Israël en guerre - Jour 497

Rechercher

A New York, la réplique de la Maison d’Anne Frank renforce l’Humanité des victimes des nazis

La reproduction de la minuscule annexe d'Amsterdam où la jeune écrivaine s'était cachée avec sa famille sera ouverte au public au Centre d'histoire juive lundi, Journée internationale de commémoration de la Shoah

  • De jeunes adultes visitent l'exposition Anne Frank, au Centre d'histoire juive de New York, en janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
    De jeunes adultes visitent l'exposition Anne Frank, au Centre d'histoire juive de New York, en janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
  • Anne Frank : l'exposition, au Centre d'histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
    Anne Frank : l'exposition, au Centre d'histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
  • Anne Frank : l'exposition, au Centre d'histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
    Anne Frank : l'exposition, au Centre d'histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
  • Anne Frank : l'exposition, au Centre d'histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)
    Anne Frank : l'exposition, au Centre d'histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)

NEW YORK — J’ai presque le sentiment d’être intrusif. Jusqu’à quel point suis-je censé connaître la vie de cette jeune fille ?

Me voilà dans une reproduction de l’annexe secrète de la maison du canal où Anne Frank était restée cachée pendant 761 jours, alors que la ville d’Amsterdam était sous occupation nazie. J’ai déjà contourné une étagère en bois, comme celle qui séparait les bureaux d’Otto Frank du sanctuaire improvisé qui se trouvait à l’intérieur.

Ensuite, je traverse trois pièces : celle que partageaient les parents d’Anne, Otto et Edith, et sa sœur aînée Margot ; une plus petite, dans laquelle cohabitaient Anne et Fritz Pfeffer, le dentiste colocataire d’Anne, un homme qu’elle n’appréciait pas particulièrement et qui était de 40 ans son aîné. Je me rends dans le salon et dans la salle à manger partagés qui servaient de chambre à Hermann et à Auguste van Pels ; et enfin dans la plus petite pièce de toutes, à l’arrière, la pièce où se réfugiait Peter van Pels, avec une échelle montant au grenier où Anne et Peter avaient échangé leur premier baiser.

C’est là, alors que je prends des notes à côté d’un autre journaliste présent sur les lieux et tout en écoutant l’un des passages les plus croustillants du « Journal », que le phénomène Anne Frank me frappe soudain plus fort que jamais : Ces gens étaient bien réels.

Cette révélation – qui émane également de la nature banale (quoique remarquablement écrite) du journal d’Anne Frank – est, bien sûr, ce qui a permis à son histoire de rester vivante, génération après génération. Pour des millions de personnes, l’écriture réaliste – et apparemment sans effort – d’Anne Frank est le premier lien humain avec la Shoah, peut-être même le lien le plus durable, plus que n’importe quelle autre leçon d’histoire, plus que n’importe quel film documentaire brutal.

C’est peut-être la raison pour laquelle Michael Glickman, le PDG de la société jMUSE, l’une des organisations qui a œuvré à amener « Anne Frank : The Exhibition » jusqu’au Centre d’histoire juive de New York, a estimé qu’il s’agissait là « de l’exposition juive la plus importante à avoir été présentée dans ce pays » lors d’un discours prononcé devant les journalistes, quelques jours avant son ouverture au public.

Si la Maison d’Anne Frank, à Amsterdam, a été transformée en musée il y a 65 ans, tout le monde n’est pas en mesure de s’offrir le voyage. Et, comme nous l’explique Ronald Leopold, le directeur-exécutif de la Maison d’Anne Frank, ceux qui se rendent dans la ville néerlandaise se retrouvent souvent dans l’impossibilité d’obtenir des billets (les moulins à vent, les Van Gogh et les énormes meules de Gouda en cire rouge sont toutefois susceptibles de servir de lot de consolation).

La nouvelle exposition, à New York, ouvrira ses portes le 27 janvier (date de la Journée internationale de commémoration de la Shoah) et elle se terminera le 30 avril. Les billets présentés en pré-vente partent vite – et je présume donc qu’il pourrait bien y avoir une prolongation. Évitez toutefois de compter là-dessus en l’absence d’une annonce officielle et si vous pouvez réserver une date pour y aller maintenant, alors faites-le. L’exposition présente plus de cent objets qui, selon Ronald Leopold, sont rarement, voire jamais, exposés à Amsterdam.

D’une certaine manière, ici à New York, on a « plus » qu’à Amsterdam, fait-il ainsi remarquer.

Le directeur exécutif de la Maison d’Anne Frank à Amsterdam, Ronald Leopold, devant une reproduction de la chambre d’Anne Frank dans le cadre de l’exposition « Anne Frank : The Exhibition » au Centre d’histoire juive de New York, en janvier 2025. (Crédit : John Halpern)

Leopold ajoute avoir le sentiment que cette exposition s’inscrit parfaitement dans la continuité de la mission qu’Otto Frank s’était donnée, en 1960 – celle que non seulement les visiteurs puissent apprendre le passé, mais qu’ils sachent aussi tirer les leçons de l’Histoire.

En plus du cœur de l’exposition – la reconstitution des pièces de l’annexe – des objets ayant appartenu à la famille Frank côtoient des images et des vidéos retraçant leur vie à Francfort et à Amsterdam, ainsi que la vie d’Otto Frank après Auschwitz. Leur effet cumulatif permet de prolonger l’ouvrage qui est celui du « Journal d’Anne Frank » – rendre tangible l’énormité de la Shoah en s’attardant sur un exemple particulier.

Anne Frank : l’exposition, au Centre d’histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)

Le Centre d’Histoire juive est spécialement bien placé pour accueillir cette exposition – dans ce quartier de Manhattan, les maisons sont reliées les unes aux autres. Parmi les événements les plus ludiques organisés ces dernières années, citons « Jews in Space : Les membres de la tribu en orbite » et « Am Yisrael High : l’Histoire des Juifs et du cannabis »). Ainsi, au début de la visite, certains tournants et certaines rampes, inhabituels dans les habitations classiques, donnent à l’esprit cet étrange sentiment de disparaître face aux regards, à l’écart de la vie de la rue.

La première salle – où le visiteur est susceptible de se heurter à une malle d’Otto Frank, placée là de façon symbolique – permet de découvrir des photos de famille et des bibelots. Ici, une louche qu’Edith Frank utilisait pour nourrir sa famille à Francfort. Là-bas, un minuscule tourne-disque acheté pour Anne et Margot en 1929. Sur une étagère se trouve un exemplaire de « l’Éthique » de Spinoza qui appartenait à la famille, posé à côté d’un livre de la Torah en allemand et en hébreu. Sur le mur, une photo agrandie d’Otto et de son frère Robert dans leurs uniformes de la Première Guerre mondiale, à côté d’une image de soldats juifs allemands célébrant Yom Kippour à Bruxelles.

Anne Frank : l’exposition, au Centre d’histoire juive de New York, janvier 2025. (Crédit : John Halpern)

Ils s’étaient ensuite installés à Amsterdam, où la famille pensait être en sécurité. L’exposition permet ainsi de découvrir la machine à écrire qui appartenait à Miep Gies, une proche de la famille Frank qui avait caché le journal intime d’Anne, qui avait été capturée et envoyée dans l’Est. Il y a aussi une publicité pour la société de pectine et d’épices d’Otto. Une photo montre Anne souriant à un bureau, avec ses camarades de classe autour d’elle. Dans une autre pièce, une médaille gagnée par Margot avec son équipe d’aviron, à côté de bulletins de notes et d’une version néerlandaise du jeu de Monopoly.

Anne Frank : The Exhibition, au Centre d’histoire juive de New York, en janvier 2025. (Crédit :John Halpern)

Il y a toutefois une ombre qui plane, avec ces images sinistres de l’avancée du nazisme. « Nous ne considérons pas les Juifs comme des membres de la nation néerlandaise. Pour nous, les Juifs ne sont pas hollandais. Les Juifs sont l’ennemi avec lequel aucun armistice, aucune paix ne peuvent être conclus », dit Arthur Seyss-Inquart, commissaire du reich dans les Pays-Bas qui étaient alors occupés par les Allemands.

Ensuite viennent l’annexe et les petites pièces où les familles Frank, van Pelses et où Fritz Pfeffer avaient choisi de vivre en attendant que le monde extérieur s’éveille de sa folie. Dans la réplique de la chambre d’Anne et de Fritz, de célèbres découpages de stars de cinéma apposés au mur, ainsi que quelques œuvres d’art classiques. (L’autoportrait de Léonard de Vinci fait une apparition).

Nous découvrons le bureau où elle écrivait son journal, et un enregistrement explique comment elle et Pfeffer se querellaient pour pouvoir l’utiliser. (Il apprenait l’espagnol pendant qu’elle créait l’un des documents qui devaient figurer parmi les plus importants du XXe siècle). J’ai bien failli ne pas le voir – mais dans le coin, à côté de quelques bonbons, se trouve un fac-similé du journal à carreaux rouges qu’Anne avait reçu en cadeau pour son 13e anniversaire.

Après la chambre de Peter van Pels, où j’ai vécu une expérience extracorporelle (ce qui n’est pas rare lorsque je visite des expositions sur la Shoah), il y a un tournant serré et une chambre étonnante, bien éclairée, avec un sol en verre au-dessus d’une carte topographique de l’Europe. Des drapeaux colorés représentent les camps de concentration nazis. Une sorte de labyrinthe nous fait découvrir l’efficacité de la « solution finale » et nous ramène finalement à la photo d’Anne Frank et de ses camarades de classe. Une voix lit leurs noms, puis l’âge et le lieu où ils ont péri.

Une visiteuse observe la reproduction de la chambre de Peter van Pels et l’échelle menant au grenier dans le cadre de l’exposition « Anne Frank : The Exhibition », au Centre d’histoire juive de New York, en janvier 2025. (Crédit : John Halpern)

La dernière section de l’exposition explique comment Otto Frank avait fait connaître le journal d’Anne au monde entier. Le visiteur peut ainsi railler la lettre de refus qu’il avait reçue de la maison d’édition américaine Viking Press, puis voir 79 traductions différentes du monde entier – 30 millions d’exemplaires ont été vendus. (Sont également exposés un chemisier porté par Susan Strasberg dans l’adaptation théâtrale de 1955 du « Journal d’Anne Frank » et l’Oscar remporté par Shelley Winters pour son interprétation de Petronella Van Daan dans le film de 1959).

La dernière note exposée est une lettre qui avait été envoyée par Otto Frank à un groupe d’écoliers du Bronx, qui avaient ressenti le besoin de lui écrire après avoir lu l’œuvre d’Anne en 1973. Il leur disait, dans sa missive, de ne pas la juger trop sévèrement pour avoir semblé, à l’occasion, faire preuve de méchanceté à l’égard de sa mère et il les mettait en garde contre le virus des préjugés.

Anne Frank : The Exhibition, au Centre d’histoire juive de New York, en janvier 2025. (Crédit :John Halpern)

Ma visite de « Anne Frank : l’exposition » a eu lieu moins de vingt-quatre heures après qu’une garderie juive de Sydney a été incendiée, que des manifestants dont le visage était dissimulé derrière des masques ont perturbé le cours d’un professeur israélien à l’université de Columbia et que le meilleur ami du président Trump, Elon Musk, s’est livré à un geste qui m’a semblé vraiment très proche d’un salut nazi – le même Musk qui, il y a quelques semaines, avait exhibé un meme Pepe.

Plus de 350 écoles ont d’ores et déjà réservé des billets pour amener leurs élèves découvrir « Anne Frank : l’exposition », des écoles en provenance de toute l’Amérique du Nord. Ces visites, ainsi qu’un programme scolaire qui a été élaboré de manière à accompagner au mieux l’exposition, sont gratuites grâce à l’intervention d’un groupe de bienfaiteurs (Barbra Steinsand figure parmi eux). Il m’a été confié que les assistants et les éducateurs atténueront certains des éléments les plus brutaux pour les enfants du primaire, mais qu’ils ne nieront pas la réalité de ce que représente l’exposition.

Lors de la présentation de l’exposition au cours de laquelle il a pris la parole, Ronald Leopold nous a offert un moment poignant, brandissant un cadre qui contenait deux photos. À gauche, une image bien connue de la jeune Anne Frank. À droite, un garçon que je n’avais jamais vu auparavant. Il s’appelait Levy Spanjer. Il était né le 12 juin 1929, le même jour qu’Anne, et tous les deux vivaient à proximité l’un de l’autre. Il est fort probable qu’ils aient arpenté les mêmes rues – peut-être même s’étaient-ils connus. Grâce à Miep Gies et Otto Frank, nous savons tout sur Anne. Nous ne savons rien de Levy, si ce n’est qu’il est mort à Auschwitz à l’âge de 13 ans.

Cette exposition est aussi la sienne.

onald Leopold, directeur exécutif de la Maison d’Anne Frank, tient une photo d’Anne Frank et de Levi Spanjer au Centre d’histoire juive de Manhattan, en janvier 2025. (Crédit : Jordan Hoffman)

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.