Herzog pourrait créer une commission pour une réforme judiciaire « équilibrée »
Le président tente d'éviter une "crise constitutionnelle historique" liée au projet de réforme de la coalition ; selon Gantz, les manifestations de masse ont un impact
Le leader de l’opposition et ancien Premier ministre, Yaïr Lapid, a déclaré lundi qu’il avait exhorté le président Isaac Herzog à mettre en place une commission chargée de proposer une réforme judiciaire « équilibrée » – pour contrer la réforme radicale prévue par le 37e gouvernement – et que le président étudiait cette idée.
Herzog a confirmé s’être entretenu avec Lapid dans le cadre des efforts qu’il déploie pour éviter « une crise constitutionnelle historique » liée aux propositions de la coalition, qui limiteraient considérablement les pouvoirs du système judiciaire et placeraient la quasi-totalité du pouvoir entre les mains de la majorité politique.
S’exprimant lors d’une réunion de sa faction Yesh Atid à la Knesset, Lapid a déclaré qu’il avait « proposé au président Herzog de former une commission présidentielle pour offrir une recommandation équilibrée et raisonnable afin d’améliorer le système judiciaire et de trouver le bon équilibre entre les branches législatives et judiciaires ».
Lapid a déclaré que Herzog « étudiait la proposition » et qu’il s’attendait à ce qu’un telle commission soit créée. « J’espère et je crois que la commission sera formée et qu’elle empêchera la destruction de notre démocratie et une terrible division au sein du peuple d’Israël », a déclaré Lapid.
Dans une déclaration confirmant ses interactions avec Lapid et d’autres, le bureau de Herzog a informé que « le président poursuit ses efforts incessants avec tous les acteurs concernés dans le but de créer un vaste dialogue respectueux dans l’espoir de parvenir à un large compromis ».
Telles qu’elles ont été présentées par le ministre de la Justice, Yariv Levin, les propositions de la coalition restreignent considérablement la capacité de la Haute Cour à invalider des lois et des décisions du gouvernement, avec une clause dite « dérogatoire » permettant à la Knesset de légiférer à nouveau sur des lois annulées avec une majorité simple de 61 voix ; elles donnent au gouvernement un contrôle total sur la sélection des juges ; elles empêchent la Cour d’utiliser la règle du « caractère raisonnable » pour juger les lois et les décisions du gouvernement ; et elles permettent aux ministres de nommer leurs propres conseillers juridiques, au lieu d’obtenir des conseils de conseillers opérant sous l’égide du ministère de la Justice.
Le gouvernement chercherait à faire adopter ces changements par la Knesset et à les faire passer en loi dans les deux prochains mois. Levin a qualifié ces propositions de « première étape » de son projet de réforme ; d’autres changements aux ramifications plus importantes seraient promulgués ultérieurement.
Les propositions de Levin ont suscité de vives critiques, même de la part des partisans de longue date de la réforme judiciaire, et ont déclenché des manifestations de masse hebdomadaires et des pétitions publiques de la part de divers fonctionnaires, professionnels, entreprises privées et autres organismes. Plus de 100 000 personnes ont manifesté contre le remaniement à Tel Aviv samedi soir, et des milliers d’autres ont participé à d’autres manifestations, notamment à Jérusalem, Haïfa et Beer Sheva.
Les partisans du remaniement, qui est fermement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, affirment que le tribunal est trop interventionniste et qu’il subvertit la volonté de l’électorat.
Mercredi dernier, la Haute Cour a décidé que Netanyahu ne pouvait pas réintégrer le chef du parti Shas, Aryeh Deri, dans ses fonctions ministérielles – citant les multiples condamnations de Deri et la récente tromperie apparente d’un tribunal inférieur – ce qui a obligé le Premier ministre à le licencier dimanche.
Lundi, Netanyahu et d’autres chefs de la coalition ont assisté à la réunion hebdomadaire du Shas à la Knesset, au cours de laquelle Netanyahu a réitéré qu’il cherchait un moyen de « remettre Aryeh à la place qui lui revient… dès que possible ».
« On a porté atteinte au principe de la volonté de la majorité, et nous devons réparer cela », a déclaré Netanyahu, s’engageant à rétablir Deri à la table du cabinet et disant que c’était juste « pour le moment » que Deri n’est pas ministre.
« C’est une mauvaise décision… qui nous a contraints à une situation dans laquelle Aryeh Deri ne siège plus en tant que ministre du gouvernement », a déclaré Netanyahu.
Le Premier ministre a fait le lien entre le licenciement de Deri et la lutte plus large contre le système judiciaire, déclarant que son gouvernement faisait face à « un déluge de propagande mensongère » contre ses projets de réforme radicale, « mais nous ne les laisserons pas gagner ».
« Nous ne sommes pas venus pour mettre fin à la démocratie », a-t-il déclaré. « Nous sommes venus pour sauver la démocratie. Qu’est-ce que la démocratie ? La règle de la majorité et le respect des droits individuels. » Il a ajouté que le moyen de s’assurer que la majorité respecte les droits individuels est un équilibre approprié entre les trois branches du gouvernement. « Cet équilibre a été violé ces dernières années », a-t-il soutenu.
Deri a attaqué le système judiciaire pour ne pas avoir donné au gouvernement une indication au lieu d’invalider ses nominations ministérielles.
Personne n’a averti le Premier ministre qu’il travaillait dans un contexte de « manque extrême de vraisemblance », a accusé Deri, faisant référence à la base de la Haute Cour pour l’invalider, malgré le fait que ses nominations aient été « discutées pendant un mois entier ».
Pendant ce temps, le chef du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a déclaré à la réunion de son parti que les manifestations de masse contre le gouvernement avaient un effet réel et conduisaient les responsables de la coalition à reconsidérer le remaniement.
Gantz a déclaré qu’il voyait « l’impact énorme du tollé et des manifestations ». « Je commence à entendre des voix parmi les responsables de la coalition qui veulent parvenir à des accords et ne veulent pas jeter la démocratie avec l’eau du bain. »
« De plus en plus de gens de droite en parlent, de plus en plus de membres de la Knesset murmurent dans les couloirs, et de nombreux ultra-orthodoxes comprennent la menace que cela représente pour eux à l’avenir en tant que minorité », a déclaré Gantz.
Gantz a affirmé que Netanyahu a déjà adouci sa rhétorique lorsqu’il s’adresse à la communauté internationale. « Nous commençons à voir les fissures ; Netanyahu parle déjà différemment en anglais », a-t-il déclaré.
La cheffe du parti Avoda, Merav Michaeli, a fustigé à la fois Lapid et Gantz pour ce qu’elle a décrit comme une disposition inacceptable à faire des compromis avec Netanyahu. « Faire des propositions à Netanyahu, que ce soit directement ou par un intermédiaire, c’est se rendre », a-t-elle déclaré, en référence à la proposition de Lapid faite à Herzog et à la volonté de Gantz de créer une commission chargée de formuler une réforme judiciaire. « Je suis très, très préoccupée par les propos de Gantz et de Lapid. Ce sont exactement les choses auxquelles nos manifestants s’opposent. Ce sont exactement les voix qui les affaiblissent et qui pourraient les inciter à rester chez eux. »
« Nous disons sans équivoque, non au compromis avec Netanyahu, non aux négociations avec Netanyahu, non aux offres polies à Netanyahu, non aux courbettes devant Netanyahu. Aucun de ceux qui se battent pour notre pays ne doit se rendre à Netanyahu », a ajouté Michaeli à l’attention de sa faction, à la Knesset.
« Lapid et Gantz devraient le savoir », a-t-elle déclaré.
« Vous vous êtes déjà rendus à lui auparavant et lui avez donné un gouvernement, une fois en 2013 [lorsque Lapid a siégé dans une coalition dirigée par Netanyahu] et une fois en 2020 [lorsque Gantz l’a fait]. Vous devriez savoir comment cela fonctionne. »
« Se rendre à Netanyahu, c’est renoncer à notre démocratie. »