L’interdiction d’entrée en Australie du militant Hillel Fuld provoque un tollé diplomatique
Le militant et frère d'une victime du terrorisme devait prendre la parole lors d'événements visant à collecter des fonds pour MDA ; il a été accusé d'être un "sioniste prédicateur de haine"
Le militant pro-Israël et influenceur Hillel Fuld s’est vu interdire l’entrée en Australie car sa présence constituerait un risque pour « la santé, la sécurité ou l’ordre public » du pays, selon le ministère australien de l’Intérieur.
Citoyen israélo-américain, Fuld devait prendre la parole lors d’événements organisés par le service de secours du Magen David Adom (MDA) à Sydney et Melbourne afin de collecter des fonds pour le nouveau centre hospitalier de l’organisation médicale à Lehavim, dans le sud d’Israël. Selon la lettre qui lui a été adressée vendredi par le ministère de l’Intérieur, sa visite a été annulée car il risquerait d’utiliser cette tribune pour inciter à la haine « contre certains segments de la communauté, à savoir la population islamique ».
Cette décision a suscité l’indignation des communautés juives en Australie et dans le monde entier.
Fuld a déclaré au Times of Israel qu’il avait obtenu son visa plusieurs mois auparavant sans rencontrer le moindre problème. « Mais jeudi, quelqu’un m’a signalé un message sur X appelant les gens à contacter les services d’immigration pour m’empêcher d’entrer dans le pays. Et bien sûr, le lendemain matin, j’ai reçu un courriel m’informant que je ne serais pas autorisé à entrer [dans le pays]. »
La campagne coordonnée sur les réseaux sociaux menée par des militants anti-Israël a qualifié Fuld de « marchand bien connu de discours de haine sioniste », affirmant qu’il avait « des antécédents bien documentés en matière de diffusion de discours de haine, d’islamophobie et de désinformation dangereuse ». Cette campagne comprenait des informations détaillées sur la manière de déposer plainte auprès des autorités.
Fuld a indiqué que cette décision avait suscité des réactions diplomatiques, notamment de la part de l’ambassadeur américain en Israël Mike Huckabee, du ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar et de l’ancien ambassadeur israélien auprès des Nations unies Gilad Erdan, qui se sont tous saisis de l’affaire.

Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur Tony Burke, Huckabee a déclaré que Fuld « ne représente aucune menace pour le peuple australien, ni par ses actes ni par ses paroles ».
Parallèlement, les chefs de l’opposition australienne ont demandé au ministre de l’Intérieur de s’expliquer sur cette annulation.
« S’il existe un nouveau précédent politique dans les critères d’octroi des visas d’entrée en Australie, la population australienne doit en être informée dès que possible », a déclaré dimanche Andrew Hastie, ministre adjoint chargé des Affaires intérieures, dans un communiqué.
Ce n’est toutefois pas la première fois qu’un visa est refusé à un Israélien pour des raisons politiques. En novembre, l’ancienne ministre de la Justice Ayelet Shaked s’était vue refuser l’entrée en Australie pour des raisons similaires alors qu’elle devait prendre la parole lors d’une conférence organisée par le Conseil australien pour les affaires israéliennes et juives. L’an dernier, la commentatrice politique conservatrice américaine Candace Owens s’était également vue interdire l’entrée dans le pays.
Fuld, influenceur de longue date dans le milieu high-tech israélien, a commencé à défendre Israël à plein temps après que le Hamas a déclenché la guerre en perpétrant un pogrom dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023. Son influence sur les réseaux sociaux dans le monde juif est considérable, avec 177 000 abonnés sur le réseau social X, 156 000 abonnés sur Facebook, 87 000 abonnés sur Instagram, 16 800 abonnés sur sa chaîne YouTube et 3 300 abonnés sur TikTok.
Il est également connu pour être le frère d’Ari Fuld, un militant et figure des réseaux sociaux qui a été poignardé à mort par un terroriste de 17 ans dans le parking d’un centre commercial au carrefour du Gush Etzion en 2018. La mort d’Ari avait alors été pleurée par des dizaines de milliers de personnes à travers le monde, et il est toujours honoré par différents fonds et causes créés en son nom.

Dans la lettre révoquant son visa, le ministère de l’Intérieur a cité plusieurs publications de Fuld, estimant que celles-ci « niaient des atrocités documentées et tenaient un discours islamophobe, jugé incendiaire et préoccupant par les membres de la communauté australienne ».
« Sur la base de ces informations, je considère qu’il existe des raisons suffisantes pour conclure que l’utilisation par le titulaire du visa de diverses plateformes en ligne pour promouvoir ses opinions et idéologies controversées est susceptible de favoriser la division au sein de la communauté. »
Le ministère a cité un exemple dans lequel Fuld aurait contredit « les informations fournies par de nombreuses sources fiables selon lesquelles au moins 112 Palestiniens avaient été tués et plus de 750 blessés après que les troupes israéliennes avaient ouvert le feu » sur des personnes qui attendaient de l’aide près de la ville de Gaza le 1ᵉʳ mars 2024.
Fuld avait qualifié ces informations de « propagande » et de « infondées » dans un long message publié sur Instagram, écrivant : « Il n’y a pas eu de massacre de Palestiniens à Gaza aujourd’hui. »
Une enquête menée par l’armée israélienne a finalement déterminé que la grande majorité des victimes civiles étaient le résultat de l’affluence de milliers de personnes qui se sont précipitées vers les camions d’aide humanitaire, provoquant une bousculade et des écrasements.
Friends of Magen David Adom a critiqué la décision concernant le visa de Fuld.
« Nous rejetons catégoriquement cette décision », a fait savoir l’ONG dans un communiqué.
« Hillel s’est exprimé devant un large public en Amérique du Nord, en Europe et en Asie sans incident. »
« Cette décision est difficile à concilier avec l’objectif réel de sa visite, qui est de parler de l’entrepreneuriat et d’aider à collecter des fonds pour les services médicaux d’urgence en Israël qui soignent tout le monde, indépendamment de leur religion ou de leur origine », a ajouté Jeremy Leibler, président de la Fédération sioniste d’Australie. Il a déclaré que son organisation était en contact direct avec le gouvernement à ce sujet.
Fuld s’adressera donc aux participants à la collecte de fonds par vidéoconférence, a-t-il précisé.

Attaque contre la communauté juive
Cette décision est un camouflet pour la communauté juive australienne, qui compte 120 000 membres et qui est l’une des plus touchées par l’antisémitisme dans le monde depuis le 7 octobre 2023. Entre octobre 2023 et septembre 2024, le pays a connu plus de 2 000 actes antisémites, soit plus de quatre fois plus que l’année précédant le pogrom du Hamas du 7 octobre 2023 qui a déclenché la guerre à Gaza, selon l’Executive Council of Australian Jewry (ECAJ).
Au cours des derniers mois, les Juifs de la région ont été victimes d’incendies criminels visant des synagogues, des écoles et des habitations. Deux infirmiers ont menacé de tuer des patients juifs dans leur hôpital, et une caravane remplie d’explosifs destinés à un attentat meurtrier contre une synagogue de Sydney a été découverte.
La communauté juive locale est extrêmement frustrée par l’incapacité du Premier ministre Anthony Albanese et de son gouvernement à endiguer la flambée d’antisémitisme, mais elle espère tout de même que, après la réélection de son parti travailliste le mois dernier, il fera davantage pour protéger la communauté juive au cours de son second mandat. Si le parti a désormais conscience que que l’antisémitisme est un problème national important et a commencé à redoubler d’efforts pour le combattre, le camoufler de Fuld est un signe que la situation ne devrait pas s’améliorer à court terme.