Commémorations des 75 ans du massacre de juifs de Jedwabne – sans les Polonais
De 340 à 1 500 Juifs ont été tués, le 10 juillet 1941, par des Polonais sous l'instigation des Allemands, selon une enquête de 2003 par l'IPN
Quelques centaines de personnes ont participé dimanche aux commémorations du 75e anniversaire du massacre de centaines de juifs de Jedwabne (nord-est), brûlés vifs dans une grange par leur voisins polonais, selon l’agence PAP.
Selon divers historiens, de 340 à 1 500 Juifs ont été tués dans ce massacre commis le 10 juillet 1941.
Celui-ci a été perpétré par des Polonais sous l’instigation des Allemands, selon les conclusions d’une enquête réalisée en 2003 par l’Institut polonais de la mémoire nationale (IPN).
Les participants des cérémonies, dont le grand rabbin de Pologne Michael Schudrich, la vice-ambassadrice d’Israël en Pologne, Ruth Cohen-Dar, ainsi que des représentants des autorités polonaises, ont participé à des prières et déposé des gerbes devant le monument aux victimes du massacre.
Les habitants de Jedwabne n’ont pas participé aux cérémonies, selon l’agence PAP. Le maire de Jedwabne n’a pas assisté à l’événement, citant des engagements antérieurs. D’après Henryk Zandek, 90 ans, un non-Juif qui a vécu à Jedwabne pendant des années après la Seconde Guerre mondiale, aucun habitant de la ville ne s’est rendu à la commémoration.
Des prénoms, des noms de famille, ainsi que les métiers des juifs habitant Jedwabne avant juillet 1941 ont été lus publiquement.
Ces cérémonies sont une « prière et réflexion communes » sur ce qui s’est passé à cet endroit il y a 75 ans, a déclaré lors des cérémonies Anna Chipczynska, présidente de la communauté juive de Varsovie, citée par PAP.
« Inspirés par les Allemands, les Polonais ont tué leurs voisins juifs. Jedwabne est devenu malheureusement un exemple du mal et de l’antisémitisme », a déclaré, quant à elle, la diplomate israélienne.
Elle a rappelé également les récentes commémorations du pogrom de Kielce, dans le sud de la Pologne où le 4 juillet 1946, plus d’un an après la défaite du nazisme, les militaires polonais, des policiers et des ouvriers avaient massacré une quarantaine de juifs.
En évoquant ces deux anniversaires, « il est impossible de ne pas se souvenir des milliers de nobles Polonais qui, dans la nuit cruelle de la Deuxième guerre mondiale, ont sauvé la vie à leurs voisins juifs ou à des inconnus, tout en risquant la vie de leurs proches », a-t-elle ajouté.
Connu des historiens, le massacre de Jedwabne a été révélé au grand jour en 2000 par l’historien américain d’origine polonaise Jan Tomasz Gross dans son livre « Les voisins », provoquant un grand choc psychologique en Pologne.
Le bilan de l’Holocauste de Jedwabne était peu connu jusqu’à il y a 15 ans, a rapporté le grand rabbin de Pologne, Michael Schudrich, à JTA lors de cet événement.
Dans un pays où les nazis ont tué 3 millions de Polonais non-juifs, ainsi que 3 millions de Juifs, « certains ont trouvé, et certains trouvent toujours qu’il est difficile d’accepter la vérité très amère » au sujet de Jedwabne, a expliqué Schudrich. Mais les sondages suggèrent qu’aujourd’hui près de la moitié des Polonais acceptent le rôle de leurs compatriotes dans le massacre, a noté Schudrich.
En 2001, le président polonais de l’époque Aleksander Kwasniewski avait demandé pardon « au noms de tous les Polonais » pour ce massacre.
Jonathan Greenblatt, le directeur général de la Ligue anti-diffamation (ADL), a également assisté à la cérémonie de dimanche dans la ville de Jedwabne. L’histoire de la ville est controversée en Pologne car elle implique la complicité dans l’Holocauste des membres d’une nation que de nombreux habitants perçoivent avant tout comme victimes de l’occupation nazie.
Rendre hommage aux victimes de Jedwabne « enracine notre travail, qui consiste à lutter contre l’antisémitisme, le fanatisme et le racisme », a déclaré Greenblatt.
Ichak Lewin, un survivant âgé de 85 ans et qui vit en Israël, était en larmes lorsqu’il a rappelé comment l’ensemble de la population juive de son village près de Jedwabne a été « emmené dans la grange et brûlé vif ». Avertie par les habitants, sa famille a échappé à la rafle en s’enfuyant dans les bois à proximité, où une famille polonaise les a cachés. Lewin a raconté que par la suite, il a travaillé dans une cuisine de l’armée allemande.