Ashkelon : Des tombes uniques de l’époque romaine bientôt ouvertes au public
Deux structures funéraires, utilisées par les familles riches de l'ancienne ville côtière, ont été découvertes il y a plusieurs décennies, mais n'ont été restaurées que récemment
Deux tombeaux datant de l’ère romaine – ils sont vieux de 1 700 ans – ornés de peintures uniques et et sophistiquées et qui avaient été découverts il y a des décennies dans la ville côtière d’Ashkelon ont été restaurés et ils vont être bientôt présentés au public pour la toute première fois, a fait savoir mardi dernier l’Autorité israélienne des Antiquités (IAA).
Ces tombeaux voûtés, qui datent du 2e siècle et du 4e siècle de l’ère commune, ont été utilisés par des générations de familles riches et ils contiennent de rares portraits « de personnages mythologiques grecs » ainsi que « des représentations de végétaux et d’animaux », a dit l’IAA dans un communiqué.
« Il n’y a pas beaucoup de tombeaux romains tels que ceux-ci » en Israël, des structures construites « pour les familles aristocratiques… Les deux accueillaient des familles et ils ont été utilisés pendant longtemps, pendant des centaines d’années », commente la docteure Elena Kogan-Zehavi, éminente archéologue au sein de l’Autorité, auprès du Times of Israel lors d’un entretien téléphonique.
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« Ashkelon, à l’époque, était une ville pleinement romaine, très avancée. Ce qui est particulier concernant ces découvertes spécifiques, c’est l’art. Les artistes y font preuve de beaucoup d’imagination personnelle. Chaque artiste a travaillé différemment et en conséquence, chaque tombeau est totalement différent de l’autre », précise-t-elle.
Les tombeaux, qui pourront être admirés par le public au moment des fêtes juives, au mois d’octobre, entrent dans le cadre « d’un nouveau jardin public attrayant » qui sera situé aux abords de la marina d’Ashkelon « dans un secteur qui a été longtemps négligé », un secteur qui est plus précisément situé entre deux immeubles résidentiels, a noté le communiqué émis par l’IAA.
Un premier tombeau avait été trouvé, rempli de sable, par des chercheurs venus du Royaume-Uni dans les années 1930, pendant la période du mandat britannique. Les archéologues avaient alors estimé qu’il avait été construit lors du 4e siècle de l’ère commune. La structure contient un couloir, ou voie de passage, avec « quatre ‘loges’ où étaient inhumés les défunts… des niches ornées de peintures impressionnantes, qu’il s’agisse de qualité de représentation ou de talent des artistes », a précisé l’IAA.
Parmi ces peintures, un portrait de Demeter, la déesse grecque de la terre ; des dessins inspirés par la nature – oiseaux, daims, vignes et autres végétaux – ainsi que « des nymphes, des personnages mythologiques liés à la nature, dont la tête est ornée d’une couronne en lotus. Elles tiennent des pichets d’où coule de l’eau », a fait remarquer le communiqué.
Dans le tombeau, il y a aussi une représentation de la Méduse, créature terrible à la chevelure de serpents dont le regard transformait ceux qu’elle voyait en pierre. Dans la mythologie grecque, la Méduse était une adversaire redoutable de Persée, qui l’avait utilisée comme une arme avant de l’offrir à Athéna, déesse de la guerre, qui devait s’en servir en la mettant sur son bouclier.
Les Romains devaient considérer la Méduse d’une autre façon, explique Kogan-Zehavi, l’adaptation romaine de la mythologie grecque ayant entraîné des différences et des changements subtils. « Pour les Grecs, la Méduse était un monstre mais les Romains la dépeignaient comme une jeune fille, toujours dangereuse mais moins redoutable. En ce qui concerne ce tombeau, la Méduse protégeait la famille ; c’était le style romain ».
Les représentations peintes dans le tombeau étaient profondément symboliques, ce qui révèle la manière dont les Romains imaginaient l’au-delà, indique-t-elle. « Les artistes ont voulu montrer que la famille n’était pas morte mais qu’elle vivait au ciel, elle a voulu montrer le monde d’après… Nous avions pu voir la même chose dans d’autres endroits appartenant au monde romain mais jamais en Israël », ajoute Kogan-Zehavi said.
C’est Kogan-Zehavi qui avait fait les premières fouilles dans le deuxième tombeau, dans les années 1960, alors qu’elle commençait sa carrière. Une route avait d’ores et déjà été construite et recouvrait l’édifice à l’est d’Ashkelon. « Le tombeau a été trouvé mais c’était trop tard pour modifier la route. L’Autorité israélienne des antiquités a donc décidé de déplacer le tombeau », raconte-t-elle.
Il avait été construit en béton romain, consistant en une seule large structure – il n’avait pas été édifié à l’aide de pierres assemblées les unes aux autres, comme c’est souvent le cas. « Ainsi, l’Autorité a creusé tout autour, l’a soulevé avec une grue et l’a placé sur le même site » que le tombeau qui avait été découvert en bord de mer dans les années 1930, dit-elle.
« L’idée était d’ouvrir, à l’avenir, un parc archéologique pour ces tombeaux aux décorations magnifiques. Ce plan datait des années 1990 et il a enfin porté ses fruits en 2024 », s’exclame Kogan-Zehavi.
Ce deuxième tombeau est plus ancien que le premier – il date du 2e siècle après l’ère commune. « Au centre de la structure, il y a un couloir dont les murs sont ornés de peintures colorées représentant des figures humaines, des oiseaux et d’autres illustrations inspirées du monde animal et du monde végétal. Autour du couloir, il y a des niches voûtées et il y avait dedans des cercueils ornés d’images humaines, animales et végétales », a fait remarquer le communiqué transmis par l’Autorité israélienne des antiquités.
Les figures humaines, dans le tombeau, sont représentées nues, et elles se saisissent de divers objets qui symbolisent les idées de « cycles, de vie continue et de vie au-delà de la mort », a expliqué le communiqué. Il y a également une série de niches qui, à une époque, contenaient probablement « des statues de nu représentant des dieux ou des empereurs qui apparaissaient dans le ciel », a-t-il ajouté.
« C’est l’une des premières fouilles que j’ai effectuées. Je venais de me marier, je n’avais pas d’enfants et mon fils termine aujourd’hui ses études de médecine », s’amuse-t-elle. « Depuis, j’ai fait beaucoup de fouilles, mais un tombeau comme celui-ci, c’est quelque chose qui n’arrive qu’une fois dans une vie ».
Les travaux de restauration ont été réalisés par une équipe d’experts de l’AIA dans le cadre d’un « processus complexe », a fait savoir l’Autorité israélienne des antiquités.
« Les peintures murales anciennes ne sont généralement pas préservées avec le climat humide qui est celui d’Israël. Comme les peintures se trouvaient dans une structure relativement fermée, elles ont été protégées dans une certaine mesure et ce pendant des décennies. Nous avons dû mener un processus long et difficile pour stopper les ravages du temps qui passe et des intempéries et pour réparer les deux structures », raconte Mark Abrahami, chef du service de conservation des œuvres d’art de l’IAA.
« Certaines peintures ont dû être retirées des murs pour être traitées en profondeur dans les laboratoires de l’Autorité israélienne des antiquités, jusqu’à ce qu’elles soient remises là où elles étaient à l’origine. Les autres murs de la structure ont été nettoyés, les pigments des couleurs des peintures ont été accentués, et l’ensemble du bâtiment a été renforcé et stabilisé afin de le préserver au mieux pour les générations futures », ajoute-t-il.
Ashkelon, une ville située à une dizaine de kilomètres au nord de la bande de Gaza, s’enorgueillit d’une histoire archéologique d’une grande richesse. Outre les Romains, la ville avait également accueilli les Philistins au début de l’âge du fer, il y a environ 3 000 ans. D’anciens cimetières qui ont été découverts à Ashkelon ont fourni d’importants indices d’ADN montrant que les Philistins avaient pu migrer dans la région, depuis l’Europe, il y a plus de 4 000 ans – une énigme posée par l’Histoire qui a suscité le débat parmi les archéologues pendant des décennies.
L’ouverture des tombeaux au grand public s’inscrit dans le cadre d’une initiative prise par la municipalité d’Ashkelon et par l’IAA dont l’objectif est de transformer les nombreux sites archéologiques de la ville antique en autant d’attractions touristiques, éducatives et culturelles.
« C’est merveilleux que les tombes soient exposées », estime Kogan-Zehavi, qui souligne que de nombreuses fouilles archéologiques sont des « projets académiques » où « une grande partie du travail échappe au regard du public ».
« Je suis très heureuse que quelque chose que j’ai contribué à découvrir soit maintenant révélé au grand public. C’est magnifique. Les habitants d’Ashkelon devraient être fiers de vivre dans une ville ancienne qui est autant chargée d’Histoire », s’exclame-t-elle.
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