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Au Népal, un long chemin vers la guérison

Les organisations israéliennes fournissent un soutien émotionnel et physique aux victimes quatre mois après le séisme meurtrier

Eliran Douenias, un membre israélien du Joint Distribution Committee basé à Katmandou, se joint aux  villageos pour planter du riz (Photo: Eliran Douenias / JDC)
Eliran Douenias, un membre israélien du Joint Distribution Committee basé à Katmandou, se joint aux villageos pour planter du riz (Photo: Eliran Douenias / JDC)

Quand un tremblement de terre de magnitude de 7,8 a dévasté le Népal le 25 avril dernier, les organisations du monde entier se sont mobilisées pour faire face aux besoins immédiats : des abris, de la nourriture, de l’eau.

Quatre mois plus tard, la terre continue de trembler avec des répliques et la saison de la mousson provoque de fréquents glissements de terrain. Mais en dépit de ces défis, le Népal passe lentement de la phase d’urgence à la phase de guérison, et des Israéliens des organisations de charité sont toujours sur place pour aider.

« A présent, les gens pensent à long terme, là où au début, on ne pensait pas au-delà d’une semaine », a expliqué Eliran Douenias, un Israélien du Joint Distribution Committee basé à Katmandou.

La capitale Katmandou a été largement épargnée par le séisme, et la vraie dévastation se situe dans les zones rurales, où des villages entiers ont été aplatis. Les villages où les organisations humanitaires doivent travailler sont disséminés sur des sommets dans des zones accessibles qu’en plusieurs jours dans le meilleur des cas.

Le tremblement de terre du 25 avril, suivi par un autre séisme important le 12 mai, a détruit l’infrastructure déjà fragile et provoqué des glissements de terrain. Ensuite, la saison des pluies a commencé en juin. Voyager est presque impossible pendant la mousson d’été, puisque les routes non pavées deviennent difficiles à pratiquer et même des Jeeps ne peuvent pas y circuler.

Eliran Douenias, un membre israélien du Joint Distribution Committee basé à Katmandou, avec des enfants au cours d'une de ses visites sur le terrain, après svoir pris part à une cérémonie religieuse traditionnelle (Photo: Eliran Douenias / JDC) iran Douenias, un garçon israélien avec le Joint Distribution Committee basé à
Eliran Douenias, un membre israélien du Joint Distribution Committee basé à Katmandou, avec des enfants au cours d’une de ses visites sur le terrain, après svoir pris part à une cérémonie religieuse traditionnelle (Photo: Eliran Douenias / JDC)
iran Douenias, un garçon israélien avec le Joint Distribution Committee basé à

Le JDC est l’une des nombreuses organisations israéliennes travaillant sur le long terme au Népal. Il convient aussi de citer des groupes d’aide humanitaire comme Natan et IsrAid, qui traitent tous deux de la réhabilitation émotionnelle.

Tevel BTzedek, qui a travaillé pendant des années au Népal en unissant des équipes israéliennes et népalaises autour de projets de développement rural, a adapté son travail pour y inclure l’aide en cas de catastrophes et de traumatismes.

Le cerveau du cœur et le cerveau de l’esprit

« Je pense qu’il y a un mois, vous pouviez commencer à reseentir que les ONG internationales repartaient, de même que les organisations qui sont venues pour l’aide initiale au début », a indiqué Dounias. Les organisations qui restent pour l’effort de réhabilitation ont des objectifs différents que l’aide immédiate, y compris la création de programmes plus durables, a-t-il ajouté.

ONU Femmes a souligné le fait que le viol et la violence envers les femmes augmentent souvent après des catastrophes naturelles, ce qui rend le travail psychosocial encore plus essentiel.

Vivre dans des tentes avec des membres de la famille qui étaient abusifs avant le tremblement de terre peut mettre davantage en danger les femmes et les enfants, car ils vivent dans des endroits encore plus étroits et ressentent plus de stress.

Des bénévoles de Natan travaillant avec les enfants dans la région de Sidhupalchowk pour faire face aux traumatismes émotionnels à la suite des tremblements de terre  (Photo: Yoav Ben Bassat / Natan)
Des bénévoles de Natan travaillant avec les enfants dans la région de Sidhupalchowk pour faire face aux traumatismes émotionnels à la suite des tremblements de terre (Photo: Yoav Ben Bassat / Natan)

Natan – International Human Aid, un organisme de bienfaisance basé en Israël, s’est attelé à la phase de réhabilitation émotionnelle en mettant l’accent dans leur travail sur la méthode « TTT », l’acronyme connu dans le monde du développement de « Train The Trainer » [Former le Formateur], qui nécessite la création de liens avec les dirigeants locaux, leur donnant les outils et les connaissances, et les aidant à adapter ces informations pour leurs propres communautés avec les ajustements culturels appropriés.

« Nous ne voulons pas que la personne blanche vienne et dise ‘Voici comment vous devez faire’ « , a expliqué Yoav Ben Bassat, un bénévole de Natan qui est revenu il y a quelques semaines d’une mission au Népal.

Ben Bassat, qui a travaillé au Népal il y a cinq ans avec Tevel BTzedek, a noté qu’il y a aussi beaucoup d’influence bouddhiste dans les travaux de réhabilitation émotionnelle à l’échelle locale.

« Ce que nous apprenons sur les traumatismes en Occident est différent d’un traumatisme en Orient et surtout différent des traumatismes dans le tiers monde », a expliqué Ben Bassat. « En Occident, lorsque nous parlons de traumatisme, nous parlons des émotions et de la cognition. Quand ils en parlent, ils parlent du cerveau du cœur et du cerveau de l’esprit. »

« En Occident, quand quelqu’un a subi un traumatisme, vous mesurez son processus de guérison en fonction de sa capacité de revenir à sa routine », selon Ben Bassat.

« En Occident, après un traumatisme, il est acceptable que la personne ne va peut-être pas retourner au travail, qu’elle sombre dans la dépression, ou reste dans son lit. Ce n’est pas ce que vous voyez au Népal, et dans le tiers monde. Ils n’ont pas le luxe de le faire. Ils reçoivent beaucoup plus de force de l’intérieur de leurs communautés ».

Physique ou psychologique

Comme beaucoup d’autres organisations, les deux premières missions que Natan a envoyées au Népal avaient pour la plupart des médecins et des infirmières, pour fournir un soutien médical. Leur troisième et quatrième mission comprenaient également des thérapies utilisant l’art et des travailleurs sociaux qui ont travaillé en partenariat avec les chefs des villagse locaux pour les former à reconnaître les signes de traumatisme émotionnel et de développement de l’enfant.

Lors d’une de leurs missions Natan a travaillé avec des bénévoles de l’Hapoel Tel-Aviv qui ont joué au football avec les enfants de la région tandis que les professionnels de Natan ont dirigé des ateliers pour les enseignants.

Après que la saison de la mousson soit arrivée et que voyager devienne impossible, la cinquième mission de Natan a concentré ses efforts à Katmandou, en collaboration avec les grandes organisations autour des programmes de psychologie au collège, de travail social et de police.

C’est là où la méthodologie « former les formateurs » porte ses fruits. Ben Bassat a déclaré que la mission la plus récente a consisté en une retraite de trois jours pour les dirigeants et les professionnels locaux en dehors de Katmandou. Les dirigeants communautaires népalais qui avaient pris part à des séances de formation précédentes de Natan ont animé un grand nombre de sessions.

Réponse, rétablissement et développement

Finalement, les efforts de réhabilitation menés par les ONG internationales finiront naturellement par commencer à entrer dans la dernière étape de la réponse en cas de catastrophe – le développement.

Certains villages tentent déjà de penser à des choses comme au stockage de la récolte de la communauté et à une zone de pesée, ce qui permettrait aux agriculteurs de créer une coopérative et d’obtenir un meilleur prix sur les marchés plutôt que de vendre individuellement à Katmandou, a expliqué Ben Bassat.

En plus du soutien psychologique, l’autre effort important auquel le Népal doit penser en entrant dans la phase de récupération est le logement, aussi bien en termes de structures semi-permanentes que permanentes pour les prochaines années.

Le JDC coopère avec les ingénieurs de l’organisme de bienfaisance indienne All India Disaster Mitigation Institute (AIDMI) pour étudier les villages et conseiller les résidents pour qu’ils ne construisent pas dans des zones qui sont particulièrement sujettes aux glissements de terrain.

L’un des problèmes majeurs est que la construction ne peut avoir lieu pendant la saison de la mousson, de sorte que tous les projets sont en attente jusqu’à ce que les pluies se terminent à la fin du mois de septembre.

AIDMI conseille aux habitants d’utiliser les mêmes méthodes traditionnelles avec des cadres en bois et des briques pour reconstruire leurs nouvelles maisons permanentes. Toutefois, ils recommandent que les habitants utilisent de plus longues poutres de soutien, ainsi que de la maçonnerie sur les pierres angulaires pour améliorer la stabilité lors de futurs séismes.

Les volontaires de Natan dirigeant une session de formation pour les enseignants dans la région Sidhupalchowk, l'une des régions les plus durement touchées après les tremblements de terre, où de nombreux villages ont été complètement détruits. (Crédit : Yoav Ben Bassat / Natan)
Les volontaires de Natan dirigeant une session de formation pour les enseignants dans la région Sidhupalchowk, l’une des régions les plus durement touchées après les tremblements de terre, où de nombreux villages ont été complètement détruits. (Crédit : Yoav Ben Bassat / Natan)

Les ingénieurs cherchent également à encourager les résidents à récupérer les matériaux de construction de leurs maisons détruites, un défi de taille car le bois doit être protégé de la pluie de la mousson. Il y a un nombre limité de toits et de bâches disponibles au Népal, qui sont nécessaires pour fournir un abri aux gens.

Mais la construction de ces maisons semi-permanentes et permanentes prend du temps, et les familles ont besoin de protection maintenant de la saison de la mousson, qui dure du mois de juin à septembre.

Le gouvernement népalais a accordé 1 500 roupies, soit environ 150 dollars, à chaque famille pour une structure temporaire, selon Douenias de la JDC. Cela signifie généralement une planche de tôle ondulée ou une bâche pour cinq personnes dans la famille.

Les structures temporaires n’ont pas d’étages et les effets personnels que la famille a réussi à extraire des décombres de leurs maisons sont empilés au milieu. Douenias a ajouté que les bâches résistent généralement même dans les fortes pluies, fournissant une solution temporaire, mais cela ne durera pas beaucoup plus longtemps que la saison de la mousson.

Les répliques empêchent les progrès

Selon l’ONU, la communauté humanitaire a encore besoin d’aider 1,4 million de personnes en leur fournissant de la nourriture et encore un autre 1 million de personnes en leur donnant un moyen de subsistance. Plus de 2,5 millions de personnes ont besoin d’eau potable et d’un système sanitaire.

Les groupes d’aide font également face à des difficultés pour réussir à convaincre les Népalais à reprendre leur routine régulière. L’école a repris en juin pour la plupart des enfants, environ six semaines après le premier séisme. Reuters a rapporté que plus de 32 000 salles de classe ont été détruites, de nombreux enfants suivent leurs cours dans des structures temporaires.

JDC a concentré ses efforts pour aider les élèves du secondaire en 10e année à préparer leurs examens de fin d’études afin qu’ils puissent continuer dans l’enseignement supérieur.

Mais la terre continue à trembler avec des répliques, ce qui donne le sentiment que tout progrès est instable. « Il y a quelques jours à Katmandou nous avons senti une secousse de magnitude 4,4, donc cela fait aussi partie des choses qui rendent les gens un peu nerveux », a déclaré Dounias.

« Il y a quelques semaines, un glissement de terrain a tué 35 personnes près de Pukhara. Il y a quelque temps, ils ont découvert 20 autres corps [dans la région de Langtang près de l’Everest qui ont été tués pendant le tremblement de terre initial] ».

Un problème auquel toutes les organisations font face maintenant est le manque de ressources. « Après le premier mois, les dons s’arrêtent. Je le vois aussi avec mon organisation », a déclaré Ben Bassat. « Peut-être que ce n’est plus à l’ordre du jour quotidien et c’est moins sexy parce que les gens pensent à la prochaine chose [‘plus intéressante’]. Mais même avant le tremblement de terre, le Népal était l’un des pays les plus pauvres du monde. Cela les ramène à des dizaines d’années en arrière ».

Les volontaires de Natan dirigeant une session de formation pour les enseignants dans la région Sidhupalchowk, l'une des régions les plus durement touchées après les tremblements de terre, où de nombreux villages ont été complètement détruits. (Crédit : Yoav Ben Bassat / Natan)
Les volontaires de Natan dirigeant une session de formation pour les enseignants dans la région Sidhupalchowk, l’une des régions les plus durement touchées après les tremblements de terre, où de nombreux villages ont été complètement détruits. (Crédit : Yoav Ben Bassat / Natan)

Ben Bassat a également exhorté les touristes à envisager de revenir dans le pays. « Le Népal est un endroit sûr où aller pour faire du tourisme et ils ont besoin des touristes parce que [c’est le cœur de] leur économie », a-t-il ajouté. Katmandou a beaucoup d’infrastructures pour accueillir les touristes, et les autres domaines [économiques] ont besoin des visiteurs pour rebondir économiquement.

Reconstruire l’espoir pour l’avenir

Ben Bassat a indiqué qu’il ne pensait pas que Natan travaillerait au Népal pour toujours. Au lieu de cela, il espère apporter des outils comme de la thérapie pour le traumatisme émotionnel pour que les dirigeants népalais puissent construire leurs propres ressources et éventuellement opérer seuls.

Les organisations internationales, comme celles d’Israël, peuvent offrir des outils, mais tous les travailleurs humanitaires s’accordent sur le fait que, au final, la résilience doit venir des survivants.

Beaucoup de Népalais ont déjà commencé à reconstruire, fabriquant des structures temporaires en bambou pour eux-mêmes et leurs animaux.

« Ils ont continué à travailler dans les champs », a déclaré Ben Bassat. « [Le mois d’août] est traditionnellement la période la plus difficile de l’année agricole, quand ils réparent les terrasses. Il n’y a pas école et toute la famille travaille pour reconstruire les terrasses ».

Ben-Bassat s’est senti encouragé en voyant les Népalais travaillant dur pour préparer le terrain pour de futures récoltes. Il a expliqué que, après le deuxième tremblement de terre le 12 mai, de nombreux agriculteurs se sont sentis désespérés.

« Nous avons entendu des choses des agriculteurs locaux comme ‘nous n’avons aucune raison de préparer nos terrasses, il y aura un autre tremblement de terre et il va nous avaler », a-t-il relaté.

« Mais ils l’ont fait, ils sont repartis et ils ont planté ».

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