A Ramallah, les Palestiniens font fi du plan de paix de Trump
Les Palestiniens s'opposent à la proposition et leurs gouvernements ont appelé à la révolte populaire mais dans la ville, le sentiment dominant est une sombre résignation
RAMALLAH, Cisjordanie (JTA) — Aux abords du bar à jus de fruits Al Siwadi, situé à proximité de la place Al-Manari, au centre-ville de Ramallah, un homme répondant au nom de Maher déplore le contenu du plan de paix américain récemment dévoilé.
Le plan de Trump vise à « donner ce qu’ils veulent aux Juifs riches », assène Maher alors que les clients circulent autour de lui sur ce trottoir affairé.
Comme d’autres cités dans cet article, Maher refuse de décliner son patronyme, inquiet à l’idée d’évoquer ce genre de sujet dans la presse.
Hussein, un homme d’âge moyen fraîchement rasé et arborant un costume gris, se tenant à l’extérieur d’une boulangerie, a une théorie différente.
« Trump a fait ça uniquement pour aider Netanyahu à rester Premier ministre », s’exclame-t-il.
Plutôt que d’afficher une ouverture à s’engager dans le plan de paix ou de montrer une profonde colère – cette dernière option a été encouragée par les leaders palestiniens – le sentiment qui domine ici parmi la population qui serait matériellement touchée par la proposition est celui de la résignation.
Le plan dont le contenu a été rendu public mardi est intitulé « La paix pour la prospérité : une vision pour améliorer les vies des Israéliens et des Palestiniens ». Il appelle à la création d’un état palestinien démilitarisé dont Israël endossera la responsabilité sécuritaire. Cet état contiendrait également 15 implantations israéliennes qui seraient « soumises à l’administration civile israélienne ».
Sous les dispositions du plan, le secteur placé sous le contrôle palestinien (qui ne comprendrait pas la vallée du Jourdain) est qualifié de contigu – mais il formerait en réalité un patchwork territorial connecté par un réseau de ponts, de routes et tunnels à construire.
Tandis que plusieurs Etats arabes, au cours des derniers jours, ont vivement recommandé aux Palestiniens de venir à la table des négociations auprès des Israéliens, Ramallah a, jusqu’à présent, opposé une fin de non-recevoir au nouveau plan. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a consulté ses adversaires de longue date au sein du Hamas, qui gouvernent la bande de Gaza, sur la réponse à apporter à la proposition et a promis « un millier de ‘nons’ à l’accord du siècle ».
Abbas, qui a appelé à une journée de colère pour protester contre la nouvelle initiative diplomatique, a également menacé – comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises dans le passé – de dissoudre l’Autorité palestinienne, laissant la responsabilité totale de la Cisjordanie une nouvelle fois à l’Etat juif.
Malgré la rhétorique employée par le dirigeant palestinien, il y a eu peu d’émeutes et d’affrontements, mercredi, entre les Palestiniens et les personnels de sécurité en Cisjordanie (qui ont procédé à 33 arrestations). Quelques roquettes ont été envoyées depuis Gaza vers le sud d’Israël jeudi, a confirmé Tsahal.
Si le plan de paix est profondément impopulaire parmi les Palestiniens de Cisjordanie, les résidents de Ramallah ne semblent absolument pas impressionnés par la tempête politique qui les entoure alors qu’ils vaquent à leurs activités dans ce quartier commercial animé de la capitale palestinienne.
Un grand nombre d’habitants interrogés expriment des sentiments similaires à ceux de Maher.
« On avait espéré qu’ils nous donneraient plus que ça », regrette Hussein. « Ce n’est pas équitable. Cela ne nous donne pas une paix bonne ».
Wael, un jeune homme qui se tient un peu plus loin, partage le même point de vue.
« Pour être honnête, demandez à tous les Palestiniens et personne ne peut être d’accord avec Trump », s’exclame-t-il. « Toutes les terres nous appartiennent ».
Interrogé sur le plan, un résident grommelle : « je me fiche de Trump. Je me fiche de la Palestine ».
Un grand nombre de personnes interrogées ici estiment que le plan vise moins à ouvrir la voie à une solution négociée qu’à offrir à Israël l’assentiment diplomatique nécessaire pour annexer unilatéralement les implantations contestées de Cisjordanie.
Après l’annonce du plan de Trump, l’ambassadeur américain en Israël David Friedman a déclaré qu’Israël pourrait dorénavant procéder aux annexions « des implantations à n’importe quel moment ».
En réponse, l’Etat juif a annoncé que son cabinet voterait rapidement sur l’élargissement de la souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain et sur toutes les implantations de Cisjordanie – amenant l’administration américaine à établir clairement que Jérusalem devait avant tout présenter des cartes détaillées à une commission américano-israélienne avant que l’administration des Etats-Unis n’approuve l’initiative.
Ce calendrier est incertain et l’architecte du plan, le conseiller présidentiel Jared Kushner, qui est également le gendre de Donald Trump, a fait savoir jeudi que les Etats-Unis aimeraient voir la phase d’annexion reportée au lendemain des élections israéliennes qui auront lieu au mois de mars.
Interrogé sur la probabilité d’une imminente application de la souveraineté israélienne sur les territoires de Cisjordanie, Wael répond que ce dernier « a pris des terres bien avant Trump » et que ce que Trump « a dit est, en pratique, ce qui est déjà en train de se passer ».
« Il fait comme si c’était nouveau. C’est terrible mais que dire ? On s’est d’ores et déjà fait avoir. Je sais que la totalité du territoire est pour nous… On s’en emparera par la force, si Dieu le veut », s’exclame-t-il .
Israël s’inquiète de violences possibles, vendredi, à la sortie des mosquées, après les prières. L’Etat juif a annoncé un renforcement de la sécurité sur le mont du Temple, où deux hommes ont été arrêtés mercredi soir pour avoir projeté une attaque au couteau à l’encontre des agents de police responsables de veiller sur le lieu saint.
Un résident qui refuse de donner son nom déclare que si de nombreux Palestiniens se montrent résignés face à la situation, certains « feront tout ce qu’ils peuvent pour arrêter tout ça ».
Derrière le comptoir d’une bijouterie locale, il y a Jonny, américano-palestinien originaire de Brooklyn, qui déclare que l’administration Trump veut « tout changer » et que si les Palestiniens refuseront « à l’évidence » de coopérer, il n’est pas sûr de ce qui pourra être réalisé et de ce qui sera fait en pratique.
Jonny ajoute que malgré quelques émeutes, les choses sont largement restées calmes et qu’il est « heureux de voir qu’il n’y a pas eu de blessés » que ce soit du côté israélien ou palestinien.
« Je veux la paix », clame-t-il. « Je suis New-Yorkais ».