Abbas joue avec le feu
En signant la demande d'adhésion à 15 organisations internationales, le président de l'AP tente de faire pression sur Israël et les Etats-Unis. Mais les pions pourraient rapidement se retourner contre lui
Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix
« Il était prévu que la quatrième phase [de la libération de prisonniers] serait effectuée le 29 mars, et il est profondément regrettable que jusqu’à présent, la décision de les libérer n’ait pas été prise. La direction s’est engagée à ne pas se tourner vers les organisations internationales au cours des neuf mois [de négociations] pour assurer la libération de ces prisonniers… J’ai présenté à la direction les questions relatives aux prisonniers et nous avons décidé que si les prisonniers n’étaient pas libérés, nous approcherons dans ce cas 63 organisations internationales et leur soumettrons une demande d’adhésion. Nous avons approuvé à l’unanimité la décision d’adhérer à 15 agences de l’ONU et traités internationaux. »
C’est par ces mots que le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a choisi de justifier mardi soir l’apposition de sa signature sur une demande d’adhésion à quinze chartes internationales.
Confus ? Vous n’êtes pas les seuls.
La cérémonie de signature n’a été rien d’autre qu’un de ces spectacles superflus et pompeux dont l’Autorité palestinienne a le secret.
Dans une intervention en direct à la télévision officielle, entouré de tous les membres de la direction palestinienne, Abbas a choisi de soumettre au vote des participants la question de l’adhésion aux instances internationales.
Une performance hyper-scénarisée et mise en scène qui se prétendait démocratique, comme si l’un des membres de la direction aurait pu voter contre la démarche.
Les dés étaient naturellement joués d’avance.
C’est dans ces moments que la ressemblance entre Mahmoud Abbas et Yasser Arafat est frappante.
L’homme qui a organisé avec Abbas la cérémonie n’est autre que le négociateur palestinien en chef, Saeb Erekat, celui-là même qui a brandi pendant des mois la menace de demande d’adhésion.
Mais regardez de plus près, et vous noterez qu’Abbas a annoncé qu’il se tournait vers quinze instances internationales, mais pas vers les organismes des Nations unies.
Regardez d’encore plus près, et vous remarquerez que les demandes n’ont pas été réellement remplies.
Le président de l’Autorité palestinienne a peut-être bien mis son nom sur les demandes, mais il ne les a pas soumises officiellement.
Et Abbas a souligné dans son discours qu’il a l’intention de poursuivre les négociations avec Israël et les Etats-Unis jusqu’à la date-butoir du 29 avril.
Le fossé existant entre la cérémonie de défiance et l’annonce de la poursuite des négociations n’a pas surpris les médias palestiniens.
Pourtant, la presse locale a déjà déclaré l’échec des pourparlers de paix et relayé l’appel lancé par Abbas à l’adresse de la population palestinienne à sortir et à entamer une résistance pacifique.
Et c’est là que le bât blesse. Ce qui s’apparente à une tentative de faire pression sur Israël et les Etats-Unis pourrait facilement enflammer la rue palestinienne, et placer Abbas et la direction palestinienne dans une position qu’il sera difficile d’inverser.
La poursuite des négociations à ce stade n’est pas seulement dans l’intérêt d’Israël. Elle l’est également dans l’intérêt de l’Autorité palestinienne, qui sait pertinemment que la colère de la rue palestinienne pourrait se rediriger contre Ramallah, et se retourner contre Abbas en premier lieu, avant même Israël.
Mardi soir, un rassemblement « spontané » de soutien à Abbas et à sa décision « historique » s’est tenu à Ramallah.
Difficile de dire si cette décision est réellement historique, mais encore plus de prédire vers quels sentiers ces manifestations déboucheront.