Avec les deux attaques de Melbourne, l’antisémitisme refait surface en Australie
Après une brève accalmie et alors que le gouvernement semblait prendre plus au sérieux les menaces contre les Juifs, les discours de haine se banalisent, selon les dirigeants communautaires

Deux attaques contre des cibles juives, survenues vendredi soir à Melbourne, témoignent de la persistance du problème de l’antisémitisme en Australie, malgré une brève accalmie, ont déclaré des membres de la communauté juive au cours du week-end.
« Nous commençons à voir des appels à la mort et au meurtre des Juifs se banaliser dans les rues de Melbourne », a déclaré dimanche Jeremy Leibler, président de la Fédération sioniste d’Australie, au Times of Israel.
« On est passé de slogans codés tels que ‘De la rivière à la mer’ et ‘Mondialisez l’Intifada’ à une incitation explicite avec le slogan ‘Mort à Tsahal’. »
Vendredi soir, la synagogue East Melbourne Hebrew Congregation a été incendiée alors qu’une vingtaine de personnes y prenaient leur repas du Shabbat. Tout le monde a pu s’échapper par l’arrière du bâtiment et les dégâts se sont limités à l’entrée. Un suspect, Angelo Loras, un Iranien de 34 ans, a été arrêté, mais n’a pas été lié à d’autres attaques, selon la police.
Environ une demi-heure après cette attaque, une foule de manifestants anti-Israël a pris d’assaut Miznon, un restaurant fondé par le chef israélien Eyal Shani et cogéré par Shahar Segal, porte-parole de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), une organisation chargée de distribuer l’aide humanitaire à Gaza et soutenue par les États-Unis et Israël. Les manifestants ont lancé des meubles et de la nourriture à l’intérieur du restaurant, brisant l’une des vitres extérieures, alors que des clients dînaient à l’intérieur et en terrasse. Un suspect a été arrêté, puis relâché.
Des témoins ont déclaré que la foule scandait « Mort, mort à Tsahal » tout en saccageant le restaurant, un slogan popularisé quelques jours plus tôt par le duo de rap Bob Vylan lors du festival de Glastonbury, en Angleterre.
Two major antisemitic attacks in Melbourne, Australia:
A synagogue was set on fire with 20 people inside the synagogue at the time, however, everyone was able to evacuate from the back.
In a separate incident, a group of 20 Palestinian protestors stormed and trashed an Israeli… pic.twitter.com/dDJALZ9LID
— Ari Ingel (@OGAride) July 4, 2025
« Ce slogan est désormais courant chez les manifestants anti-Israël dans la rue », a déclaré Leibler.
« Pour une communauté fondée par des survivants de la Shoah, voir une synagogue et des commerces juifs pris pour cible la même nuit est très inquiétant et rappelle le passé. »
Les manifestants anti-Israël ont également scandé « Mort, mort à Tsahal » lors de leur rassemblement hebdomadaire à Melbourne dimanche, selon la presse locale.
Vendredi soir, lors d’une troisième attaque, des voitures ont également été incendiées et recouvertes de graffitis antisémites dans un autre quartier de Melbourne.
À LIRE : Depuis le 7 octobre, les Juifs d’Australie se demandent ce qui est arrivé à leur pays
Depuis que le groupe terroriste palestinien du Hamas a déclaré la guerre à Israël en perpétrant un pogrom le 7 octobre 2023, la communauté juive australienne, qui compte 120 000 membres, est l’une des plus touchées par l’antisémitisme dans le monde.
Au cours des derniers mois, les Juifs ont vu leurs synagogues, leurs écoles et leurs maisons incendiées. Deux infirmiers ont menacé de tuer des patients juifs dans leur hôpital, et une remorque remplie d’explosifs destinés à un attentat meurtrier contre une synagogue de Sydney a été découverte.
Selon le Conseil exécutif des Juifs australiens (ECAJ), le pays a connu plus de 2 000 actes antisémites entre octobre 2023 et septembre 2024, soit plus de quatre fois plus qu’au cours de l’année précédente.
Les Juifs australiens sont frustrés par ce qu’ils considèrent comme l’incapacité du Premier ministre, Anthony Albanese, et de son gouvernement à mettre un terme aux attaques et aux discours violents. Toutefois, ils espèrent que le Premier ministre fera davantage pour protéger la communauté juive après sa réélection à la tête du pays en mai, aux côtés de son parti travailliste.

Bien que certains signes indiquent que le gouvernement ait enfin commencé à prendre conscience de l’importance du problème de l’antisémitisme et à prendre des mesures, les attaques de vendredi, ainsi que les décisions prises le mois dernier par le ministère de l’Intérieur d’interdire l’entrée sur le territoire à deux politiciens israéliens de droite et à Hillel Fuld, militant et influenceur pro-Israël, rendent difficile tout optimisme, a déclaré Leibler.
« Nous aurions dû connaître une période de calme après les élections, mais des événements majeurs continuent de se produire et empêchent toute accalmie », a-t-il déclaré.
« La plupart des Australiens condamnent fermement ces attaques et souhaitent simplement qu’elles cessent. »
Après la destruction de la synagogue Adass Israel de Melbourne lors d’un attentat à la bombe incendiaire en décembre, le gouvernement Albanese a pris un certain nombre de mesures pour renforcer la lutte contre l’antisémitisme, notamment la création d’un groupe de travail antiterroriste spécialement dédié à la violence antisémite. Parmi les autres initiatives figurent l’interdiction du salut nazi et des symboles de haine, la criminalisation du doxxing (divulgation de données personnelles), l’adoption d’une loi visant à interdire les discours de haine, ainsi que l’allocation de fonds pour renforcer la sécurité des sites juifs à travers le pays.

Ces mesures ne se sont pas révélées suffisantes pour endiguer la vague, même si la réponse du gouvernement aux attentats de vendredi a été très ferme et a envoyé un message rassurant à la communauté juive, a déclaré Leibler.
Si la police australienne suspecte des intérêts étrangers d’avoir coordonné les attaques antisémites, aucune preuve n’a pour l’instant été trouvée, a-t-il souligné.
Réactions de la communauté
Alex Ryvchin, codirecteur général de l’ECAJ, a appelé le gouvernement à lutter fermement contre l’antisémitisme « avec toute la force de la loi ».

« Ces événements constituent une grave escalade à l’encontre de notre communauté et prouvent clairement que la crise antisémite non seulement se poursuit, mais s’aggrave », a déclaré Ryvchin dans un communiqué.
« Ceux qui scandent des slogans appelant à la mort ne sont pas des militants pour la paix. Ceux qui brûlent des lieux de culte avec des familles à l’intérieur ne cherchent pas à mettre fin à la guerre », a souligné Ryvchin.
« Il existe dans notre pays une idéologie violente qui opère en marge de la politique et des mouvements sociaux, qui exploite la colère et les préjugés, et qui sourit narquoisement alors que des entreprises sont détruites, des vies sont menacées et que des Australiens fiers et patriotes vivent dans la peur dans leurs propres maisons et dans leurs propres rues. »
« Il est impossible de raisonner ou d’apaiser les responsables », a-t-il conclu.

« Ils doivent être confrontés à toute la rigueur de la loi. »
D’autres dirigeants communautaires ont fait écho à ces sentiments.
« Cet extrémisme violent s’infiltre dans tous les aspects de notre société et détruit le tissu multiculturel de Victoria dont nous étions tous si fiers », a déclaré Elyse Schachna, présidente de Zionism Victoria, une organisation qui regroupe des groupes pro-Israël au sein d’organisations sionistes dans l’État de Victoria.
« Nous devons être sans équivoque : le pogrom perpétré vendredi soir dans un restaurant israélien et une synagogue démontre clairement qu’il ne s’agit pas seulement d’antisionisme, mais d’antisémitisme. »

« C’est un moment où le silence n’est plus une option », a déclaré Dionne Taylor, émissaire australienne du groupe de défense ISRAEL-is.
« Nous avons besoin que davantage de membres de la majorité silencieuse s’expriment clairement et sans équivoque : ce n’est pas ce que nous sommes. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons nous unir pour protéger la cohésion sociale qui définit notre nation. »
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.