Brexit et F-35
L'arrivée d'un nouvel avion de chasse et le référendum au Royaume-Uni font les titres de la presse israélienne
Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives
Le jour du référendum est arrivé, et s’affiche à la Une de la presse israélienne : les Israéliens retiennent leur souffle en attendant la décision de la Grande-Bretagne sur son départ, ou non, de l’Union européenne.
Dans le même temps, les tabloïds s’extasient devant le nouvel avion de chasse qui n’est pas encore arrivé en Israël mais était exposé lors d’une réception donnée pour le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, aux Etats-Unis.
Comme on pouvait s’y attendre, des jeux de mots au goût douteux sur le nom hébreu du F-35 font les titres. Préparez-vous à des reportages et des titres similaires dans quelques mois, quand l’avion à 100 millions de dollars arrivera.
Israel HaYom et Yedioth Ahronoth font toute une affaire du commentaire du commandant de l’armée de l’air, qui a déclaré que voler avec le F-35 dans un simulateur était comme « tenir le futur dans mes mains ». Haaretz ignore ce cirque médiatique, et se concentre sur le Brexit.
Toujours dans le thème de l’aviation, Yedioth Ahronoth dévoile les portraits des pilotes qui sortiront de l’académie de l’armée de l’air la semaine prochaine : un tiers sont des enfants ayant grandi dans le nord d’Israël pendant la seconde guerre du Liban, il y a dix ans. Le journal les cite : ils se rappellent avec mélancolie regarder les roquettes du Hezbollah passer au-dessus de leurs villages, en direction de Haïfa ou d’autres villes du sud, et courir vers les abris antiaériens.
Est-ce à propos de la seconde guerre du Liban ? Les pilotes de chasse ? Le fait qu’un tiers des élèves viennent du nord est-il exceptionnel ? Le papier ne le dit pas, et l’article est, inutilement, si enthousiaste et naïf qu’il est difficile de s’en soucier.
Les yeux fixés sur la Grande-Bretagne, les journaux pèsent le pour et le contre, et sont de manière écrasante en faveur du « rester », même si les arguments sont familiers.
« Les supporteurs du ‘Oui’ [Quitter l’UE] clament qu’ils récupéreront leur pays », écrit Boaz Bismuth, d’Israel HaYom. « Ce n’est pas si grave, pour autant que cela les concerne, si le cours de la livre sterling s’effondre, si la City est touchée, si le Royaume-Uni perd une large zone de libre-échange, si l’Ecosse est renforcée par de l’argent venant de Bruxelles – et pourrait à nouveau réclamer son indépendance. Le principal, c’est l’honneur ».
« Un ‘Oui’ au Brexit pourrait causer un dangereux effet domino », continue-t-il, et d’autres pays majeurs, comme la France et l’Allemagne, pourraient suivre. La sortie du Royaume-Uni de l’Union serait un vote contre « la stabilité et le choix d’aller de l’avant », conclut-il.
Même si Haaretz ne soutient pas éditorialement une position ou l’autre, la situation est claire. Le journal publie un édito de Dov Alfon, qui déclare que le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne résonnerait sur le continent, et en France en particulier.
« Cela laisserait le président François Hollande dans une position intenable : le vote britannique est devenu, ces derniers jours, une sorte de vote de confiance en lui », écrit Alfon. « Pour autant que les Français soient concernés, leur président s’est lancé corps et âme contre le départ de la Grande-Bretagne, en menaçant notamment d’arrêter d’empêcher les migrants de rejoindre l’Angleterre depuis les côtes françaises ».
« La vraie menace se profile : si les Britanniques votent en faveur de quitter l’Union, qu’est-ce qui empêchera les Français de faire la même chose s’ils en ont l’opportunité ? ».
Yedioth Ahronoth s’essaie à l’impartialité en publiant côte à côte deux éditos aux avis opposés. Alex Napier-Holland écrit, en faveur du Brexit, que l’Union européenne n’autorise pas ses Etats membres à avoir une vraie indépendance financière, un contrôle de l’immigration ou des régulations.
L’UE, écrit-il, s’est créée à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, et avait pour but d’empêcher de nouvelles guerres sanglantes en Europe.
« Aujourd’hui, l’Europe fait partie de la mondialisation, avec une population qui rejette les préjugés basés sur la religion, la race, le genre ou la sexualité », continue-t-il, apparemment aveugle à la montée des mouvements nationalistes d’extrême-droite en Europe. Il qualifie la notion d’Union européenne d’antique, et explique que les pays pourraient très bien s’en sortir sans le statu quo. « La vie existe aussi en dehors de l’Union ».
De l’autre côté, Dan Oakey écrit qu’il existe assez de raisons contre le Brexit pour voter contre – sur le plan économique, social ou d’autres (il pointe l’immigration, le commerce, et la croyance illusoire des supporteurs du Brexit que leur enfance reviendra une fois que le Royaume-Uni aurait quitté l’UE). Il soutient également que la Grande-Bretagne peut faire face aux menaces sécuritaires, notamment l’islam radical, plus efficacement depuis l’intérieur de l’Union, et que son économie restera plus forte en tant que membre du bloc.
Dans les nouvelles locales, la mort de deux jeunes enfants, laissés dans la voiture de leurs parents dans une chaleur étouffante au sud d’Israël, génère les mêmes protestations à chaque fois que cela arrive, et trop souvent dans le cas d’Israël.
Les mots familiers – tragique, accident, erreur, désemparé – font leur apparition, réguliers comme des coucous. Yedioth Ahronoth s’oppose à la tradition avec un article d’opinion, qui appelle à la punition des parents qui tuent leurs enfants par inadvertance à cause de leur négligence.