Aide humanitaire: Tsahal prévoit des changements afin de déjouer les détournements du Hamas
L'armée recommande que l'entrée de l'aide humanitaire reprenne dans la bande de Gaza pour prévenir une éventuelle famine - un responsable arabe s'inquiète des chances de succès et des conséquences pour la population

Israël prévoit de changer radicalement la façon dont l’aide humanitaire est distribuée dans la bande de Gaza alors que le pays se prépare à nouveau à autoriser l’entrée de l’assistance au sein de l’enclave dans les semaines à venir, ont déclaré cette semaine au Times of Israel un responsable israélien et un officiel arabe proches du dossier. Les livraisons d’aides humanitaires étaient interrompues depuis dix semaines.
Le nouveau plan consiste, entre autres changements, à abandonner la distribution de gros et le stockage de l’assistance, et à demander à des organisations internationales et à des entreprises de sécurité privées de distribuer les produits alimentaires aux familles gazaouies, selon les responsables.
Chaque famille aura un représentant désigné qui sera chargé de se rendre dans une zone sécurisée de Tsahal, dans le sud de la bande de Gaza, où l’aide sera distribuée après plusieurs séries d’inspections. Chaque colis humanitaire contiendra suffisamment de produits alimentaires pour plusieurs jours – jusqu’à ce que les représentants des familles aient à nouveau le feu vert nécessaire pour retourner s’approvisionner dans la zone sécurisée. Les officiels ont noté qu’Israël pensait que que cette méthode compliquera considérablement les tentatives de détournement de l’assistance par le Hamas, une assistance qu’il remet à ses hommes armés.
L’armée israélienne ne sera pas directement impliquée dans la distribution des aides humanitaires – le chef d’état-major, le lieutenant-général Eyal Zamir, ayant opposé son refus à cette possibilité. Toutefois, les soldats seront chargés de renforcer la sécurité autour des entrepreneurs privés et des organisations internationales qui auront pour mission de distribuer l’assistance, ont indiqué les responsables.
L’une des principales entreprises impliquées dans le projet est une filiale d’une société américaine de conseil en sécurité nationale appelée Orbis. L’officiel israélien note que ses dirigeants entretiennent des liens avec le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer. La société n’avait pas répondu à notre demande de commentaire au moment de la rédaction de cet article.
Il n’y a pas de date précise pour l’entrée en vigueur du nouveau système mais, selon Tsahal, il ne reste que quelques semaines avant qu’une crise humanitaire majeure ne se déclenche, a déclaré le responsable israélien.

Israël avait cessé d’autoriser l’entrée des aides humanitaires dans la bande de Gaza en date du 2 mars – après la conclusion de la première phase d’un accord de cessez-le-feu qui avait ouvert la porte à la remise en liberté de certains otages conservés en captivité par le Hamas. Jérusalem avait alors affirmé que le Hamas avait détourné une grande partie de l’assistance qui était entrée sur le territoire pendant la trêve de six semaines – mais que les 650 camions quotidiens qui avaient réussi à accéder à l’enclave contenaient une quantité suffisante de produits alimentaires pour répondre aux besoins de la population pendant une longue période.
Israël s’est engagé dans des négociations visant à prolonger le cessez-le-feu et à autoriser la reprise de l’entrée des aides dans la bande en échange de la libération des otage encore détenus – mais ces pourparlers n’ont pas encore abouti.
Le nouveau plan de distribution de l’assistance n’a pas reçu l’approbation finale du gouvernement, mais il est soutenu par une grande partie de l’establishment sécuritaire, ainsi que par des personnalités de premier plan qui gravitent dans le cercle rapproché du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a fait savoir le responsable israélien.
L’officiel arabe, de son côté, dit être sceptique sur la capacité à exclure le Hamas du processus de distribution des aides. Il fait remarquer que les représentants qui seront chargés d’aller chercher des colis de produits alimentaires pour leurs familles devront faire face à un voyage périlleux et potentiellement long depuis leurs tentes dressées dans la zone humanitaire.
« Ils seront des cibles faciles », avertit-il.
Il ajoute que le plan semble également limiter au strict minimum nécessaire la quantité d’alimentation que chaque famille sera amenée à recevoir pour assurer sa survie. « On dirait qu’ils comptent encore les calories pour une population qui a déjà été affamée pendant des mois », déplore-t-il.

Le responsable arabe doute également de la possibilité de reproduire ce plan à grande échelle pour l’ensemble de la population, alors que cette dernière continue d’être confinée dans des périmètres de plus en plus petits à l’intérieur de l’enclave ravagée par la guerre.
« Tout ça semble entrer dans le cadre d’une lente progression vers une occupation israélienne permanente de Gaza, où les militaires israéliens finiront par être directement responsables de la distribution des aides », dit-il.
Le responsable arabe propose une alternative – meilleure selon lui – en ce qui concerne cette distribution : employer des agents affiliés à l’Autorité palestinienne – une idée qu’Israël a rejetée car l’Autorité palestinienne a conditionné sa coopération avec Jérusalem à l’établissement d’un horizon politique pour Ramallah.
Il ajoute que donner un ancrage à l’Autorité palestinienne au sein de l’enclave côtière permettrait également d’obtenir un soutien supplémentaire de la part des pays arabes qui ont exprimé leur volonté de jouer un rôle dans la prise en charge de l’après-guerre à Gaza, de manière à isoler au mieux le Hamas.
Tsahal a recommandé, ces derniers jours, au gouvernement israélien d’approuver la reprise des livraisons d’aide humanitaire dans la bande de Gaza, indépendamment de la conclusion d’un accord avec le Hamas qui ouvrirait la porte à la libération des otages. Objectif : éviter que la population civile palestinienne ne meure de faim, ont indiqué des responsables militaires qui ont échangé avec les journalistes au début de la semaine.
L’armée a clairement fait savoir à la hiérarchie politique que la reprise de l’entrée de l’assistance sur le territoire palestinien serait bientôt nécessaire pour prévenir d’éventuelles violations du droit international et de futurs problèmes juridiques pour les commandants actuellement impliqués dans l’opération militaire.

« Tsahal recommande de créer des zones où l’aide sera distribuée en s’appuyant sur des organisations et sur des entreprises internationales, en sécurisant ces derniers pendant les distributions et en empêchant l’assistance d’arriver entre les mains du Hamas », a fait savoir un responsable militaire au cours d’une conférence de presse.
Toutefois, le responsable militaire israélien a déclaré qu’il « agira conformément aux directives qui seront données par la hiérarchie politique en ce qui concerne la distribution des aides humanitaires ».
L’arrêt de l’acheminement de l’assistance à Gaza s’est inscrit dans le cadre des initiatives prises par Israël pour mettre le Hamas sous pression et pour l’amener à conclure qui garantirait le rapatriement des otages au sein de l’État juif. Dans le même temps, les soldats ont relancé leur offensive à Gaza, s’emparant de vastes pans du territoire et tuant environ 400 hommes armés, avec parmi eux des dizaines de hauts responsables du bureau politique du Hamas et de son aile militaire.
Le haut-gradé de Tsahal a reconnu que « malgré les pressions militaires qui ont été exercées, l’organisation terroriste du Hamas reste réticente [à accepter un accord] ».
Il a ajouté qu’un grand nombre de réservistes seraient à nouveau appelés dans un avenir proche, de manière à élargir « de manière significative » la campagne menée à Gaza, en lançant des opérations dans de nouveaux secteurs de l’enclave.

L’armée a fait savoir que l’appel aux réservistes était effectué uniquement pour des raisons « d’intérêt opérationnel » au moment où un nombre croissant de lettres signées par d’anciens combattants réclament la conclusion d’un accord avec le Hamas qui permettrait aux otages de recouvrer la liberté, même au prix de la fin des hostilités.
Le responsable militaire a déclaré que la mission la plus importante, pour les troupes, restait le retour des 59 otages qui sont encore détenus par le Hamas à Gaza – une vingtaine d’entre eux seraient encore en vie – la destruction de la mainmise du groupe terroriste sur la bande de Gaza restant un objectif secondaire. Un positionnement qui entre en contradiction avec celui du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui a indiqué, jeudi, que la « victoire » sur le Hamas, et non le retour des otages, était le but suprême du conflit à Gaza.
« La mission suprême de Tsahal est notre devoir moral de rapatrier les otages. La seconde mission est de vaincre le Hamas. Nous œuvrons à atteindre ces deux objectifs, le retour des otages étant en tête de la liste des priorités », a affirmé le haut-gradé lors de la conférence de presse.
Plus de 2 300 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis qu’Israël a relancé les hostilités le 18 mars – et plus de 52 400 personnes ont perdu la vie depuis que la guerre a été déclenchée par le pogrom commis par le Hamas, le 7 octobre 2023, selon le ministère de la Santé qui est placé sous la direction du groupe terroriste.
Des chiffres qui sont invérifiables et qui ne font pas de distinction entre hommes armés et civils. De son côté, Israël a affirmé, au mois de janvier, qu’environ 20 000 terroristes avaient été tués au cours des combats – en plus de 1 600 autres membres d’organisations palestiniennes armées qui avaient été abattus sur le sol israélien lors de l’attaque sanglante du 7 octobre.
En cette matinée de shabbat, des milliers de terroristes avaient pris d’assaut le sud d’Israël, massacrant plus de 1 200 personnes et kidnappant 251 personnes qui avaient été prises en otage à Gaza. Cinquante-neuf captifs se trouvent toujours à Gaza. Parmi eux, le corps sans vie d’un soldat tué lors de la guerre de 2014.
Le bilan de l’offensive terrestre israélienne contre le Hamas, à Gaza, et des opérations militaires menées le long de la frontière s’élève à 414 morts. Un bilan qui comprend deux agents de police et deux entrepreneurs civils qui travaillaient pour le ministère de la Défense.
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