Cet éditeur de livres d’art qui veut transmettre ce que les artistes ont à dire
Ian Sternthal, de Sternthal Books, réfléchit sur le monde limité du livre d'art en Israël, alors même que le salon du livre d'art In Print ouvre ses portes à Jérusalem
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

La quatrième édition du salon du livre d’art In Print a ouvert ses portes mercredi à la Hansen House, à Jérusalem, célébrant la fusion du texte et de l’art sous la forme du livre. Il se terminera vendredi.
Parmi les dizaines de participants au salon, Ian Sternthal de Sternthal Books, une maison d’édition locale de livres d’art qui utilise l’imprimerie, le film et les médias numériques et qui présente habituellement ses ouvrages dans les salons du livre européens.
Sternthal explique que s’il prend généralement part à des événements à l’étranger, il reste un amateur de la première heure du salon In Print, qui a été lancé par deux américano-israéliennes, Jenna Romano et Danielle Gorodenzik. Il se réjouit de leur entrée sur la scène artistique israélienne qui forme une communauté soudée.
« C’est un monde qui est dominé par des acteurs puissants et par beaucoup d’argent et ce salon qui a été créé par Jenna et Danielle a une forte résonnance avec ce que j’ai moi-même vécu », dit-il. « J’ai toujours été un peu marginal et c’est ce qui explique pourquoi j’ai pris place dans un paysage dominé par des institutions beaucoup plus importantes ».
Le monde israélien des livres d’art devrait réfléchir à des changements, explique Sternthal. Pour commencer, il déplore que le musée d’art de Tel Aviv et que le musée d’Israël ne distribuent pas les livres de la maison d’édition dans leurs boutiques.
« Il y a énormément de choses que j’espère voir changer ici. C’est un peu comme le monde politique », confie Sternthal. « Il y a des acteurs très puissants qui ont tendance à le dominer, à privilégier leur image. Mais le nombre de personnes travaillant avec peu de ressources, le nombre incroyable d’artistes et la portée de leurs activités sont incroyables ».

Il s’enthousiasme à l’idée de collaborer avec les artistes. Un grand nombre suppose souvent que publier un livre ne nécessite qu’un travail d’imprimerie mais le processus de publication « ne marque que le début du livre », précise-t-il. « Mon rôle est de réfléchir sur la manière de communiquer sur les processus complexes que traversent les artistes et auxquels nous ne pensons pas souvent ».
Sternthal, qui est originaire de Montréal, au Canada, est entré dans le monde de l’édition de livres d’art grâce à un livre qu’il avait commencé à écrire lorsqu’il était étudiant de troisième cycle, à la suite d’une période passée en Israël. Il compare une partie de sa propre expérience « de gamin homo qui a grandi à Montréal » à Theodor Herzl et à son livre « Altneuland : Terre ancienne, Terre nouvelle » que le fondateur du sionisme politique moderne avait écrit lorsqu’il avait eu le sentiment qu’il n’était pas pris au sérieux.
Et tandis que le premier ouvrage de Sternthal n’a finalement jamais pu être publié, il a ainsi pu s’introduire dans un cercle de plusieurs dizaines d’artistes israéliens qui avaient tous leurs propres idées sur différents livres d’art.
Il a ensuite transformé Sternthal Books en maison d’édition niche utilisant l’imprimerie, la vidéo, les médias numériques et la culture du virtuel en Israël, en se focalisant sur la vie au sein de l’État juif. Pour chaque livre d’art publié, il réalise aussi un film. Il a publié 30 ouvrages jusqu’à présent.
« Il n’y a aucun éditeur réel de livre d’art ici alors il y a une ouverture commerciale », affirme Sternthal.
Si les livres d’art sont des niches par définition, qui font la promotion du travail d’un artiste et qui sont généralement édités à faible tirage, ils sont toutefois plus pertinents que jamais, note Sternthal.
Le monde de l’édition a aussi changé, fait-il remarquer, avec des avancées technologiques qui rendent plus facile la production des livres dont le nombre d’impressions reste modeste.
« Alors que nous vivons dans un monde plus numérique que jamais, les livres n’en deviennent que plus pertinents », estime-t-il. « L’expérience d’ensemble des écrans, le fait de n’avoir des rencontres très superficielles avec plein de choses différentes… Tenir un livre entre ses mains, c’est quelque chose de très particulier ».
Les livres d’art ne sont pas une industrie lucrative, ajoute Sternthal, mais « les gens doivent pouvoir raconter des histoires au sujet d’eux-mêmes ».
Le salon du livre d’art In Print est à découvrir mercredi et jeudi après-midi et dans la soirée et vendredi matin, avec des lancements de livres, des remises de prix et des débats. Pour plus de renseignements, rendez-vous sur le site internet d’In Print.