Australie: Déçus par la victoire des Travaillistes, les Juifs espèrent une autre approche des crimes de haine
Les organisations juives espèrent que le Premier ministre sortant, Anthony Albanese, prendra des mesures contre les attaques antisémites qui se sont multipliées dans tout le pays

Les leaders de la communauté juive australienne ont été largement déçus par la victoire remportée par le Premier ministre de gauche, Anthony Albanese, lors des élections de samedi – mais ils ont exprimé l’espoir que le parti au pouvoir fera davantage, à l’avenir, pour lutter contre la montée de l’antisémitisme dans le pays.
Le parti travailliste d’Albanese a enregistré une victoire sous forme de raz-de-marée face à Peter Dutton et son parti libéral conservateur lors du scrutin. Le parti sortant, que les organisations juives accusent d’avoir laissé multiplié les crimes de haine antisémites dans tout le pays, s’en est sorti renforcé.
« Les relations entre la communauté juive et le gouvernement Albanese ont été mises à rude épreuve », a fait savoir Jeremy Leibler, le président de la Fédération sioniste d’Australie (ZFA), dans un communiqué émis à la suite des résultats de l’élection.
« Il y a de vrais problèmes : les décisions en matière de politique étrangère et les réponses qui ont été apportées à l’antisémitisme ont mis à mal notre sentiment de confiance. Mais la reprise de cette relation de confiance est dans l’intérêt de toute la nation, et nous estimons qu’elle est à la fois nécessaire et possible ».
La communauté juive australienne, qui est constituée d’environ 120 000 personnes, a été frustrée par la politique mise en place par Albanese à l’égard d’Israël et par l’incapacité du gouvernement à endiguer la recrudescence de la haine antijuive, qui est montée en flèche.
Il y a eu plus de 2 000 incidents antisémites entre le octobre 2023 et septembre 2024 – un chiffre qui a été multiplié par quatre par rapport à l’année précédente, avant l’attaque sanglante commise par le Hamas, le 7 octobre 2023, qui avait été à l’origine de la guerre à Gaza, selon le Conseil exécutif des juifs australiens (ECAJ).
Au cours de ces derniers mois, plusieurs incidents antisémites ont provoqué une onde de choc dans le monde juif en Australie – avec notamment l’incendie qui avait pris pour cible la synagogue Adass Israel à Melbourne, en décembre dernier.

En janvier, des graffitis antisémites avaient été peints à la bombe sur l’ancien domicile du codirecteur général de l’ECAJ, Alex Ryvchin, et deux voitures avaient été incendiées à proximité – une attaque qui, selon un grand nombre, visait personnellement le responsable juif.
En février, une vidéo montrant deux infirmiers qui, dans un hôpital de Sydney, menaçaient de tuer des patients israéliens et déclaraient qu’ils refuseraient de les soigner, avait entraîné une onde de choc dans le pays. Toujours en février, la police avait découvert, à Sydney, une remorque qui contenait suffisamment d’explosifs pour commettre un attentat massif. A l’époque, les forces de l’ordre avaient évoqué une attaque possible dans une synagogue de Sydney (mais la police pense aujourd’hui que les explosifs avaient été placés par un groupe appartenant au milieu du crime organisé dans le but de brouiller les pistes).
Des réponses pragmatiques
La communauté juive d’Australie avait été scandalisée, peu après le pogrom du 7 octobre, lorsque des centaines d’émeutiers avaient scandé des slogans antijuifs aux abords de l’Opéra de Sydney, sous le regard attentif des forces de l’ordre. Depuis lors, l’inaction du gouvernement a permis à certains membres de la communauté musulmane du pays et à des personnes proches de l’extrême-gauche de harceler et d’agresser des Juifs dans un climat de totale impunité.

Les leaders de la communauté juive, dont Ryvchin, ont reproché au gouvernement de ne pas avoir pris de mesures plus énergiques pour prévenir ces attaques. Après la victoire retentissante du parti travailliste samedi, Ryvchin et d’autres ont toutefois souligné l’importance de coopérer avec le gouvernement dans la lutte contre l’antisémitisme.
« Nous continuerons d’appeler avec force le gouvernement à s’opposer fermement à l’antisémitisme, tant dans ses paroles que dans ses actes », a dit Ryvchin dans un communiqué. « Alors que nos points de vue diffèrent sur la meilleure façon de trouver une issue durable au conflit israélo-palestinien fondée sur la coexistence de deux États, nous continuerons à faire entendre nos arguments auprès du gouvernement de manière constructive et raisonnée ».

(Autorisation)
De la même manière, Leibler a exprimé son optimisme en ce qui concerne la volonté de la nouvelle administration de faire davantage pour assurer la sécurité de la communauté juive d’Australie.
« Nous saluons les engagements préélectoraux qui ont été pris par le gouvernement d’augmenter les financements visant à assurer la sécurité de la communauté juive, de lutter contre l’antisémitisme et de soutenir la cohésion sociale », a commenté Leibler. « Les Travaillistes sont fiers de leur tradition de soutien à Israël et à la communauté juive, et le soutien bipartisan est depuis longtemps une caractéristique de la politique étrangère de l’Australie. Nous espérons que ce nouveau mandat sera l’occasion de revenir à cet esprit de consensus et de soutien bipartisan. »
Mais tout le monde n’a pas fait preuve du même esprit positif après la victoire d’Albanese. Robert Gregory, directeur-général de l’Australian Jewish Association (AJA), une organisation à la droite de l’échiquier politique, a déploré des résultats électoraux « dévastateurs ». Il a rappelé que le gouvernement d’Albanese « a été le plus anti-israélien et le plus hostile à l’égard de la communauté juive de toute l’Histoire de l’Australie ».
Des relations nuancées
Dans les coulisses, d’autres sources au sein de la communauté juive australienne ont évoqué des relations nuancées avec Albanese et son parti travailliste.
Dutton, le candidat du Parti libéral, était très apprécié par de nombreux membres de la communauté juive pour sa politique pro-israélienne et pour ses déclarations de soutien à la communauté, ont expliqué les sources. Toutefois, alors que Dutton – qui a parfois été comparé à la version australienne du président américain Donald Trump s’agissant de ses opinions conservatrices et anti-immigration – avait obtenu de bons résultats au tout début de la campagne électorale, son attrait, aux yeux des électeurs, avait diminué au fur et à mesure que les licenciements et les tarifs douaniers de l’administration Trump causaient des ravages à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

D’autres membres de la communauté ont fait savoir qu’il y avait des raisons d’être optimiste et que le gouvernement d’Albanese pourrait mieux travailler avec la communauté juive locale dans le cadre de ce deuxième mandat.
Après avoir initialement minimisé le problème de l’antisémitisme, le parti travailliste a dorénavant compris qu’il s’agissait d’une problématique importante dans le pays, faisant des efforts plus conséquents pour combattre la haine antijuive. Il a notamment promis, pendant sa campagne électorale, d’allouer environ 100 millions de dollars australiens au renforcement de la sécurité et à la lutte contre l’antisémitisme, a noté une source.
En mars, la formation politique a promis de verser 30 millions de dollars australiens pour reconstruire la synagogue Adass Israel de Melbourne, détruite au mois de décembre, ainsi que 250 000 dollars australiens pour remplacer et restaurer les rouleaux de Torah endommagés lors de l’incendie du lieu de culte. Le gouvernement a également créé une équipe composée de policiers et d’experts de la lutte contre le terrorisme dans le cadre de « l’opération spéciale Avalite », qui est chargée d’enquêter sur les menaces pesant sur la communauté juive d’Australie.
Ces derniers mois, le gouvernement a aussi adopté une loi interdisant le salut nazi et les symboles de haine et criminalisant le doxxing. Il a par ailleurs présenté une législation visant à proscrire les discours de haine.

« Maintenant que les travaillistes n’ont plus à s’inquiéter de la menace politique de la gauche de la gauche, il est possible qu’ils commencent à gouverner plus au centre », a déclaré la source.
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