« Ce sont des animaux » : Abbas fustige l’UE concernant les élections palestiniennes
"L'Europe a échoué à convaincre Israël d'accepter un vote à Jérusalem-Est," a déclaré le chef de l'AP qui s'exprimait lors d'un événement privé à New York
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, s’en est vivement pris à l’Union européenne (UE) lors d’un événement privé qui a eu lieu lundi soir à New York. Selon le récit de deux personnes présentes, Abbas a affirmé que Bruxelles avait échoué à tenir sa promesse qui consistait à aider Ramallah à organiser des élections parlementaires et présidentielles en 2021.
« Ce sont des animaux », a-t-il déclaré, utilisant un terme méprisant en arabe qui décrit quelqu’un qui se comporte mal.
Alors qu’Abbas, 87 ans, est connu pour son langage haut en couleurs lorsqu’il exprime, à huis-clos, son mécontentement à l’égard des dirigeants et des pays qui, selon lui, sapent la cause palestinienne, sa décision de laisser libre cours à sa colère à l’égard de l’UE est notable dans la mesure où Bruxelles est le plus important bienfaiteur de Ramallah, et ce, depuis des années.
Cette dernière attaque verbale survient également à un moment où Abbas est particulièrement isolé sur la scène mondiale, suite à un discours qu’il avait prononcé au début du mois, affirmant à cette occasion que Hitler avait persécuté les Juifs pendant la Shoah en raison « de leur comportement social » et non en raison de sa profonde hostilité à l’égard des Juifs.
Les propos de lundi ont été tenus lors de la réunion annuelle entre Abbas et les leaders de la communauté palestino-américaine, alors que le chef de l’AP se trouve actuellement à New York pour prendre part à l’Assemblée générale de l’ONU.
Les deux personnes présentes – qui se sont exprimées auprès du Times of Israel sous couvert d’anonymat, craignant des représailles – ont précisé qu’Abbas avait partagé sa frustration sur la manière dont l’UE s’était conduite alors que les Palestiniens tentaient d’organiser des élections, en 2021.

Le dirigeant de l’AP a dit à l’assistance qui se trouvait dans une salle du Hyatt Grand Central New York que des responsables de l’UE étaient entrés en contact avec lui en 2020 concernant l’organisation et la tenue d’élections pour la présidence et pour le parlement palestiniens – de tels scrutins n’ont pas eu lieu depuis 2005 et 2006 respectivement.
Abbas s’est souvenu qu’il avait alors dit aux officiels de l’UE qu’il s’engageait à organiser des élections, mais seulement si Israël acceptait que le scrutin ait aussi lieu à Jérusalem-Est.
Cela fait longtemps qu’Israël prend des initiatives qui visent à empêcher l’AP de mener des activités à Jérusalem-Est, que l’État juif considère comme une partie de sa capitale. Les Palestiniens, de leur côté, la revendiquent comme la capitale de leur futur État.
Le président de l’AP avait ajouté que ses interlocuteurs de l’UE lui avaient donné l’assurance qu’ils exerceraient des pressions sur Israël dans ce sens.
Au même moment, Abbas avait écrit un décret au mois de janvier 2021, annonçant des élections parlementaires pour le mois de mai suivant et un scrutin présidentiel pour le mois de juillet suivant.
Abbas a raconté aux personnes présentes lors de la rencontre qu’il était retourné voir les représentants de l’UE, leur demandant des informations sur l’évolution des pourparlers avec Israël.
Le dirigeant de l’AP a ajouté qu’il lui avait été répondu que Bruxelles n’avait rien pu faire auprès de l’État juif – à une période où le pays était dirigé par un gouvernement intérimaire placé sous l’autorité du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait refusé de signer une décision portant sur l’organisation d’un scrutin palestinien à Jérusalem-Est.

Abbas a noté que les responsables européens lui avaient vivement recommandé de maintenir les élections et de faire en sorte que les Palestiniens de Jérusalem-Est puissent voter par courriel, comme ils l’avaient déjà fait dans le passé.
En effet, l’ancien ambassadeur de l’UE auprès des Palestiniens avait raconté lors d’une interview accordée pour son départ au Times of Israel qu’il avait tenté de convaincre Abbas de trouver un compromis sur cette question.
« Mon argument au président Abbas est et il reste : « Comment se fait-il que vous donniez un pouvoir s’apparentant à un droit de veto à Israël alors que vous pouvez exercer votre droit à l’auto-détermination quand et où vous le désirez ?' », avait déclaré Sven Kühn von Burgsdorff.

Abbas a indiqué lundi qu’il avait déclaré à l’UE qu’il ne changerait pas de positionnement sur la question, accusant Bruxelles de « belles paroles » qui ne sont pas suivies d’effets.
« Ce sont des animaux », a continué le chef de l’AP.
Abbas avait annoncé que les élections étaient repoussées à une date indéterminée au mois d’avril 2021, citant le refus d’Israël d’autoriser le déroulement du scrutin à Jérusalem.
Toutefois, les analystes estiment que la décision prise par Abbas avait plutôt été liée aux divisions au sein du Fatah, le parti du chef de l’AP, et aux craintes de progrès considérables du groupe terroriste palestinien du Hamas si le vote devait avoir lieu. Aucune date n’a, depuis, été mise au calendrier.
Abbas avait accepté d’organiser des élections municipales en 2017 et 2021, même si Israël avait refusé tout scrutin à Jérusalem-Est.

Le Times of Israel a demandé, en vain, une réaction à trois haut-responsables de l’AP qui étaient présents lors de l’événement de lundi ainsi qu’au porte-parole d’Abbas.
Dans une déclaration publiée mardi par l’agence de presse officielle Wafa, Nabil Abu Rudeinah a affirmé que le président de l’AP a effectivement parlé de la question des élections, « affirmant la position palestinienne officielle de les organiser dès que possible à Jérusalem-Est, mais il n’a insulté personne dans ses propos, et il n’a pas utilisé de mots insultants pour quelque parti que ce soit ».
« De telles informations relayées dans les médias israéliens s’inscrivent dans la continuité de la campagne féroce menée par les autorités d’occupation israéliennes contre les dirigeants palestiniens et le récit palestinien, qui fait son chemin aux États-Unis et dans le monde entier », a ajouté Abu Rudeinah.
Un compte-rendu émis par l’agence de presse officielle palestinienne, Wafa, a indiqué qu’Abbas avait informé les leaders américano-palestiniens « des développements dans les Territoires palestiniens occupés » et qu’il avait fait le point sur les efforts diplomatiques livrés par Ramallah concernant l’établissement d’un État palestinien, face à l’opposition israélienne.
Abbas a réaffirmé le positionnement de l’AP en faveur de la solution à deux États sur les lignes pré-1967 et il a remercié la communauté américano-palestinienne pour son soutien à la cause nationale, a ajouté Wafa, qui n’a nullement mentionné les propos tenus par l’AP à l’égard de l’UE.
Cette rencontre annuelle entre le chef de l’AP et les leaders américano-palestiniens, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, avait suscité une controverse déjà l’année dernière, lorsque le Times of Israel avait obtenu un enregistrement d’Abbas disant que le secrétaire d’État américain n’était qu’un « gamin » en raison de son incapacité à convaincre Israël de faire la paix.
Un sondage réalisé au mois de septembre 2021 avait révélé que 80 % des Palestiniens veulent la démission d’Abbas – qui est actuellement à la 19e année d’un mandat de quatre ans. Un nombre croissant de défenseurs de premier plan des Palestiniens affirment que ses propos publics et privés ont porté préjudice au mouvement national.