Benny Gantz pose des conditions pour discuter de la réforme judiciaire
Selon Deri, les appels à des pourparlers ne sont qu'une tentative de contrecarrer le plan ; Netanyahu a demandé à Herzog de s'adresser à Levin
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a exposé lundi ses conditions pour dialoguer des projets de réformes judiciaires du nouveau gouvernement, réitérant une offre de négociation maintes fois repoussée par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
S’exprimant au début de la réunion de sa faction à la Knesset, Gantz a déclaré que le processus législatif rapide actuel doit être mis en pause, que la discussion doit inclure « la promotion d’une législation globale et d’une législation de la Loi fondamentale, en mettant l’accent sur l’assistance aux citoyens », et un engagement à « s’opposer à la politisation du choix des gardiens et des juges ».
« Il ne peut y avoir une situation dans laquelle une commission fomente un coup d’État, tandis qu’en parallèle, il y a une ‘commission superficielle’ qui tient des discussions oiseuses afin de faire taire les protestations », a ajouté Gantz.
Gantz, qui a déjà suggéré la création d’un groupe de travail inter-Knesset pour élaborer la réforme judiciaire, est le seul au sein de l’opposition à faire une telle proposition. Alors que les leaders de Yisrael Beytenu et du parti Avoda rejettent totalement les pourparlers, le chef de Yesh Atid, Yaïr Lapid, a demandé au président Isaac Herzog de former une commission impartiale sur la question.
S’adressant à la Knesset à l’occasion du 74e anniversaire du Parlement, Lapid a prédit lundi que la refonte du système judiciaire briserait la société israélienne en deux.
« Le point de non-retour pour la société israélienne n’est qu’à quelques semaines. Si vous adoptez cette loi, il n’y aura aucun moyen d’y remédier. Il n’y aura pas de retour en arrière possible. Cela brisera le dos et le cœur de la société israélienne », a déclaré Lapid.
« L’incendie a été allumé dans cette maison, mais les extincteurs sont aussi dans cette maison. Tant qu’il y a une chance d’arrêter la législation qui divise cette nation en deux, nous continuerons à nous battre. Mais si elle passe – elle divisera cette nation en deux », a-t-il regretté.
Pour sa part, le chef du parti Shas, le député Aryeh Deri, a dénoncé les appels des leaders de l’opposition et d’Herzog à engager le dialogue, les qualifiant de tentatives de faire capoter le projet de réforme du système judiciaire du gouvernement, qui est fermement soutenu par le Shas et le Premier ministre.
« Nous sommes ouverts à la discussion », a déclaré Deri au début de la réunion de sa faction à la Knesset. »Mais vous ne pouvez pas utiliser la discussion pour mettre un terme au processus que vous voulez arrêter », a-t-il ensuite ajouté.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a balayé d’un revers de la main toutes les tentatives de ralentir le rythme effréné du projet de refonte du système judiciaire qu’il dirige.
Le projet prévoit de restreindre de manière importante la capacité de la Haute-cour à invalider des lois et des décisions gouvernementales avec l’adoption d’une clause dite « dérogatoire » qui permettrait au Parlement de surseoir aux décisions de la Cour suprême avec un vote à la majorité simple de 61 députés.
Ces propositions prévoient aussi de donner au gouvernement le contrôle total de la sélection des juges ; de faire disparaître la notion juridique du « caractère raisonnable » du code pénal israélien, une notion sur laquelle s’appuient les magistrats pour juger une législation ou une décision prise par la coalition et elles prévoient également que les ministres seront autorisés à nommer leurs propres conseillers juridiques au lieu de devoir faire appel à ceux qui opèrent sous les auspices du ministère de la Justice.
Le plan a suscité des critiques intenses et des avertissements de la part des plus éminents experts, ainsi que des manifestations massives et des pétitions publiques lancées par des officiels variés, des professionnels et des entreprises privées, qui ont tous averti que ces réformes porteront atteinte à la démocratie et à l’économie.
Alors que les protestations s’intensifient, une minorité de voix ont appelé à la violence contre Netanyahu et ont été condamnées par l’ensemble de l’échiquier politique.
Deri a ajouté son propre appel à « déraciner » ces phénomènes. « Toute personne qui lance un tel appel devrait savoir qu’elle est un paria de la société », a déclaré Deri.
Netanyahu, quant à lui, a déclaré aux membres de son parti, le Likud, que Herzog l’avait approché pour suspendre le projet controversé de réforme judiciaire du gouvernement, mais qu’il lui avait dit de s’entretenir avec Levin.
Les commentaires de Netanyahu ont été faits lors d’une réunion à huis clos de son parti, et cités par plusieurs médias israéliens.
Netanyahu a affirmé que c’est Levin qui est à l’origine du projet de réforme. « Il a imaginé, préparé et fait passer le projet de loi. »
Les détracteurs, dont Herzog, affirment que la réforme portera atteinte à la démocratie israélienne, tandis que les partisans affirment qu’elle rétablira l’équilibre entre les branches du gouvernement.
La semaine dernière, la procureure générale Gali Baharav-Miara avait informé Netanyahu qu’il ne pouvait pas être impliqué dans les efforts de son gouvernement pour remanier radicalement le système judiciaire, car il est en conflit d’intérêts en raison de son procès pour corruption en cours.
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