gouffre », ajoute-t-elle.

Les familles des Israéliens kidnappés par les terroristes du Hamas à Gaza manifestent aux abords de la maison du Premier ministre à Césarée, le 20 janvier 2024. (Crédit : Jonathan Shaul/Flash90)

Environ 25 % des électeurs, à Césarée, ont voté pour le parti du Likud de Netanyahu lors du scrutin de 2022. Mais 63 % ont voté pour les partis de l’opposition – avec 38 % des suffrages qui sont allés au parti libéral Yesh Atid de Yair Lapid et 10 % à Avoda et au Meretz, des formations de gauche.

Une résidente, Limor Ben Hur, accueille les protestataires par des quolibets alors qu’elle fait sa séance de marche rapide sur le trottoir, le 30 mars. En vêtements de sport, de petites haltères à la main, elle hurle : « Cassez-vous, les inutiles, les désœuvrés ! On sait parfaitement ce que vous faites ! »

Son opposition est idéologique, explique-t-elle. « Ce n’est pas qu’ils sont toujours sur mon dos – parce qu’ils le sont, d’ailleurs – mais c’est qu’ils sont vulgaires et qu’ils sont malhonnêtes. Ces harceleurs tentent de renverser la droite depuis un an et demi, et maintenant ils se servent de la guerre comme prétexte pour atteindre leur objectif », ajoute-t-elle.

« Ils deviennent plus dangereux aussi », estime-t-elle.

Les incidents de violences physiques graves sont rares lors des manifestations anti-Netanyahu – qui consistent essentiellement en blocages de route – et elles n’ont entraîné, jusqu’à présent, que l’arrestation d’une poignée de protestataires, chaque semaine. A Tel Aviv et à Jérusalem, lors de certains mouvements de protestation, les camions à eau et la police à cheval ont été déployés pour disperser la foule qui bloquait des artères de circulation, et des accusations d’usage excessif de la force ont pu être lancées à l’encontre des forces de l’ordre.

La police utilise des canons à eau contre les manifestants bloquant l’autoroute Ayalon à Tel Aviv, le 9 mars 2024. (Crédit : Adar Eyal/Israeli Pro-Democracy Protest Movement)

La police a présenté des preuves, la semaine dernière, réunies contre plusieurs manifestants qui, a-t-elle indiqué, avaient prévu d’atteindre le domicile du Premier ministre à Césarée. Ils étaient notamment en possession de cartes montrant comment mener à bien leur projet.

La villa de Netanyahu – payée environ un million de shekels en 2002 (sa valeur a depuis été multipliée par quatre) est située dans une rue sinueuse, la rue Hadar, qui est parallèle au boulevard Rothschild.

Elle est habituellement gardée par deux vigile – un effectif qui est revu à la hausse le jour des rassemblements qui ont lieu dans la station balnéaire.

Les forces de sécurité israéliennes montent la garde devant la villa du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée, le 20 janvier 2024. (Crédit : Jonathan Shaul/Flash90)

Alors même que les blocages de route sont rares à Césarée, les tensions semblent s’accroître avec la guerre et avec la captivité continue des otages – deux inquiétudes qui entraînent une polarisation de plus en plus importante dans la société israélienne. Les hostilités avaient éclaté après l’assaut meurtrier des terroristes du Hamas dans le sud d’Israël. Ce jour-là, les hommes armés avaient massacré plus de 1 200 personnes et enlevé 253 personnes, prises en otage dans la bande de Gaza.

Les manifestants et de nombreuses familles de captifs veulent que le gouvernement change de cap ou qu’il se retire, avec la planification d’élections anticipées. Ils considèrent que le leadership politique est largement responsable des problèmes rencontrés dans l’effort de guerre, dans l’absence d’un accord qui permettrait aux otages d’être libérés ou dans la détérioration des liens unissant Israël à ses alliés occidentaux, avec parmi eux les États-Unis.

La rhétorique à l’encontre de Netanyahu s’est aussi considérablement durcie sur internet, certains le comparant à Nicolae Ceauşescu, le président roumain déchu qui avait finalement été exécuté.

« Il n’y a pas d’alternative. Contrairement aux Allemands, il n’y a personne pour mettre un terme au règne de ce Führer destructeur à notre place. Nous devons le faire seuls, comme les Roumains l’avaient fait quand ils s’étaient débarrassés de Ceauşescu, » a ainsi écrit sur Facebook Jonathan Ariel Schwartz, ancien journaliste et consultant stratégique originaire de Rosh Haayin, le 27 mars.

Photo d’illustration : Vue aérienne de Césarée, le 16 juin 2012. (Crédit : Moshe Shai/Flash90)

Liraz Rimon, professionnel du marketing résidant à Pardes Hannah et qui se rend régulièrement aux rassemblements organisés à Césarée, a écrit samedi un post au sujet de Netanyahu, sur Facebook, disant que le Premier ministre est « un homme détestable qui, avec sa vie dérangée, place Israël sur les genoux et pointe une arme chargée sur la tempe du pays ».

Les mouvements de protestation organisés à proximité de la résidence privée de Netanyahu sont toutefois restés relativement sobres. Samedi, des marcheurs, certains portant des affiches à l’effigie des otages de Gaza, sont partis du lieu de rassemblement jusqu’à la barricade placée par la police, sans tenter d’aller plus loin.

Photo d’illustration : Vue aérienne de Césarée, le 16 juin 2012. (Crédit : Moshe Shai/Flash90)

S’ils sont sobres, ile ne sont toutefois pas silencieux.

Le gouvernement « écrase les Israéliens », a déclaré Guy Tzur, général de la réserve de Tsahal, samedi.

Une autre intervenante de Moked Caesarea, qui n’a pas fait part de son identité, a estimé que Netanyahu « est la seule partie coupable du massacre du 7 octobre ». Elle a ajouté qu’il devait « être jugé pour meurtre ».

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