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Suite à l’incendie criminel de la synagogue de Melbourne, la communauté est en colère et vulnérable

Nombre de Juifs se sentent trahis par le gouvernement australien, sa supposée inertie face au regain d'actes antisémites et sa position anti-Israël ; les suspects n'ont pas été appréhendés

Des fleurs et des messages d'espoir et de soutien devant la synagogue Adass Israel, dans le quartier de Ripponlea, à Melbourne, le 8 décembre 2024, après l'incendie criminel dont elle a été victime tôt dans la journée du 6 décembre 2024. (Reuters)
Des fleurs et des messages d'espoir et de soutien devant la synagogue Adass Israel, dans le quartier de Ripponlea, à Melbourne, le 8 décembre 2024, après l'incendie criminel dont elle a été victime tôt dans la journée du 6 décembre 2024. (Reuters)

Pour certaines personnes, en Australie, pays qui compte plus de survivants de la Shoah par habitant que partout ailleurs dans le monde à l’exception d’Israël, l’incendie criminel de vendredi, à Melbourne, contre la synagogue Adass Israel rappelle de mauvais souvenirs.

« Cette communauté a été fondée par des gens comme mon père, qui a fui l’Allemagne après la Nuit de Cristal », explique Yossi Aron, rédacteur en chef des affaires religieuses à l’Australian Jewish News, site partenaire du Times of Israel. « C’est dans notre ADN : qund on voit une synagogue en proie aux flammes, c’est mauvais signe pour le peuple juif. »

Il rappelait dimanche, quelques heures après l’attentat contre la synagogue Adass – synagogue construite par des rescapés de la Shoah -, certains de ses membres avaient voulu y retourner pour récupérer leurs objets de prière et prier malgré tout.

« Les prières du vendredi matin et du Shabbat se sont faites dans les locaux de l’école juive, située à 500 mètres de là seulement », poursuit Aron. « Mais certaines personnes n’avaient pas leur talit (châle de prière) ou leurs téfilines (phylactères), restés à leur place habituele à la synagogue. »

Ils ont pu s’arranger avec les pompiers pour qu’une personne, sous étroite surveillance pour des raisons évidentes de sécurité, puisse entrer et récupèrer tous les objets personnels.

Les prières ont donc pu se faire à Adass mais la destruction de la synagogue est un signal d’alerte pour nombre de membres de la communauté juive australienne.

« C’est une sorte de tournant », analyse Keren Zelwer, habitante de Melbourne et militante communautaire. « Les choses sont devenues très difficiles, ici, depuis le 7 octobre. Notre communauté est fière et forte, mais nous sommes très inquiets et en colère, aussi, car notre gouvernement ne fait rien contre ce problème. »

Des images diffusées sur les réseaux sociaux donnent à voir l’incendie qui a ravagé la synagogue Adass Israel à Ripponlea, dans la banlieue de Melbourne, en Australie, le 6 décembre 2024. (Capture d’écran, utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

La police est toujours sur la piste des deux incendiaires masqués entrés dans la synagogue Adass Israel aux alentours de 4 heures du matin, vendredi dernier. L’incendie qu’ils ont déclenché, environ une heure avant les prières, a fait un blessé et totalement détruit la synagogue.

Selon les informations disponibles, il aura fallu l’intervention d’une soixantaine de pompiers et de 17 camions pour venir à bout des flammes. Les rouleaux de la Torah situés dans le sanctuaire principal ont été légèrement endommagés, mais sont toujours utilisables, ont déclaré des témoins.

Des pompiers sur les lieux de l’incendie criminel de la synagogue Adass Israel, à Melbourne, le 6 décembre 2024. (Tania Lee/AFP)

Dimanche, le Premier ministre Anthony Albanese a condamné l’attentat, qu’il a qualifié d’acte terroriste, ainsi que l’« inquiétante augmentation de l’antisémitisme ». Mais pour de nombreux membres de la communauté juive australienne, c’est « trop peu et trop tard ».

Des tensions croissantes

Forte de 120 000 Juifs, la communauté australienne fait face à une forte augmentation des actes antisémites depuis le début de la guerre ouverte par l’attaque du Hamas sur Israël, le 7 octobre 2023, qui a fait 1 200 morts et 251 otages.

Selon un rapport du Conseil exécutif de la communauté juive australienne publié la semaine dernière, l’Australie a répertorié 2 062 actes antisémites dans l’année qui a suivi l’attaque, soit un peu plus de quatre fois plus que l’année précédente.

Pour cette communauté bâtie par des survivants de la Shoah, les images de ces douze derniers mois sont un rappel on ne peut plus clair des effets d’un antisémitisme incontrôlé. Les Juifs d’Australie ont tendance à tenir l’inertie politique comme une importante composante du problème.

« Depuis le début de 2022, moment où l’Australie a élu un gouvernement de centre-gauche encore aujourd’hui au pouvoir, l’anxiété ne fait que se répandre dans cette communauté », affirme Jeremy Leibler, président de la Fédération sioniste d’Australie. « Après avoir eu le gouvernement le plus pro-Israël de toute l’histoire australienne, le changement politique a été immédiatement perceptible. »

Pour autant, personne ne s’attendait à des violences dans les rues.

« Immédiatement après le 7 octobre, il y a eu une brève vague de soutien et d’empathie », se rapelle Leibler. « Mais quelques jours plus tard, il y a eu cette fameuse manifestation devant l’Opéra de Sydney, de triste mémoire, où des centaines de personnes ont scandé « Fuck the Jews ! » « Où sont les Juifs ? » et, selon certains témoignages, « Gazez les Juifs ! » sous les yeux de la police. Ce fut le début de ce qui s’est transformé en un fort sentiment de trahison au sein de la communauté juive. »

Jeremy Leibler, président de la Fédération sioniste d’Australie.
(Autorisation)

Depuis, plus de 2 000 actes antisémites ont été répertoriés, à commencer par des agressions physiques, des manifestations anti-Israël devant des synagogues ou des écoles juives, des domiciles juifs recouverts de graffitis et d’autocollants haineux, sans oublier des attaques contre des entreprises appartenant à des Juifs.

Ces agressions sont le fait d’un large éventail de mouvements anti-Israël – musulmans, progressistes de gauche, antisémites de droite et néonazis -, explique l’ECAJ dans son rapport.

Mais cette fois, l’incendie d’une synagogue suscite des réactions différentes.

« Nous n’avions jamais connu d’agressions comme celles de l’année écoulée », estime Naomi Levin, directrice générale du Conseil de la communauté juive de Victoria. « Nous avons vécu des choses terribles, mais rien de comparable à ce qui s’est passé vendredi. Le sentiment de sécurité, au sein de notre communauté, était déjà très fragile, mais nombre de personnes voulaient croire que ce genre de violence n’était pas possible en Australie. Ce n’est plus le cas. »

Se battre pour l’avenir

Pour beaucoup, l’anxiété a cédé la place à la colère.

Vendredi matin, des membres de la communauté ont laissé exploser leur colère en huant la Première ministre de l’État de Victoria, Jacinta Allan, venue sur les lieux de l’incendie, et en l’accusant de faire de la politique politicienne faute de faire quelque chose contre l’antisémitisme.

Certains reprochent au gouvernement de ne pas prendre de position ferme en faveur des intérêts juifs en raison des élections fédérales qui auront lieu l’été prochain. Le parti d’Albanese compte beaucoup sur les voix des musulmans, très supérieures en nombre à celles des Juifs, expliquent les habitants.

La semaine dernière, quelques jours avant l’incendie, l’Australie a voté une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies appelant Israël à se retirer de Cisjordanie et de Gaza, revenant ainsi sur la ligne politique qui était la sienne depuis des dizaines d’années.

« Il est clair que ces calculs sont en partie responsables des revirements politiques du gouvernement », explique Leibler.

Même le Premier ministre Benjamin Netanyahu a établi un parallèle entre la politique étrangère australienne et l’attaque de vendredi. « Il est impossible de séparer cet acte répréhensible de la position anti-Israël extrême du gouvernement travailliste australien », a-t-il écrit sur X.

Dimanche, les chefs du Conseil exécutif de la communauté juive australienne ont adressé une lettre assez dure à Albanese lui demandant d’agir plus radicalement.

« Depuis plus d’un an, les Juifs australiens vivent dans la peur et l’anxiété. Ils sont nombreux, au sein de notre communauté, à s’interroger sur leur avenir dans ce pays », peut-on lire dans cette lettre. « Nous vous demandons, à vous et votre gouvernement, de prendre immédiatement des mesures et d’encourager les autorités des Etats à prendre elles aussi des mesures face à ce qui est aujourd’hui un problème d’antisémitisme à l’échelle du pays. »

Albanese a rejeté les accusations et promis des millions de dollars pour mieux protéger les communautés juives, s’insurgeant contre ce qu’il a qualifié d’« attaque méprisable ».

Les dégâts de l’incendie criminel de la synagogue Adass Israel, dans le quartier de Ripponlea, à Melbourne, le 6 décembre 2024. (Capture d’écran/Osher Feldman/X/ ; utilisé conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

« En cette période de profonds bouleversements, je veux que chaque membre de la communauté juive sache que notre gouvernement condamne sans équivoque les préjugés dont vous êtes la cible », a-t-il déclaré.

Pour autant, toute la communauté juive de Melbourne ne tire pas la sonnette d’alarme. Ron Levy, professeur de droit et de politique à l’Université australienne de Canberra, estime qu’il n’y a, pour l’heure, aucune raison de paniquer.

« Le pays reste très sûr », estime Levy. « Les choses se sont dégradées, mais cela n’a rien à voir avec l’Allemagne des années 1930. Même si les choses sont moins sûres désormais, nous n’allons ni nous barricader ni nous replier sur nous-mêmes. »

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