Washington, l’ONU et l’UE fustigent les projets de logements dans les implantations
Le département d'État a condamné l'annonce de l'approbation de 4 500 logements et celle de la promotion de Smotrich, devenu responsable des politiques régissant les implantations
Le département d’État américain s’est dit, dimanche, « profondément troublé » par les initiatives qui ont été prises par Israël dans le but de renforcer de manière significative les constructions dans les implantations de Cisjordanie qui, selon Washington, restent « des obstacles à la paix ».
Cela fait longtemps que l’administration Biden critique Israël pour ses politiques en Cisjordanie. Toutefois, la décision prise par les États-Unis de diffuser un communiqué en cours de week-end, plutôt que d’attendre que la question soit soulevée lors d’une conférence de presse pendant la semaine, souligne un fort sentiment de frustration du côté de Washington qui a averti Jérusalem que de telles initiatives compliquaient de manière importante les efforts livrés par l’administration américaine pour travailler sur des questions d’intérêt mutuel – comme peut l’être, par exemple, la normalisation des relations avec l’Arabie saoudite.
Dans la matinée, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, avait annoncé que l’instance chargée d’autoriser les constructions dans les implantations, au sein du ministère de la Défense, avait diffusé son ordre du jour pour des réunions prévues la semaine prochaine – des rencontres qui permettront de faire avancer les plans de construction de 4 560 nouvelles habitations en Cisjordanie. Une majorité d’entre elles seront construites dans des communautés juives situées dans les profondeurs de la Cisjordanie, à l’Est de la barrière de sécurité, compliquant encore les efforts livrés pour créer un état palestinien contigu et stable.
Quelques heures plus tard, le gouvernement s’est prononcé en faveur d’une résolution controversée qui offre à Smotrich, résident d’implantation lui-même et fervent défenseur du mouvement nationaliste, pratiquement toute l’autorité nécessaire pour approuver les constructions envisagées dans les implantations de Cisjordanie.
La décision prise lors de la réunion du cabinet, dimanche matin, une décision qui était à effet immédiat, a également permis d’accélérer et de faciliter la procédure entourant l’élargissement des implantations existantes en Cisjordanie et celle qui concerne la légalisation rétroactive des avants-postes illégaux.
Selon la résolution – qui a pris la forme d’un amendement apporté à une décision gouvernementale datant de 1996 – une seule et unique approbation du ministre de la Défense remplacera les nombreuses phases d’autorisation qui étaient nécessaires jusqu’à présent pour les plans-directeurs portant sur la désignation de l’usage des terres.
Et conformément à un accord antérieur, cette approbation sera dorénavant accordée par Smotrich en tant que ministre subalterne au sein du ministère de la Défense, chargé des affaires des implantations.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu parle de plus en plus du droit historique d’Israël à s’installer sur le territoire de la Cisjordanie et il cherche aussi à apaiser ses partenaires de coalition ultra-nationalistes, après que le projet de refonte du système judiciaire israélien lancé par sa coalition est tombé dans l’impasse. Il espère que les États-Unis se contenteront de déclarations de condamnation tout en continuant de négocier un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, dans la mesure où un tel accord serait également une réussite politique déterminante en matière d’affaires étrangères pour le président américain Joe Biden.
Toutefois, les initiatives prises par Jérusalem viennent encore tendre des relations déjà difficiles avec la Jordanie, l’Égypte et l’Autorité palestinienne (AP), sur laquelle l’État juif compte pour maintenir un certain niveau de stabilité au-delà de la Ligne verte. Les alliés plus récents d’Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc, se sont abstenus de critiquer trop durement les politiques pro-implantations – en comparaison avec ce qu’ils ont pu considérer comme des initiatives « incendiaires » de la part du gouvernement Netanyahu à Jérusalem – mais les tensions en Cisjordanie sont encore considérées comme empêchant tout nouveau réchauffement dans les liens entretenus par Israël avec le monde arabe.
Dans un communiqué émis en réponse aux deux initiatives prises par le gouvernement israélien, le département d’État a souligné, lundi, que les États-Unis étaient « profondément troublés » par la décision prise de donner le feu vert à de nouvelles constructions dans les implantations et qu’ils étaient aussi « profondément inquiets » face à la résolution conséquente qui a été adoptée par le cabinet.
« Conformément à sa politique de longue date, les États-Unis s’opposent à de telles actions unilatérales qui rendent la solution à deux États plus difficile à réaliser et qui sont un obstacle pour la paix », a noté le communiqué.
« Nous appelons le gouvernement d’Israël à tenir les engagements pris à Aqaba, en Jordanie et à Sharm El Sheikh, en Égypte, et à revenir au dialogue en vue d’une désescalade », a continué le département d’État.
Lors des rencontres qui avaient eu lieu à Aqaba et à Sharm el-Sheikh, les représentants israéliens et palestiniens présents s’étaient engagés à prendre des initiatives visant à apaiser les tensions dans un contexte de violences, en Cisjordanie, qui devenaient de plus en plus intenses. Jérusalem avait notamment promis de ne plus faire avancer de plans de nouvelles constructions dans les implantations pendant quatre mois et de ne pas procéder à la légalisation de nouveaux avant-postes pendant six mois.
Alors que la communauté internationale considère toutes les implantations comme illégales, Israël fait la différence entre les maisons construites avec l’autorisation du ministère de la Défense sur des terres appartenant à l’État et les avant-postes édifiés sans les permis nécessaires et souvent sur des terres appartenant à des Palestiniens.
La réunion du ministère de la Défense qui aura lieu la semaine prochaine, et qui déterminera l’avancée de nouveaux plans de construction, a été organisée alors que le moratoire de quatre mois vient de se terminer. Juste avant qu’il ne commence, Israël avait donné le feu vert à la construction de 10 000 nouvelles maisons – un chiffre record en une seule séance – et avait légalisé au moins neuf avant-postes.
Israël déclare n’avoir pas contrevenu, en théorie, aux engagements pris à Aqaba et à Sharm el-Sheikh – mais le pays a approuvé des constructions à Jérusalem-Est et il a également transféré une yeshiva située dans le nord de la Cisjordanie de manière illégale, ouvrant la voie à la légalisation de l’avant-poste de Homesh.
L’AP a annoncé en réponse, dimanche, qu’elle boycotterait une réunion économique prévue avec Israël lundi. Cette réunion de la commission des Affaires économiques, mise en place dans le cadre des Accords d’Oslo et qui devait rassembler des représentants du secteur des finances des deux parties en lice, aurait été la première depuis 2009 et cela faisait plus d’un an que l’administration Biden tentait de la mettre en place.
Israël fait habituellement avancer les plans des nouvelles constructions dans les implantations tous les trois ou tous les six mois, en fonction de l’intensité des pressions internationales. L’État juif a indiqué aux responsables américains, la semaine dernière, qu’une telle réunion aurait encore lieu à la fin du mois.
Au début du mois de juin, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait reporté son projet de faire avancer un plan de construction très controversé dans la Zone E1 de la Cisjordanie en raison des pressions exercées par les États-Unis. La décision prise de mettre en avant des milliers de nouvelles habitations dans les implantations israéliennes semble entrer dans le cadre d’une initiative visant à apaiser les partenaires de coalition du Premier ministre.
Les États-Unis avaient cherché à organiser une troisième rencontre entre des officiels israéliens, palestiniens, égyptiens et jordaniens dans le but de prolonger la promesse, par les parties en lice, de ne pas prendre de mesures unilatérales. Aucune date n’a toutefois été fixée pour un tel sommet.
La volonté de l’Égypte et de la Jordanie d’accueillir une autre rencontre a disparu, étouffée par la frustration entraînée par les décisions liées aux implantations qui ont été prises depuis les rencontres d’Aqaba et de Sharm el-Sheikh, avait confié un haut-responsable arabe au Times of Israel, au début du mois.
Les approbations qui seront données la semaine prochaine à de nouvelles constructions pourraient aussi entraver les efforts visant à organiser un deuxième sommet ministériel dans le cadre du Forum du Néguev. Une seconde édition devait avoir lieu au Maroc au mois de mars, mais le projet ne s’est jamais concrétisé sur fond de tensions croissantes entre Israéliens et Palestiniens et face au profond malaise suscité par le gouvernement israélien de la ligne dure à Rabat.
Ce sera la deuxième fois que la sous-commission de Haute-planification fait avancer des plans de construction dans les implantations depuis l’arrivée du gouvernement de droite, d’extrême-droite et religieux, le 29 décembre dernier. Quand elle avait donné son feu vert à 10 000 nouvelles maisons, au mois de février dernier, elle avait suscité l’indignation à l’international et l’initiative avait aussi fait l’objet d’une condamnation du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’émissaire de l’ONU pour le Proche-Orient Tor Wennesland s’est cette fois inquiété lundi d’un assouplissement de la procédure permettant le développement de la présence israélienne en Cisjordanie occupée.
« Je suis profondément inquiet de la décision prise hier (dimanche, NDLR) par le gouvernement israélien de changer la procédure de planification en place depuis 1996, mesure qui devrait accélérer l’expansion des colonies » en Cisjordanie, déclare le diplomate norvégien dans un communiqué diffusé par son bureau.
Wennesland a rappelé la position de l’ONU selon laquelle « l’établissement par Israël de colonies dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucune validité légale et constitue une violation flagrante du droit international ».
Réitérant une position semblable, l’Union européenne, manifestant son « inquiétude » à propos de la décision du gouvernement israélien et des projets en cours pour plus de 4 000 logements, a rappelé son « opposition ferme et de longue date à la politique de colonisation israélienne ».
Un haut responsable israélien a indiqué à l’AFP que le gouvernement israélien avait décidé dimanche « de réduire les procédures administratives superflues dans le processus d’autorisation de constructions nouvelles ». Néanmoins, la décision de délivrer les permis de construire des logements dans les implantations reste soumise à l’autorisation du Premier ministre, a précisé cet officiel.
Shlomo Neeman, président du Conseil de Yesha, principale organisation représentant les résidents des implantations, a salué la décision gouvernementale qui, selon lui, va « corriger une injustice historique et renforcer la souveraineté israélienne dans cette zone ».
L’annonce faite dimanche est survenue alors que la secrétaire-adjointe américaine, Barbara Leaf, est arrivée en Israël. Elle prendra part à des discussions diplomatiques avec des responsables de Jérusalem, de Ramallah et d’Amman. Au menu des entretiens, les tensions en Cisjordanie, les Accords d’Abraham et la menace nucléaire iranienne.