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Au procès de l’attentat de la rue Copernic, le journaliste et le suspect

Le journaliste Jean Chichizola raconte sa rencontre avec l’accusé, Hassan Diab, au Canada en 2007

Scène de l'attentat contre la synagogue de la rue de Copernic, à Paris, en 1980. (Crédit : AFP)
Scène de l'attentat contre la synagogue de la rue de Copernic, à Paris, en 1980. (Crédit : AFP)

Un an avant son arrestation, le journaliste Jean Chichizola interviewe Hassan Diab, suspecté dans l’attentat de la synagogue de la rue Copernic. Le compte rendu de cette rencontre s’est mué mercredi, au procès de cette attaque, en une passe d’armes entre le témoin et la défense l’accusant de partialité.

En octobre 2007, le journaliste du Figaro s’envole pour le Canada, sur la piste d’un « suspect identifié », vingt-sept ans après l’attentat à la bombe qui avait fait quatre morts et des dizaines de blessés le 3 octobre 1980.  

Ce tuyau « assez surprenant » lui a été confirmé par « plusieurs sources », et même si cela n’a « pas été si facile », il a « fini par obtenir le nom » du suspect et une adresse professionnelle, retrace aisément à la barre de la cour d’assises spéciale de Paris Jean Chichizola.

Il est alors « hors de question de citer le nom de M. Hassan Diab sans lui donner la parole », tient à ajouter le journaliste, ni « justicier » ni « chevalier blanc ».

Sa rencontre avec Hassan Diab a lieu le 22 octobre 2007 à l’université d’Ottawa, où le Libano-Canadien, alors âgé de 54 ans, est professeur de sociologie après avoir vécu plusieurs années aux États-Unis. 

Jean Chichizola assiste dans un amphithéâtre, au milieu des étudiants, au « cours en anglais sur le féminisme » du professeur Diab.  

Hassan Diab, accusé d’avoir commis l’attentat de la synagogue de la rue Copernic en 1980, à son retour au Canada, lors d’une conférence de presse au siège d’Amnesty International Canada à Ottawa, dans l’Ontario, le 17 janvier 2018. (Crédit : Photo by Lars Hagberg / AFP)

« Trouble »

Et quelque chose le « frappe » immédiatement : « il ressemble très fortement à l’un des portraits-robots » de l’homme accusé d’avoir posé la bombe, diffusé en 1980 par la presse, souligne le témoin, qui a été cité par l’accusation.

Ce « premier trouble » ne sera pas le dernier, insiste Jean Chichizola. 

Quand le journaliste aborde le professeur à la fin du cours en lui disant qu’il est suspecté par la justice française d’être impliqué dans l’attentat de la rue Copernic, Hassan Diab « n’a pas l’air d’être surpris » ou « dévasté » et lui paraît même « d’un très grand calme », affirme Jean Chichizola. 

Derrière lui, l’avocat de Hassan Diab, Me William Bourdon, semble bouillir. 

Le journaliste poursuit : plutôt que de « l’envoyer balader » comme il s’y « attendait », l’universitaire « accepte de (lui) parler ». 

Lors de cet entretien, publié dans Le Figaro du 24 octobre et que Jean Chichizola lit dans son intégralité à la cour, Hassan Diab se dit « victime d’une homonymie ». 

William Bourdon attaque son tour de questions sur « le devoir d’un journaliste de ne jamais prendre partie ». 

Le témoin se tend, rétorque que « la culpabilité ou non de Hassan Diab ne (l’)intéresse pas ».

L’avocat français de l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT) David Pere assiste à l’ouverture du procès par contumace de l’accusé de l’attentat à la bombe de 1980 contre la synagogue de la rue Copernic, au Palais de Justice de Paris, le 3 avril 2023. (Crédit : BERTRAND-GUAY / AFP)

« Défense d’alibi »

Me Bourdon revient à la charge, cite le début du premier papier de Jean Chichizola sur l’affaire, publié deux semaines avant leur rencontre : « Le chef du commando ayant perpétré l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic, le 3 octobre 1980, vit paisiblement au Canada… »

Hassan Diab, non nommé dans l’article, « n’est pas mis en examen » (il le sera, une fois extradé, en 2014, soit six ans après son arrestation au Canada, NDLR), pointe son conseil. « Ce lexique péremptoire, sans conditionnel, est-il compatible avec la présomption d’innocence ? »

Avant de témoigner, Jean Chichizola a « tout relu » et « endosse la responsabilité » de ses écrits. « J’ai fait l’effort d’aller le voir. Et M. Diab ne m’a pas convaincu », s’agace le journaliste.

Malgré un appel au calme de la cour, le face-à-face se fait de plus en plus tempétueux entre l’avocat de la défense et le témoin. 

« La défense de M. Diab, une défense d’alibi, m’a paru limitée », déclare le journaliste quand Me Bourdon lui demande pourquoi il a qualifié de « surprenant » le non-lieu dont avait bénéficié Hassan Diab en janvier 2018. 

« Après votre déposition, vous êtes bien dans vos bottes ? », tacle Me Bourdon. « Totalement », riposte Jean Chichizola. Parmi les « hypothèses » dans ce dossier, « c’est qu’il soit coupable ! », tonne-t-il. 

« Vous savez, tout le monde s’attendait à ce que vous le disiez », brocarde à son tour William Bourdon.

Le procès se poursuit jusqu’au 21 avril. 

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