Bennett défend les soldats filmés saluant les tirs à Gaza
Des ministres s'en prennent aux critiques "de Tel Aviv" après la diffusion d'une vidéo d'un tireur d'élite israélien qui tire sur un Palestinien apparemment non armé

Deux ministres israéliens se sont mobilisés mardi pour défendre l’armée après la diffusion d’une vidéo semblant montrer des soldats tirer sur un Palestinien non armé dans la bande de Gaza et se réjouir bruyamment de l’avoir atteint.
Cette vidéo, qui n’est pas datée, a d’abord été diffusée lundi soir par la Dixième chaîne de télévision qui n’a pas précisé comment elle l’avait obtenue, avant d’être largement reprise sur les réseaux sociaux et dans les médias israéliens.
Les images semblent d’abord montrer un Palestinien immobile près de la barrière marquant la frontière entre Israël et la bande de Gaza. Ce dernier est ensuite touché par des tirs en provenance d’une position occupée par des soldats sur le territoire israélien.
Au moment où le Palestinien s’écroule, des cris de joie poussés apparemment par des soldats sont entendus : « Quelle vidéo, fils de pute, quelle vidéo, bien sûr que j’ai filmé ».
L’armée israélienne n’a pas contesté l’authenticité de la vidéo, annonçant peu après sa diffusion, l’ouverture d’une « enquête approfondie ». Mais selon elle, ces images dépeignent « apparemment un événement qui s’est produit il y a plusieurs mois. »
Selon le quotidien Yédiot Aharonot, la vidéo a été filmée en décembre dernier. La Dixième chaîne a pour sa part indiqué que le soldat qui a tiré est actuellement interrogé. Sollicité par l’AFP, un porte-parole de l’armée n’a pas été en mesure de confirmer cette information.
La diffusion de ces images intervient alors que l’armée israélienne est au cœur d’une polémique sur les consignes de tirs, après la mort par balles de 31 Palestiniens lors de récentes manifestations à la frontière avec la bande de Gaza.
« On en fait beaucoup trop avec cette vidéo. Il ne s’agit pas de tirs sur n’importe qui, mais sur un terroriste qui s’approche de la barrière dans une zone interdite d’accès et en provenance d’une région contrôlée par les terroristes du Hamas », a affirmé le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan à la radio publique.
Le ministre de l’Education Naftali Bennett a lui aussi défendu sur la radio militaire les actions des troupes israéliennes.
« Juger les soldats parce qu’ils ne se sont pas exprimés de façon élégante alors qu’ils sont en train de défendre nos frontières, ce n’est pas sérieux », a affirmé M. Bennett, chef du parti nationaliste religieux HaBayit HaYehudi.
« Ceux qui sont sur le terrain savent qu’il n’est pas difficile de rester assis à Tel Aviv ou dans les studios et de juger les expressions des soldats israéliens qui gardent les frontières » a-t-il ajouté.

Plus tard, Bennett a tweeté : « Les soldats de Tsahal protègent nos vies. Nous les protégeons. Nous n’abandonnons pas les soldats. »
Il était impossible de savoir si le Palestinien touché a été tué.
L’armée israélienne affirme que les tireurs déployés le long de la frontière avec la bande de Gaza n’ont le droit de tirer sur des manifestants que s’ils sont armés, menacent la vie de soldats, tentent de s’infiltrer en territoire israélien ou de saboter la barrière de sécurité.

Dans la vidéo, qui a apparemment été filmée à l’aide d’une longue-vue ou de jumelles, on peut entendre les soldats discuter avant le tir, alors que le tireur d’élite dirige son fusil sur le suspect, qui se tient debout près d’un autre Palestinien accroupi devant des barbelés à plusieurs mètres de la clôture de sécurité.
Le Palestinien ne semble pas être armé et on ne le voit pas lancer des pierres ou des bombes incendiaires sur la clôture de sécurité ou sur les soldats israéliens de l’autre côté.
On entend le commandant dire dans la vidéo : « Dès qu’il s’arrête, vous tirez. Vous avez une balle dans le chargeur ? Vous l’avez dans votre viseur ? »
On peut alors entendre le tireur d’élite dire qu’il ne peut pas tirer parce que son tir est gêné par les barbelés de la clôture de sécurité.
A un certain moment, le tireur d’élite dit qu’il est prêt à tirer, mais son commandant lui dit d’attendre. « Il y a un petit enfant », indique le commandant.
Un soldat, apparemment celui qui filme l’incident, appelle un ami un instant avant que le coup de feu ne soit entendu et que le Palestinien ne s’effondre au sol.
« Whoa ! Quelle vidéo ! YES ! Fils de pute. Quelle vidéo ! Regardez, ils courent pour l’évacuer », s’enthousiasme le photographe.
« Bien sûr que je l’ai filmé », ajoute-t-il en répondant à une question.
On entend alors un autre soldat dire : « Whoa, [il] l’a touché à la tête. »
Alors que l’on peut voir un groupe de Palestiniens emportant l’homme blessé, le photographe ajoute : « Quelle vidéo Quelle vidéo fabuleuse ! ».
Le clip vidéo a fait la une de l’actualité nationale israélienne lundi soir. Les journalistes de télévision ont déclaré qu’il n’était pas clair si le suspect palestinien avait été blessé ou tué.
« Critiques de salon »
Faisant écho à Bennett, le ministre de la Sécurité publique Gilad Erdan (Likud) a exprimé mardi son soutien aux soldats israéliens et a rejeté le tollé suscité par la vidéo.

« Je ne comprends pas ce qui ne va pas dans la vidéo. Vous ne pouvez pas juger une réaction humaine – aussi exagérée soit-elle – sur un champ de bataille depuis un fauteuil à Tel Aviv », a-t-il déclaré à la radio israélienne.
Tout en soulignant qu’une telle vidéo « ne devrait pas exister », le ministre des Sciences Ofir Akunis (Likud) a exhorté à ne pas porter un jugement hâtif sur l’incident.
« Le Palestinien qui s’approchait de la frontière n’est pas venu demander la paix », a-t-il déclaré à la radio israélienne.

L’accent a été mis sur la vidéo juste un jour après que l’état-major général de Tsahal a annoncé qu’il lançait une enquête sur la réaction de l’armée à une série de violentes manifestations le long de la frontière de Gaza ces derniers jours, qui ont jusqu’à présent causé la mort d’une trentaine de Palestiniens.
Les incidents frontaliers des deux dernières semaines se sont produits lors de deux manifestations massives auxquelles des dizaines de milliers de Palestiniens ont pris part.
Les manifestations font partie d’une « Marche du retour » planifiée sur six semaines qui doit se terminer à la mi-mai avec la « Journée de la Nakba », marquant le départ des Arabes après la création d’Israël, et le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem – un projet qui a rendu furieux les dirigeants palestiniens.

Les Palestiniens ont insisté sur le fait que les manifestations étaient menées par des civils et étaient non violentes, alors qu’Israël a déclaré qu’elles étaient souvent utilisées pour couvrir les tentatives de violence contre les soldats israéliens et les violations de la frontière. Tsahal affirme que les marches sont une nouvelle tactique du Hamas, qui dirige Gaza, pour mener des opérations terroristes dans la confusion des manifestations.
L’armée a déclaré qu’elle avait repéré de multiples tentatives de terroristes pour installer des engins explosifs le long de la frontière de Gaza, une attaque par balles contre les soldats israéliens par deux Palestiniens bien armés envoyés par le Hamas, ainsi qu’une tentative d’infiltration par un homme armé portant un gilet de kamikaze. Le Hamas, un groupe terroriste qui cherche à détruire Israël, a reconnu que plusieurs de ses agents étaient parmi les morts palestiniens. Les dirigeants du Hamas ont déclaré que le but ultime des manifestations est de faire tomber la frontière et de libérer la Palestine.
Après la mort de 31 manifestants palestiniens depuis le 30 mars, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et l’Union européenne ont réclamé une « enquête indépendante » sur l’usage par Israël de balles réelles, une demande rejetée par l’Etat hébreu.
Hanan Ashrawi, une haute responsable palestinienne, a pour sa part déclaré à l’AFP : « Depuis des lustres, personne ne nous écoute ou ne nous croit à moins que l’on ne présente un document d’origine israélienne ».
« La question des tireurs d’élite n’est pas nouvelle et il est temps que le monde croit ce que nous ne cessons de dire » sur la répression israélienne, a-t-elle ajouté.
L’ONG israélienne B’Tselem a lancé jeudi une campagne appelant les soldats israéliens à ne pas ouvrir le feu vers des Palestiniens non armés.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a de nouveau prévenu lundi qu’Israël ferait « mal » aux Palestiniens de la bande de Gaza qui tenteraient d’attaquer Israël lors des prochaines manifestations auxquelles le chef du mouvement islamiste Hamas Ismaïl Haniyeh, qui contrôle Gaza, a appelé lundi.
Judah Ari Gross et l’AFP ont contribué à cet article.
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