Israël en guerre - Jour 363

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Alors que Raïssi doute de la Shoah, des survivants se réunissent à Yad Vashem

Des dizaines de rescapés qui racontent régulièrement leur histoire au musée se retrouvent à Jérusalem pour un événement festif avant Rosh HaShana

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Des survivants de la Shoah discutent au centre de commémoration de Yad Vashem lors d'un événement au cours duquel ils ont été remerciés pour avoir parlé de leurs vécu à des groupes, le 19 septembre 2022. (Crédit : Yad Vashem)
Des survivants de la Shoah discutent au centre de commémoration de Yad Vashem lors d'un événement au cours duquel ils ont été remerciés pour avoir parlé de leurs vécu à des groupes, le 19 septembre 2022. (Crédit : Yad Vashem)

Au lendemain de la remise en cause de l’historicité de la Shoah par le président iranien Ebrahim Raissi, des dizaines de survivants du génocide nazi se sont réunis au centre de commémoration de l’Holocauste Yad Vashem à Jérusalem.

La concordance de ces deux évènements est une coïncidence. Les survivants étaient venus lundi matin pour un événement annuel, prévu longtemps à l’avance, au cours duquel Yad Vashem les remercie de s’adresser aux groupes qui visitent le musée.

S’adressant à la cinquantaine de survivants, ainsi qu’aux membres de leurs familles et au personnel du musée, le président de Yad Vashem, Dani Dayan, a violemment dénoncé les remarques du président iranien, les considérant comme des « inepties » et « antisémites ».

Dani Dayan a déclaré qu’il avait commencé la journée en se réjouissant de l’événement, estimant que ses relations avec les survivants de la Shoah constituaient la meilleure partie de son travail.

« Mais cette ambiance festive et excitante a été gâchée lorsque j’ai allumé les informations et que j’ai vu les bêtises proférées par le président iranien Raissi », a-t-il déclaré.

Dimanche soir, le programme d’information américain « 60 Minutes » a diffusé une interview de Raissi, dans laquelle on lui demandait s’il croyait que la Shoah avait réellement eu lieu.

Raissi, dont le pays a accueilli des conférences négationnistes et des concours de caricatures, a répondu qu’il y avait « certains signes indiquant que l’Holocauste s’est produit » mais qu’il fallait « enquêter et faire des recherches ».

Le président iranien Ebrahim Raissi lors d’une interview avec CBS dans l’enceinte présidentielle à Téhéran, le 13 septembre 2022. (Crédit : Twitter)

Rena Quint, l’une des survivantes présentes à l’événement, a déclaré au Times of Israel avoir été choquée par la demande de preuves de Raissi, étant donné la quantité stupéfiante de preuves facilement disponibles.

« J’ai entendu aujourd’hui que Raissi en Iran disait que [la Shoah] n’avait pas eu lieu ou qu’il devait prouver qu’elle avait eu lieu. Eh bien, les Allemands peuvent prouver que cela s’est produit. Nous avons toutes leurs photos », a-t-elle déclaré en marge de l’événement.

Mme Quint, qui était l’une des deux survivantes à avoir rencontré le président américain Joe Biden lors de sa visite à Yad Vashem au début de l’année, a déclaré que des commentaires comme ceux de Raissi étaient la raison pour laquelle elle continue, à 86 ans, à parler à des groupes du monde entier de son vécu pendant la Shoah.

« Il n’y a rien de plus antisémite que ce que [Raissi] a dit », a déclaré Dayan. « C’est une remarque qui témoigne de la haine et du mépris non seulement envers les Juifs d’aujourd’hui, mais aussi envers la mémoire des 6 millions de Juifs – le million et demi d’enfants juifs – qui ont été tués pendant la Shoah. »

S’adressant aux survivants, Dayan a ajouté que Raissi « représente le mensonge. Vous représentez la vérité, vous répandez la vérité, » en s’adressant à son auditoire.

S’adressant au Times of Israel après l’événement, Dayan a déclaré que le type de « négationnisme flagrant, à nu » dont a fait preuve Raissi avec ses remarques est presque exclusivement entendu en Iran, « probablement dans quelques autres pays musulmans », et dans les confins les plus sombres des réseaux sociaux.

Le président américain Joe Biden s’entretient avec les survivantes de la Shoah, Giselle Cycowicz (en bas à droite) et Rena Quint (en bas à gauche), dans la Salle du Souvenir de Yad Vashem à Jérusalem, le 13 juillet 2022. (Crédit : Menahem Kahana/Diverses sources/AFP)

« À cet égard, nous avons progressé car au siècle précédent, dans les années 1980 et 1990, nous avions encore ce phénomène, comme avec le célèbre négationniste David Irving qui a mené un procès contre Deborah Lipstadt », a déclaré Dayan. Il fait référence à un procès britannique pour diffamation dans lequel Irving a effectivement exigé de la célèbre chercheuse qu’elle prouve que la Shoah avait eu lieu, ce qu’elle a fait.

Selon Dayan, il est beaucoup plus fréquent que les pays pratiquent la « distorsion de la Shoah », c’est-à-dire qu’ils ne nient pas que la Shoah ait eu lieu, mais qu’ils minimisent ou travestissent le rôle de leurs citoyens dans la Shoah et enjolivent leurs efforts pour sauver les Juifs.

« En général, cela se passe comme suit : ‘Bien sûr que la Shoah a eu lieu, et bien sûr que les six millions de Juifs ont été massacrés, et qu’il y avait des chambres à gaz et des fosses de tir’. Mais chaque pays dit : « Mais dans mon pays, tous les citoyens ont essayé d’aider ». La vérité, bien sûr, c’est que c’est un leurre. Dans presque tous les pays européens sous occupation allemande, il y avait beaucoup plus de collaborateurs, sans parler des spectateurs, qu’il n’y avait de Justes parmi les nations – ceux qui ont sauvé des Juifs », a déclaré Dayan en anglais.

Il a fait référence à un récent rapport polonais soutenu par le gouvernement, qui passe sous silence le rôle des autorités polonaises dans la Shoah et blâme l’Allemagne pour les pogroms commis par les Polonais contre leurs voisins juifs ; aux commentaires faits par des responsables russes et ukrainiens au début de l’invasion de Moscou en février ; et aux propos d’Éric Zemmour qui affirme que le gouvernement de Vichy, pendant la Seconde Guerre mondiale, a sauvé des Juifs, alors que c’était le contraire.

Selon Dayan, parce que ces notions émanent de gouvernements et de partis politiques, ils sont mieux financés et organisés et sont donc plus insidieux et difficiles à combattre.

« Le révisionnisme est plus grave que le négationnisme pur et simple qui est l’apanage des fondamentalistes et des antisémites, comme Raissi », a-t-il déclaré.

Des survivants de la Shoah avec le président du centre de commémoration de l’Holocauste de Yad Vashem, Dani Dayan, au centre, lors d’un événement au cours duquel ils ont été remerciés pour avoir parlé de leurs vécu à des groupes, le 19 septembre 2022. (Crédit : Yad Vashem)

Les dizaines de survivants qui sont venus à Yad Vashem lundi s’adressent tous régulièrement aux milliers de groupes qui visitent le musée chaque année, des soldats de Tsahal aux touristes chrétiens évangéliques américains, en passant par les dignitaires en visite dans le monde entier.

Dans les années à venir, les derniers survivants de la Shoah succomberont à la vieillesse et il ne restera plus que des preuves physiques et aucun témoin oculaire.

« Nous approchons d’un moment décisif où nous arriverons à une ère post-survivants. Ce sera l’heure de gloire des négationnistes et des révisionnistes. Et c’est la raison pour laquelle nous investissons autant dans la documentation et la recherche, car lorsque nous discuterons avec les négationnistes et les révisionnistes dans l’ère post-survivants, nous devrons être sur un terrain très solide, avec une base factuelle très solide », a-t-il déclaré.

« Ce sera en quelque sorte un jeu différent, un jeu plus stimulant, plus difficile, mais aussi plus vital, plus essentiel. »

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