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A Washington, un tout nouveau musée rend hommage aux Juifs qui ont fait la capitale

Le musée juif de la capitale, qui ouvre ses portes vendredi dans le quartier juif, près de Judiciary Square, n'hésite pas à évoquer les bons et mauvais côtés de l'histoire locale

Exposition sur Ruth Bader Ginsburg au nouveau Capital Jewish Museum de Washington, DC, le 1er juin 2023. (Crédit : Ron Sachs/Consolidated News Photos via la JTA)
Exposition sur Ruth Bader Ginsburg au nouveau Capital Jewish Museum de Washington, DC, le 1er juin 2023. (Crédit : Ron Sachs/Consolidated News Photos via la JTA)

WASHINGTON (JTA) — Le nouveau musée juif de Washington, DC met en avant pas moins de deux grandes figures féminines.

L’une d’entre elles est Ruth Bader Ginsburg, première femme juive à avoir occupé un poste de juge à la Cour suprême des États-Unis, affectueusement surnommée « Notorious RBG », à la fin de sa vie, par ses fans.

Lorsque le tout nouveau musée juif de la capitale ouvrira ses portes, cette semaine, il lui rendra hommage à l’occasion de la clôture de l’exposition itinérante qui lui est consacrée.

L’autre femme, Eugenia Levy Phillips, a vécu au 19e siècle. Sans ironie aucune, le musée dit d’elle qu’elle est « célèbre ».

« L’une des sympathisantes confédérées les plus célèbres de Washington DC, Eugenia Levy Phillips (1891-1902) est arrivée en 1853 de l’Alabama avec son mari membre du Congrès, Philip Phillips (1807-1884) », précise l’une des expositions. « Eugenia, qui était en fait une espionne, a livré des plans militaires et des cartes de l’Union au président confédéré Jefferson Davis. »

Une autre description de Levy Phillips dans le musée est plus direct encore : « A ESPIONNÉ pour le compte de la CONFÉDÉRATION ».

La défunte juge et l’espion font partie d’une collection de portraits des Juifs célèbres mis à l’honneur par le Capital Museum, qui ouvre ses portes vendredi dans le quartier de Judiciary Square, au nord-ouest de Washington, dans ce qui était un important quartier juif il y a plus d’un siècle.

Le musée s’est donné comme objectifs, selon ses fondateurs, de mettre en lumière les bons et les mauvais côtés de l’histoire des Juifs, dans et autour de la capitale américaine, qu’ils aient été de brillantes serviteurs du public ou de simples habitants.

« Les Juifs sont un peuple talmudique, qui aiment argumenter et examiner les diverses facettes d’une même histoire », expliquait la semaine dernière, lors d’une visite pour la presse, Ivy Barsky, directrice exécutive par intérim du musée.

Sarah Leavitt, la conservatrice du musée, évoquait, quant à elle, le concept juif de mahloket leshem shamayim, ce qui signifie en hébreu « une dispute pour l’amour du ciel », à des fins sacrées donc.

« Dans ce musée, nous racontons l’histoire d’une manière juive », ajoute Leavitt.

« L’idée ne consiste pas seulement à dire que nous pouvons ne pas être d’accord, mais que le désaccord est important et qu’il faut lui garder une place. »

Barsky, qui était auparavant à la tête du Musée national d’histoire juive américaine de Philadelphie, explique qu’en racontant ainsi l’histoire des Juifs de Washington, le tout nouveau musée vient remplir un vide. Contrairement à nombre de communautés juives anciennes des Etats-Unis, celle de Washington a été attirée, non par le port mais par le siège du gouvernement. Les Juifs des environs ont beaucoup circulé dans et autour de la ville.

« Beaucoup d’histoires que nous racontons ici ont commencé ailleurs, celles de personnes qui ont choisi de venir s’installer à DC », précise Barsky. « Il s’agit d’une communauté unique, car ce qui les attire, ce n’est rien d’autre que le gouvernement fédéral. »

Une exposition du nouveau Musée juif de la capitale questionne ses visiteurs, ‘Qui êtes-vous?’ et met à l’honneur diverses personnalité juives, à Washington, DC, le 1er juin 2023. (Crédit : Ron Sachs/Consolidated News Photos via la JTA)

Les Juifs sont présents à Washington depuis sa fondation, en 1790, et la région compte aujourd’hui quelque 300 000 Juifs, selon les chiffres de 2017.

Le musée revient sur le développement de cette communauté, de la capitale jusqu’aux banlieues du Maryland et de la Virginie, la participation des Juifs à « l’exode blanc », un mouvement qui a consisté en une désertion, par les populations blanche, des quartiers nouvellement intégrés, ainsi que les restrictions qui ont parfois frappé les populations juives elles-mêmes.

Des événements historiques majeurs ont également exercé une forme d’influence : ainsi, la population juive de la ville a-t-elle augmenté dans les années 1930 et 1940 parallèlement à l’expansion du gouvernement dit du « New Deal » du président Franklin Delano Roosevelt et lors de la Seconde Guerre mondiale.

Une exposition interroge ses visiteur et leur demande « Qui êtes-vous ? », tout en présentant des portraits de Juifs de Washington, passés et présents, au parcours parfois original, comme Tom King, espion de la CIA devenu auteur de bandes dessinées.

Les aléas de la communauté juive américaine sont résumés dans le choix de la date d’ouverture du musée, le 9 juin : c’est en effet à cette date, en 1876, qu’Ulysses Grant devient le tout premier président à se rendre dans une synagogue, lors de l’inauguration du tout nouveau bâtiment de la congrégation Adas Israël.

Quatorze ans plus tôt, en qualité de général de l’Union, il avait expulsé les Juifs de Paducah, dans le Kentucky, les accusant de s’enrichir grâce à la guerre. Le président Abraham Lincoln avait par la suite annulé cet ordre d’expulsion, décrit comme « la réglementation anti-juive la plus radicale de toute l’histoire américaine ».

Intérieur de la synagogue de 1876, au cœur du tout nouveau Capital Jewish Museum de Washington, DC, le 1er juin 2023. (Crédit : Ron Sachs/Consolidated News Photos via la JTA)

Esther Safran Foer, présidente du musée et ex-directrice exécutive de la synagogue Sixth & I de Washington, explique que la présence de Grant, en 1876, dans la synagogue Adas Israel résume la trajectoire ascendante de la communauté juive américaine.

« Il est resté assis pendant plus de trois heures, dans la chaleur, sans climatisation, et il a même fait un don plutôt généreux », dit-elle.

Le cœur du musée n’est autre que ce bâtiment de 1876 inauguré par Grant. Il a, depuis lors, été déplacé à trois reprises afin de le restaurer, la dernière fois en 2019 dans le cadre de la construction du musée, initiée en 2017.

L’étage supérieur du musée reproduit fidèlement le sanctuaire, avec ses bancs d’origine, à l’exception des murs, qui ont été rénovés et accueillent une chronique audiovisuelle des Juifs des environs.

L’exposition permanente du musée entend donner de cette histoire une autre vision.

La partie de l’exposition qui présente les aventures de Levy Phillips (et le récit de sa propre arrestation dans son journal – « Je ne suis pas le moins du monde surprise, Monsieur » a-t-elle dit à l’agent venu la chercher) mentionne également le rabbin Jacob Frankel, nommé par Lincoln, durant la guerre civile, premier aumônier militaire juif.

Une photo de Juifs et de Noirs, militant ensemble en faveur la déségrégation d’un parc d’attractions local au début des années 1960, est présentée en regard de celle de Sam Eig, promoteur juif qui, en 1942, annonce la création d’un nouveau programme, dans le Maryland, « idéalement situé et raisonnablement exclusif », euphémisme pour suggérer que les Noirs ne pourront pas y acheter de propriété.

Dans les expositions interactives, on trouve une table de Seder qui invite les convives à parler d’immigration, d’Israël et des droits civils.

Certaines sections de l’exposition évoquent les débats juifs sur des questions cruciales comme ces dernières et d’autres, parmi lesquelles l’avortement.

Exposition sur Ruth Bader Ginsburg au nouveau Capital Jewish Museum de Washington, DC, le 1er juin 2023. (Crédit : Ron Sachs/Consolidated News Photos via la JTA)

Ginsburg sera sans nul doute la principale attraction du musée, car il est clair qu’elle était un modèle.

L’exposition qui est consacrée à sa vie et sa carrière reprend une photo très glamour des deux femmes juives qui ont inventé le surnom de « Notorious RBG », Shana Knizhnik et Irin Carmon.

Les visiteurs du musée peuvent d’ailleurs ouvrir un placard et revêtir une tenue de juge semblable à celle que portait Ginsburg.

Le 12 juillet prochain, les visiteurs du musée pourront fabriquer des colliers spéciaux « I Dissent » semblables à ceux que Ginsburg portait lorsqu’elle exprimait une opinion dissidente au sein de la Cour.

Jonathan Edelman, conservateur des collections du musée, estime détenir une collection très précieuse, faite d’objets qu’il a persuadé Judy Heumann, défenseure des droits des personnes handicapées, de donner avant sa mort, en mars dernier.

« Judy fait partie de l’histoire de Washington », assure-t-il.

« Elle y est venue à l’origine en outsider, en qualité de manifestante pour les droits des personnes handicapées. Et elle y est revenue une fois célèbre, pour travailler au service du gouvernement, et apporter des changements à la fois dans le gouvernement de DC et dans le gouvernement fédéral. »

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