Ces malades qui récitent le Kaddish dans les hôtels de quarantaine
Pleurant leurs morts du coronavirus, sans shiva normale, les Juifs qui ont perdu un proche, partout dans le monde, se tournent vers les hôtels israéliens où des malades prient
Alors que les shiva traditionnelles sont interdites, les Juifs du monde entier se tournent vers les synagogues réservées aux personnes qui ont été testées positives au coronavirus pour qu’elles fassent le deuil en leur nom.
« Nous avons en permanence des requêtes qui viennent de tout le monde juif et qui nous demandent de réciter le kaddish pour des personnes décédées des suites du coronavirus », explique Elazar Cohen, qui prie dans l’une des quelques synagogues dans le monde juif – entre les murs d’un hôtel de quarantaine en Israël.
Le Kaddish, ou la prière du deuil, se prononce traditionnellement dans le cadre d’un quorum de 10 hommes – le minyan – mais la majorité des services communautaires, en Israël et dans le monde, ont cessé dans le cadre des initiatives prises pour stopper la propagation de la maladie.
Nachum, un autre fidèle qui n’a pas voulu que son nom de famille soit publié, a expliqué que « nous formons l’un des seuls minyanim conforme à la tradition et nous avons donc le sentiment d’avoir une grande responsabilité – nous faisons cela pour tout le peuple d’Israël ».
L’Etat juif a transformé plusieurs hôtels en centres hébergeant des malades du coronavirus présentant des symptômes légers et dans la mesure où tous ont été testés positifs à la maladie, les patients sont autorisés à se mélanger. Et parce qu’ils sont appelés à rester ensemble – la loi leur interdit de quitter l’hôtel – ils prient également côte à côte.

Cohen, un jeune homme de 22 ans originaire d’Ashkelon, testé positif au COVID-19 à son retour de New York où il faisait des études au siège du mouvement ‘Habad, est actuellement hébergé à l’hôtel Prima Palace de Jérusalem, en compagnie de 120 autres malades.
Les fidèles, à la synagogue de l’hôtel, ont entre les mains de longues listes de noms reçus depuis tout le territoire de l’Etat juif et de la diaspora, et ils prient pour eux – comme c’est également le cas dans certains autres hôtels israéliens.
« J’ai un ami à l’hôtel qui a une liste comportant environ 1 000 noms de personnes pour lesquelles il récite le kaddish », note Cohen, qui ajoute qu’il y a, parmi ces noms, des victimes du coronavirus, des personnes décédées au cours de ces derniers mois et d’autres.
Les Juifs pratiquants doivent dire le Kaddish dans le cadre d’un minyan au cours des prières quotidiennes, dans la première année qui suit la mort de leur proche puis, chaque année, à la date-anniversaire du décès.
Dans certains pays, le principe de funérailles en présence d’une assistance réduite a été institué, ce qui ne permet pas le rassemblement d’un quorum de prière. Dans d’autres Etats, le quorum est possible lors de la cérémonie d’inhumation mais lorsque les familles retournent chez elles pour suivre la période de shiva, il leur est interdit de recevoir suffisamment de personnes pour la prière communautaire.
Ainsi, tandis que certains s’appuient sur des avis rabbiniques qui permettent la récitation du Kaddish lors d’un service sur internet ou qui autorisent les voisins à répondre « Amen » depuis leurs balcons, ce sont des milliers de personnes qui remplissent actuellement les formulaires qui ont été mis en ligne par les occupants des hôtels de quarantaine, offrant de dire la prière du souvenir en leur nom.
Dans ces hôtels, le Kaddish est habituellement récité lors des trois ou quatre services quotidiens mais il y a également des requêtes déposées en urgence, une fois les prières du jour terminées, pour des familles qui viennent tout juste d’inhumer leurs être chers.
« Des gens ont appelé depuis New York à minuit et nous avons rassemblé un minyan spécial pour eux », explique Cohen. « Cela arrive pratiquement toutes les nuits ».
Nachum, un autre étudiant revenu en Israël après avoir quitté le siège du mouvement ‘Habad de New York et qui effectue également sa quarantaine au Prima Palace, a noté que les fidèles, dans les hôtels, ne portaient pas seulement les deuils du monde juif – mais qu’ils étaient amenés également à se réjouir. Il leur a été demandé de réciter la prière « Mi sheberach » pour bénir la naissance de petites filles et leur donner un nom.
Il y a même eu des danses au Prima Palace, la semaine dernière, pour célébrer l’anniversaire de feu le rabbin loubavitch Menachem Mendel Schneerson. Afin de garantir qu’il y aurait suffisamment de matériels pour se prêter à l’étude des textes religieux, une camionnette spéciale transformant une imprimante est venue à l’hôtel.
Alors que les résidents en quarantaine de ces hôtels peuvent prier ensemble parce qu’ils ont tous été testés positifs au coronavirus, sur au moins une base de l’armée, les prières communautaires sont autorisées pour la raison contraire – la certitude que personne n’a été touché par le COVID-19.
Sur la base Netzach Yehuda du bataillon ultra-orthodoxe Nahal Haredi, le feu vert a été donné aux soldats qui peuvent dorénavant prier ensemble après avoir passé plus de deux semaines complètement isolés. Personne n’a montré de symptômes du coronavirus au cours de cette quarantaine.
Les soldats, pendant les services, disent le Kaddish pour tous ceux qui le demandent. Un parachutiste commémore sa grand-mère. « Au cours des dernières semaines, j’étais perdu parce que je ne pouvais pas réciter le Kaddish pour ma mère », explique Shmuel Schwartz. « Puis mon âme s’est immédiatement réjouie lorsque mon fils m’a dit qu’il réciterait le Kaddish pour ma mère dans son unité. J’ai ressenti un tel soulagement, un tel réconfort de savoir que ma mère serait honorée convenablement pendant cette période de deuil ».