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Vote à la Knesset sur la loi concernant la notion juridique de « raisonnabilité »

Le premier des trois votes en plénière sur la législation interdisant aux juges de réexaminer le "caractère raisonnable" des décisions gouvernementales a lieu lundi après-midi

Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Les membres de la Knesset votant pour les candidats à la commission de sélection des juges, le 14 juin 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Les membres de la Knesset votant pour les candidats à la commission de sélection des juges, le 14 juin 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

La Knesset doit voter lundi un projet de loi controversé qui prévoit d’ôter aux juges la capacité de réexaminer le « caractère raisonnable » des décisions prises par les responsables élus dans le cadre du plan plus large de refonte du système judiciaire israélien qui est promu par le gouvernement.

La législation a été avancée à la hâte devant le Parlement afin d’être définitivement adoptée d’ici la fin de la session estivale de la Knesset, le 30 juillet. Le vote de lundi, devant les députés, sera le premier des trois votes requis en séance plénière.

Alors que la coalition parlementaire devrait facilement remporter le vote de ce texte de loi en première lecture, le mouvement de protestation né il y a six mois – après l’annonce, par le ministre de la Justice Yariv Levin, de son projet de réforme radicale du système judiciaire – a promis qu’il y aurait des manifestations massives mardi. Les protestataires bloqueront notamment des routes, envahissant l’aéroport Ben Gurion et les artères de circulation qui mènent à ce dernier.

Le texte bref de ce projet de loi interdit totalement aux juges d’utiliser la notion juridique de « raisonnabilité » pour invalider – voire pour discuter – des décisions prises par le cabinet, les ministres et « les autres responsables élus, tels qu’ils seront déterminés par la loi ».

Si le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait ordonné à son ministre de la Justice et au chef de la Commission de la Knesset qui a parrainé la législation « d’adoucir » son langage de manière à ne pas permettre aux mairies locales d’échapper au réexamen judiciaire de leurs décisions, la formulation du texte n’a finalement pas changé.

Le député Simcha Rothman, à la tête de la Commission de la Constitution, du droit et de la Justice, a précisé que le projet de loi ne s’appliquait pas aux maires mais il a refusé de supprimer la clause consacrée aux « autres officiels élus », ouvrant la voie à l’élargissement potentiel de la portée de la législation.

Le député Simcha Rothman à la Knesset de Jérusalem, le 29 mai 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Rothman a aussi été critiqué pour avoir précipité les discussions sur le texte, approuvant ce dernier pour sa première lecture après seulement cinq débats en Commission en l’espace de neuf jours.

Les membres de l’opposition et les experts invités par la Commission ont aussi protesté contre le fait que la coalition a fait avancer la loi sous la forme d’une législation parrainée par la Commission et non en tant que législation parrainée par le gouvernement – un choix inhabituel pour un amendement apporté à une Loi fondamentale. Les Lois fondamentales sont quasi-constitutionnelles en Israël.

Dans la mesure où le projet de loi est un amendement à la Loi fondamentale : le système judiciaire, il aurait dû être parrainé par le ministère de la Justice. Une procédure qui aurait toutefois nécessité plus de temps et qui aurait offert à la procureure-générale une occasion de le réexaminer.

Si le projet de loi passe l’épreuve de la première lecture – ce qui est prévu – Rothman devrait convoquer à nouveau la Commission, mardi, pour le préparer à sa deuxième lecture et à sa troisième lecture, qui sera la dernière.

La « raisonnabilité » est un outil judiciaire qui autorise les tribunaux à invalider les décisions gouvernementales et administratives qui, selon les juges, n’ont pas suffisamment pris en compte les problématiques particulières relatives à un sujet donné ou qui n’ont pas accordé un poids suffisant à certaines considérations – même si ces décisions mises en cause ne contreviennent pas à une loi ou qu’elles ne viennent pas contredire d’autres jugements administratifs.

Les partisans du projet de loi estiment que la notion juridique de « raisonnabilité » offre une possibilité d’intervention au système judiciaire qui est beaucoup trop large, lui permettant de s’immiscer dans les décisions prises par les élus et qu’en cela, elle permet à des magistrats non-élus de prendre le pas sur un gouvernement choisi par les Israéliens à l’occasion d’un vote démocratique.

Différentes propositions visant à limiter l’usage de la notion juridique avaient été réfléchies par des juristes et par les politiciens. Le texte présenté aujourd’hui par la coalition est le plus extrême et prévoit les limitations les plus drastiques.

Le juge à la Haute-cour Noam Sohlberg préside une audience sur une requête soumise par l’organisation Regavim et qui réclame l’évacuation du village bédouin de Khan al Ahmar, le 1er mai 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Les restrictions de l’usage de la « raisonnabilité » qui avaient été proposées par Noam Sohlberg, juge conservateur à la Cour suprême, avaient souvent été citées par la coalition mais le texte actuel va bien plus loin que celui du magistrat qui proposait de réduire les possibilités de contrôle, par les tribunaux, de certaines décisions prises dans des domaines politiques précis. Le président Isaac Herzog avait, lui aussi, proposé de limiter l’utilisation de la notion juridique de « raisonnabilité dans le cadre d’une série de réformes du système de la justice généralisées, mais pas en tant que mesure indépendante.

La coalition, de son côté, affirme que l’opposition était prête à trouver un accord sur le sujet de la « raisonnabilité » dans le cadre des négociations entreprises entre les deux parties – des pourparlers qui sont depuis gelés. Une affirmation qui est rejetée par l’opposition, qui explique ne jamais avoir trouvé d’arrangement et qui rappelle qu’elle ne donnera pas son approbation sporadique à des changements intervenant dans le système judiciaire.

Rothman s’était appuyé sur des travaux antérieurs réalisés par l’expert en droit, Yoav Dotan, pour faire accepter son projet de loi. Toutefois, Dotan a indiqué aux membres de la Commission que ses travaux avaient été détournés pour promouvoir une loi bien plus radicale que ce qu’il aurait souhaité voir mis en place – des propos tenus la semaine dernière, peu avant l’approbation par la Commission du texte de loi en vue de sa première lecture.

Dotan a notamment déclaré que la proposition actuelle était « très problématique » et qu’il serait « très dangereux de jeter le bébé avec l’eau du bain » en abandonnant totalement l’usage du test de « raisonnabilité ».

Yoav Dotan, professeur de droit public et ancien doyen de la faculté de droit à l’université hébraïque de Jérusalem. (Autorisation : Université hébraïque de Jérusalem)

Il a suggéré de limiter le réexamen judiciaire à l’aune de la « raisonnabilité » en en excluant simplement les décisions prises par le cabinet, ajoutant que cette notion juridique était un levier important concernant les décisions susceptibles d’être prises par les ministres.

« Il n’y a aucune raison d’offrir aux ministres une immunité totale face au contrôle de la Haute-cour », a-t-il estimé.

Le professeur, qui enseigne à l’Université Hébraïque de Jérusalem, a par ailleurs expliqué que si cette proposition devait aller de l’avant, ce sont de nombreuses décisions prises dans le secteur public qui pourront échapper au réexamen judiciaire « parce que à coup, il s’avèrera que toutes les décisions proviendront du ministre ».

« Trouver des moyens pratiques de transformer toutes les décisions en décisions ministérielles, c’est ce qu’il y a de plus facile au monde », a-t-il averti.

Le Bureau de la procureure générale a aussi fustigé la législation, disant qu’elle ouvrira la porte à des décisions « arbitraires ».

« Ce que nous avons en face de nous, c’est le feu vert donné au gouvernement, au Premier ministre, aux ministres et autres responsables élus – à eux seulement – en faveur de prises de décision arbitraires qui ignoreront les faits pertinents, les considérations nécessaires ou qui donneront un poids très exagéré à des considérations par ailleurs négligeables », a accusé Limon.

A la fois au cœur des initiatives prises par le gouvernement et de la colère des manifestants, la législation est considérée comme la première phase d’un effort plus large visant à affaiblir le contrôle exercé par les juges sur le pouvoir politique.

Des Israéliens protestant contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement, devant la résidence présidentielle, à Jérusalem, le 8 juillet 2023. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

Une question encore bien plus clivante dans ce conflit est celle de l’influence que les politiciens doivent avoir sur la nomination des juges. Pendant la session parlementaire hivernale, la coalition prévoit de présenter un projet de loi qui renforcera le contrôle exercé par les politiques sur la désignation des juges de tout le pays. Elle affirme que les représentants élus doivent pouvoir choisir des magistrats idéologiquement divers tandis que l’opposition et les protestataires estiment, de leur côté, qu’une telle initiative porterait atteinte à l’indépendance de la justice.

Mercredi, la Knesset devrait choisir, lors d’un vote, son deuxième représentant au sein de la Commission de sélection judiciaire même si le ministre de la Justice, Yariv Levin, a laissé entendre qu’il ne comptait pas réunir le panel sous sa forme actuelle – le pouvoir de ses membres est actuellement divisé entre politiciens et représentants du système de la justice.

Jeremy Sharon a contribué à cet article.

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