Après le 7 octobre, les sanctions auraient été renforcées pour les déserteurs – mais pas pour les réfractaires au service
Les haredim qui se soustraient au service militaire n'ont pas souffert de la politique qui a été mise en œuvre, selon l'ancien avocat en chef de la défense militaire

Après le début de la guerre dans la bande de Gaza, au mois d’octobre 2023, les militaires israéliens ont considérablement renforcé les sanctions venant réprimer la désertion à l’égard des soldats et des réservistes – sans que des changements soient par ailleurs mis en œuvre dans les conséquences juridiques qui visent les Israéliens qui se soustraient au service militaire, a affirmé, cette semaine, l’ancien avocat en chef de Tsahal.
Dans un rapport commandité par Israel Hofsheet, une organisation de défense des libertés religieuses, et au cours d’un entretien accordé au Times of Israel, le colonel réserviste Ran Cohen Rochverger a noté que la décision prise de ne pas renforcer les mesures de répression à l’encontre de ceux qui échappent au service militaire a largement profité à la communauté ultra-orthodoxe, dont les membres constituent la plus grande partie des réfractaires au service militaire au sein de l’État Juif.
Selon Rochverger, environ six semaines après le 7 octobre, les militaires israéliens avaient mis en œuvre une nouvelle politique plus stricte « abaissant considérablement le seuil des poursuites judiciaires » venant réprimer les faits de désertion, de sorte que « même des absences relativement courtes » du service sont désormais considérées comme des infractions à la loi.
Ce qui avait entraîné, à la fin du mois d’avril 2025, une augmentation significative du nombre d’actes de mise en examen déposés contre des réservistes depuis le début de la mise en vigueur de cette politique.
Rochverger a ainsi évoqué le cas d’un réserviste de Tsahal qui a été condamné à 90 jours de prison après avoir été absent pendant six semaines sans permission préalable, alors qu’il souffrait d’une pathologie mentale qui avait entraîné une diminution de sa fiche de service.
De nombreux réservistes de l’armée israélienne ont effectué de multiples périodes de service, totalisant des centaines de jours, avec un stress économique important.

Au même moment où elle faisait le choix de renforcer les sanctions punissant la désertion, l’armée « a évité d’abaisser le niveau des poursuites pénales standard à l’égard de ceux qui se soustraient au service militaire », a écrit Rochverger dans son rapport.
Tsahal a annoncé qu’il manquait actuellement environ 12 000 nouveaux soldats pour répondre aux besoins en ressources humaines dans le cadre de la guerre en cours – dont 7 000 qui seraient affectés dans les unités de combat.
A l’heure actuelle, environ 80 000 jeunes hommes haredim , âgés de 18 à 24 ans, remplissent les conditions requises pour effectuer leur service militaire – mais ils refusent de s’enrôler. L’armée a transmis 18 915 ordres d’incorporation aux membres de la communauté ultra-orthodoxe en plusieurs vagues depuis le mois de juillet 2024, mais, à la fin du mois d’avril, seuls 232 d’entre eux s’étaient enrôlés, dont 57 au sein d’unités de combat.
Lors d’un entretien accordé au Times of Israel dans la soirée de mercredi, Rochverger a affirmé que si les politiques de Tsahal ne faisaient pas explicitement référence aux Haredim – et que la mise en œuvre des politiques militaires en direction des réfractaires était restée la même – il y avait quelque chose à prendre particulièrement en considération.
« Les réfractaires au service sont traités avec beaucoup plus d’indulgence que les déserteurs », a-t-il dit. « Et bien sûr, s’il y a toujours des réfractaires laïques, il y a beaucoup, beaucoup de réfractaires haredim, et il faut donc noter que… les réfractaires haredim n’ont pas du tout souffert dans le cadre de cette politique », a-t-il fait remarquer.
Pour les réfractaires qui sont classés dans la catégorie des déserteurs, « les tribunaux ont renforcé la sévérité des peines, mais de façon beaucoup plus modérée et limitée », et non dans le cadre d’une politique militaire globale, a-t-il précisé.
Interrogée sur cette problématique, l’armée a fait savoir au Times of Israel qu’elle « applique la loi contre le phénomène de l’absentéisme, sans aucune distinction concernant l’identité des accusés qui commettent l’infraction ou leur affiliation à une catégorie particulière de la population, quelle qu’elle soit ».
« Depuis le début de la guerre, et à la lumière des graves conséquences qui sont entraînées par ce phénomène, le Bureau des poursuites militaires a mis à jour sa politique concernant l’absentéisme et il a demandé, entre autres, des sanctions plus lourdes, en raison de l’impact sévère de cet absentéisme sur l’effort de guerre », a ajouté Tsahal.

« En conséquence, depuis le début de la guerre, il y a eu une augmentation des niveaux de sanction pour tous ceux qui s’absentent du service militaire régulier ou du devoir de réserve. Il y a également eu un durcissement de la politique disciplinaire à l’égard des réfractaires, avec une mise en œuvre cohérente qui prend en compte la situation de chaque cas, qui est appréhendé de manière individuelle », a déclaré le ministère.
Prenant la parole, mercredi, devant les membres de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, le général de brigade Shay Tayeb, chef du bureau de la planification et de la gestion du personnel au sein de l’Administration des ressources humaines de Tsahal, a indiqué que l’armée israélienne disposait de trois principaux mécanismes pour mettre en vigueur ses politiques : l’arrêt des contrevenants à l’aéroport Ben Gurion, les contrôles de police aléatoires et les opérations spécifiques menées à l’encontre des insoumis.
Des opérations qui ont été limitées au cours des 18 derniers mois, la plus grande partie des ressources de la police militaire ayant été consacrée à l’emprisonnement des terroristes qui ont été capturés, a-t-il déclaré.
Au début du mois de février, des mandats d’arrêt avaient été émis à l’encontre de 1 212 Haredim qui avaient ignoré leurs ordres d’enrôlement, un nombre qui a probablement augmenté depuis.
Parmi les conséquences d’une non-réponse à l’appel sous les drapeaux, une interdiction de quitter le pays. De plus, les personnes échappant au service militaire peuvent être arrêtées par la police lors d’un contrôle banal.
La police militaire de Tsahal ne procède pas à l’arrestation de ceux qui ne se présentent pas aux centres d’incorporation – mais elle attend qu’ils soient officiellement déclarés réfractaires, s’en remettant alors aux forces de l’ordre.
Dans le même temps, les militaires semblent bien déterminés à augmenter le nombre d’ultra-orthodoxes intégrés dans leurs rangs. Le chef d’état-major, le lieutenant-général Eyal Zamir, a ordonné mardi à l’Administration des ressources humaines de fournir immédiatement un plan visant à « augmenter et optimiser » le nombre d’ordres d’incorporation envoyés aux jeunes hommes haredim, ce qui a provoqué la colère de la communauté.

Alors que la chaîne publique Kan a signalé qu’Israel Katz, le ministre de la Défense, était déterminé à empêcher que la loi soit appliquée en direction de ceux qui ignorent les nouveaux ordres d’enrôlement – en raison de la nécessité d’apaiser ses partenaires haredim pour maintenir la coalition au pouvoir – la chaîne d’information N12 a rapporté mercredi que Tsahal se prépare à lancer, selon les hauts-responsables militaires, « des actions ciblées à l’encontre des déserteurs et des réfractaires à l’enrôlement ».
Malgré cela, les options de l’armée sont limitées face à un refus de service aussi généralisé – dans la mesure où il est peu probable que les autorités tentent de mettre en examen des dizaines de milliers de personnes.
Le bureau de la procureure-générale a affirmé que le gouvernement avait le pouvoir d’imposer des sanctions aux réfractaires sans devoir nécessairement adopter une nouvelle législation – mais le gouvernement ne l’a pas fait. En conséquence, des appels à l’adoption d’un projet de loi sur le service militaire des ultra-orthodoxes – qui prévoirait des sanctions sévères à l’encontre des récalcitrants – ont été lancés.
Le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein, dont le groupe travaille actuellement sur un projet de loi consacré à cette problématique, a fait savoir qu’il soutenait à la fois les sanctions personnelles et les sanctions à l’encontre des institutions haredim si les objectifs de recrutement des membres de la communauté ne devaient pas être atteints.