Le service militaire des Haredim : une (vraie) menace pour le gouvernement Netanyahu ?
Faute de loi garantissant l’exemption des Haredim, les partis ultra-orthodoxes envisagent le boycott parlementaire ou même de quitter la coalition

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a convoqué mercredi soir une réunion d’urgence avec un cercle restreint de hauts responsables de la coalition, dont le chef du Shas Aryeh Deri, pour tenter de contenir l’escalade de la crise provoquée par la demande de ses partenaires ultra-orthodoxes d’empêcher la conscription de leurs électeurs.
La tension monte depuis l’été dernier, lorsque la Haute Cour de justice a jugé illégales les exemptions de service militaire accordées depuis des dizaines d’années aux étudiants des yeshivot. Cette décision a ravivé les appels à légiférer pour rétablir ces privilèges, alors même qu’Israël est engagé dans des guerres qui font rage aux frontières d’Israël.
Bien que les partis ultra-orthodoxes Shas et Yahadout HaTorah aient à plusieurs reprises renoncé à faire tomber le gouvernement sur cette question, ils ont notamment voté en faveur du budget 2025 en mars dernier, plutôt que de permettre la chute du gouvernement, leurs relations avec Netanyahu pourraient désormais approcher du point de rupture.
« Je pense que nous avons atteint le stade le plus critique pour la survie de la coalition », a confié au Times of Israel le journaliste ultra-orthodoxe Yisroel Cohen, réputé pour ses liens étroits avec les partis haredi.
Avant la pause parlementaire du mois d’avril, les deux partis avaient repris leurs efforts pour faire adopter la loi controversée. Des rabbins affiliés à Yahadout HaTorah avaient averti Netanyahu qu’ils attendaient une adoption du texte avant la fête de Shavouot, célébrée cette année le 1er juin.
Les tensions se sont encore accentuées cette semaine, dès la reprise de la session d’été de la Knesset. Mercredi, Shas et Yahadout HaTorah ont annoncé qu’ils boycotteraient les votes sur les projets de loi de la coalition, en signe de protestation face à l’incapacité du gouvernement à adopter un projet de loi sur l’exemption.

Par ailleurs, le député de Yahadout HaTorah Yaakov Asher a averti lundi, dans une interview au site d’information haredi Kikar HaShabbat, que si la Knesset n’adoptait pas le projet de loi sur les exemptions militaires d’ici à la fin de la session d’été, le 27 juillet, son parti ne pourrait plus rester dans la coalition.
« Si cette loi n’est pas adoptée au cours de cette session… il nous sera très difficile de continuer à siéger dans un tel gouvernement, un point c’est tout », a-t-il déclaré, ajoutant que Yahadout HaTorah « ne peut pas faire partie d’un gouvernement » qui transforme les Haredim en « criminels ».
La crise s’est encore intensifiée mardi soir, lorsque Tsahal a annoncé que le chef d’état-major, le lieutenant-général Eyal Zamir, avait ordonné à la direction du personnel de l’armée de soumettre sans délai un plan visant à « étendre et maximiser » le nombre d’ordres de conscription envoyés aux jeunes hommes ultra-orthodoxes, une décision qui a profondément irrité la communauté haredi.
En réaction, Netanyahu a convoqué mercredi une réunion de la dernière chance avec le président du Shas, Aryeh Deri, le ministre de la Défense, Israel Katz, et le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein, dans le but de trouver un compromis autour du projet de loi très controversé sur la conscription des Haredim.
Edelstein (Likud), membre du parti du Premier ministre, bloque depuis longtemps l’avancement de cette législation au sein de sa commission, estimant que toute loi sur le service militaire des Haredim devrait « augmenter de manière significative la base de conscription de Tsahal ».
Mardi, il a annoncé que sa commission était désormais « à un pas » de rédiger une nouvelle version du texte après un long débat. Cette déclaration a provoqué l’inquiétude des partis haredi, qui redoutent une version durcie du texte incluant des sanctions contre les réfractaires à la conscription.

Le bureau du Premier ministre a tenté de présenter la réunion de mercredi soir sous un jour positif, en publiant un communiqué évoquant « des progrès constatés lors de la réunion, et que les discussions se poursuivraient pour tenter de combler les divergences ».
Mais selon plusieurs médias israéliens, le ton dans la salle aurait été beaucoup plus tendu. Le journaliste Amit Segal, de la chaîne N12, a rapporté sur X qu’un « Netanyahu furieux a menacé les partis ultra-orthodoxes de sa coalition de convoquer des élections ». De son côté, la chaîne publique Kan a indiqué que Deri avait rejeté la proposition d’Edelstein selon laquelle Tsahal commencerait par enrôler la moitié du contingent annuel de jeunes Haredim éligibles au service militaire.
Toujours selon Kan, le chef de Yahadout HaTorah, Yitzchak Goldknopf, pourtant l’un des principaux acteurs du dossier, n’avait même pas été convié à la réunion. Les autres participants auraient estimé qu’il rejetterait d’emblée tout compromis abordé pendant les discussions.
Après la réunion, une source au sein de Yahadout HaTorah a vivement critiqué Netanyahu, déclarant au média ultra-orthodoxe Behadrei Haredim que le Premier ministre avait « oublié qu’il avait signé, dans les accords de coalition avec Yahadout HaTorah et le Shas, que la loi sur la conscription serait adoptée immédiatement après la formation du gouvernement ».
Les Haredim, a ajouté la source, « ne veulent pas de débats ni de progrès », mais réclament l’adoption immédiate d’un texte de loi – une exigence devenue de plus en plus difficile à satisfaire sur le plan politique, face à une opposition croissante au sein de l’opinion publique, y compris dans la coalition elle-même.
« Dès que les partis ultra-orthodoxes comprendront que Netanyahu est incapable de réunir une majorité pour faire adopter une loi maintenant les exemptions de service pour les Haredim, ils quitteront le gouvernement », a déclaré mercredi Avi Mimran, éditorialiste à la radio ultra-orthodoxe Kol Hai, au Times of Israel. « Après deux ans d’attente, la date butoir est arrivée. »

Cohen s’est montré plus mesuré. Selon lui, si les partis haredim « disposaient d’alternatives sérieuses » à la coalition de Netanyahu, ils l’auraient déjà quittée.
« Feront-ils tomber le gouvernement ? Ou se retireront-ils de la coalition tout en continuant à la soutenir de l’extérieur ? Je ne sais pas quoi vous dire. Tout est possible, y compris un boycott prolongé de toutes les lois proposées par la coalition », a-t-il estimé.
Cohen a toutefois ajouté que si l’armée envoyait bien les 60 000 ordres de conscription aux étudiants des yeshivot – comme l’aurait demandé le chef d’état-major Zamir – et commençait à arrêter activement les réfractaires, alors les partis ultra-orthodoxes « quitteraient la coalition dans la seconde », entraînant probablement le Shas dans leur sillage.
Kan a également rapporté que lors de la réunion de mercredi soir, le ministre de la Défense Katz aurait promis de ne pas appliquer la loi contre ceux qui refuseraient de répondre aux nouveaux ordres d’enrôlement.
Un retrait de Yahadout HaTorah seul ne ferait pas tomber le gouvernement, mais il réduirait sa majorité à une étroite avance de 61 contre 59 sièges à la Knesset, qui en compte 120. Seule la défection conjointe des deux partis ultra-orthodoxes priverait la coalition de sa majorité parlementaire.

La pression exercée sur les Haredim pour qu’ils agissent devrait encore s’intensifier dans les semaines à venir, notamment lorsque Yuli Edelstein rendra publique sa version révisée du projet de loi sur la conscription, a estimé le Dr Gilad Malach, spécialiste des Haredim à l’Institut israélien pour la démocratie.
Selon lui, tant que les discussions se poursuivent dans la commission Edelstein, les partis haredi peuvent prétendre qu’ils « œuvrent encore à une solution ». Mais une fois le texte finalisé, ils n’auront plus de marge de manœuvre.
« Il est impossible de dire si la coalition tiendra jusqu’à l’an prochain ou s’effondrera dans les mois à venir », conclut Malach, « mais une chose est sûre : cette crise est l’une des principales menaces qui pèsent actuellement sur le gouvernement ».
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