Certains membres du cabinet mal à l’aise avec l’intensification de la réforme
L'extrême-droite prend Netanyahu en otage et lui dit que l'avenir de la droite dépend de l'adoption du projet de loi sur le "caractère raisonnable"
Toute personne présente lors de la réunion du cabinet de dimanche, alors que les membres du gouvernement s’en prenaient tour à tour aux responsables du ministère de la Justice, pouvait constater que l’extrême-droite menait la discussion, reléguant quiconque envisageait même de rechercher un large consensus ou des négociations sur la réforme judiciaire – y compris le Premier ministre.
En tête du groupe, une fois de plus, se trouvait le ministre de la Justice Yariv Levin, l’homme à l’origine de cette discussion spéciale sur l’état de l’application de la loi contre les manifestations anti-gouvernement, et en particulier les accusations des ministres selon lesquelles la police ne faisait pas correctement respecter la loi contre les turbulents manifestants.
Levin a prononcé un long monologue lors de la réunion, une attaque visant essentiellement la procureure générale Gali Baharav-Miara, présente dans la salle, et contre la direction du parquet. D’autres ministres de droite ont participé, avec ferveur, à cette attaque collective, ce qui a terni les efforts de Netanyahu pour présenter la réunion comme un événement digne.
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Cette épisode extraordinaire, marqué par un discours tumultueux dont une grande partie a fuité dans la presse, n’a fait qu’aggraver la confrontation croissante entre le gouvernement et le système judiciaire, le pays étant déjà à ébullition en raison des efforts du gouvernement visant à réformer et affaiblir le pouvoir judiciaire.
« En plein milieu de la réunion du cabinet, je me suis demandé : ‘Qu’est-ce que je fais ici ?' », a déclaré un ministre au site Zman Yisrael, la version en hébreu du Times of Israel. « Même si je suis d’accord avec Yariv Levin, je me suis dit : ‘Oui, il y a des différences dans l’application de la loi et tout ça, mais nous sommes assis ici et nous déchirons le pays de nos propres mains, et je suis l’un des principaux acteurs’. »
Pour autant, Itamar Ben Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, est sorti jubilant de la séance.
Au cours du week-end, une rumeur s’est répandue selon laquelle Ben Gvir, chef du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit, aurait récemment consulté des rabbins pour savoir s’il devait rester au sein de ce gouvernement, ce qu’il a nié. Ben Gvir, qui considère la démission du chef de la police de Tel Aviv, Amichaï Eshed, la semaine dernière – déclenchant des manifestations de masse – comme une réalisation majeure, a déclaré que la discussion de dimanche avait été excellente et que le gouvernement était sur la bonne voie.
Suite au conflit entre le cabinet et la procureure générale, plusieurs ministres ont suggéré, une nouvelle fois, que Baharav-Miara soit renvoyée, et des rumeurs selon lesquelles Netanyahu aurait lui-même déclaré aux ministres qu’il envisagerait la question ont circulé, ce qu’il a nié.
Mais Baharav-Miara ne sera pas limogée. Le Premier ministre et les hauts responsables de son bureau sont d’accord là-dessus. Netanyahu sait que le renvoi de la procureure générale mettrait le feu aux poudres, peut-être à un degré encore plus important que lorsque des manifestations ont éclaté suite à sa décision – ultérieurement annulée – en mars de limoger le ministre de la Défense Yoav Gallant, après que ce dernier eut mis en garde contre la poursuite de la réforme telle qu’elle était alors. Pour les opposants au gouvernement, Baharav-Miara est considérée comme l’un des derniers remparts de l’intégrité démocratique encore existante.
Par ailleurs, le Bureau du Premier ministre a examiné la question et a conclu que le limogeage de la procureure générale nécessiterait une procédure longue et complexe, impliquant la convocation du comité de contrôle qui l’a nommée, la sollicitation d’un avis juridique, l’implication du ministre de la Justice, et bien plus encore. Personne n’a le temps pour cela maintenant.
Lundi , la Knesset doit voter sur le projet de loi controversé visant à empêcher les tribunaux d’utiliser l’outil judiciaire de la notion du « caractère raisonnable » pour les décisions gouvernementale, lors du premier des trois votes – qu’il doit passer pour devenir une loi. Ce projet de loi est devenu un sujet brûlant pour les opposants à la réforme, et les manifestants ont menacé de paralyser le pays avec des manifestations de grande ampleur.
Si cela ne dépendait que de Netanyahu, il repousserait le projet de loi sur le « caractère raisonnable » à la session d’hiver 2025, de même pour le reste de la réforme. Mais Netanyahu est prisonnier de forces puissantes au sein du Likud et d’autres partis de la coalition. Son entourage proche adopte également des positions militantes sur la question, lui disant récemment que le sort de la droite pour les générations à venir dépend de l’adoption de ce projet de loi.
« Si la droite n’adopte pas les limitations de l’outil judiciaire de la notion du ‘caractère raisonnable’ dans les deux prochaines semaines, dans leur forme la plus légère ; si nous cédons maintenant, au milieu du processus, c’en est fini de nous. Nous ne reviendrons pas au pouvoir, même dans 20 ans. La plupart de nos ministres pensent de même », a déclaré à Zman Israel un proche allié de Netanyahu dimanche.
Le projet de loi devrait passer facilement sa première lecture à la Knesset dans une forme générale éliminant la capacité de la Cour d’utiliser l’outil judiciaire de la notion du « caractère raisonnable » pour les décisions prises par les politiciens – et éventuellement, également celles des responsables municipaux. Avant les deuxième et troisième votes, il devrait être allégé de sorte que seul le Premier ministre et les ministres ne soient pas liés par le critère de « caractère raisonnable ».
Netanyahu espère ainsi limiter l’ampleur des protestations nationales. Les chances que cela se produise semblent faibles.
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