Condamnations en chaîne après les tweets de Trump contre des députées démocrates
Trump est aussi accusé par les Juifs libéraux d'avoir instrumentalisé Israël pour défendre ses tweets racistes, dans lesquels il disait à des démocrates de couleur de repartir

WASHINGTON — Lorsque le président américain Donald Trump a dit à quatre nouvelles membres du congrès libérales – toutes des femmes de couleur – de « retourner » d’où elles venaient et de quitter les Etats-Unis, il a, de manière prévisible, suscité l’indignation et a été accusé d’attiser les tensions raciales.
Et après que le président de la chambre américaine a défendu cette « équipe progressiste » – telle qu’elle est souvent définie – constituée des députés démocrates Alexandria Ocasio-Cortez de New York, Rashida Tlaib du Michigan, Ilhan Omar du Minnesota et Ayanna Pressley du Massachusetts — le président a redoublé des attaques que l’ADL (Anti-Defamation league) et autres ont considéré comme racistes.
Ce faisant, il a introduit un sujet qui paraissait jusqu’à présent hors de propos.
« C’est tellement triste de voir les démocrates défendre des gens qui parlent si mal de notre pays et qui, en plus, haïssent Israël avec une passion si vraie et si débridée », a écrit Trump sur Twitter.
Tandis que ces députées ont pu, en effet, critiquer bien davantage l’Etat juif que d’autres membres de leur parti, plus traditionnels, les Juifs libéraux ont estimé que l’insertion de la question israélienne dans la mêlée était une tentative d’utiliser l’Etat juif comme arme pour renforcer l’opposition contre le quatuor.
« Il transforme en arme le soutien à Israël », a estimé Aaron Keyak, démocrate vétéran à la tête de Bluelight Strategies, une firme de conseil de Washington. « Amener Israël sur une question qui n’est liée en rien en Israël : c’est ainsi qu’on peut dire qu’il transforme en effet ce pays en arme. »

Et il est impossible d’ignorer le racisme sous-jacent de ses tweets », a expliqué Keyak au Times of Israël, qualifiant les déclarations de Trump de « continuation des attaques nativistes » à l’encontre de l’ex-président Barack Obama.
Les quatre membres du congrès sont citoyennes américaines et seule Omar est née à l’étranger.
Amanda Berman, à la tête du Zioness Movement, une organisation sioniste progressiste, a pour sa part estimé que les propos de Trump pouvaient attiser un antisémitisme déjà en recrudescence aux Etats-Unis.
« Il ne comprend pas le défi fondamental de la communauté juive dans la lutte contre l’antisémitisme », a-t-elle déclaré au Times of Israël. « Les gens aiment se dire que les Juifs sont des blancs privilégiés qui sont incapables de s’engager dans des batailles intersectionnelles ou dans des espaces de justice sociale. Lui contribue de manière très substantielle à ce type de dialogue, qui est en soi antisémite. Et il l’attise en reliant Israël à ses propres tweets suprématistes blancs qui attaquent des membres de couleur du Congrès. »
Brian Schatz, sénateur démocrate de Hawaï, a écrit sur Twitter que les commentaires de Trump « ne viennent pas en aide à Israël ».
« Je me suis montré très poli à ce sujet et cela a été aussi le cas de d’autres Juifs américains. Mais il faut véritablement que vous nous laissiez à l’écart de vos bavardages racistes. Vous ne nous venez pas en aide, vous ne venez pas en aide à la société, vous ne venez pas en aide en Israël. Votre racisme vous appartient et nous ne sommes pas votre bouclier », a-t-il écrit dans sa publication.
Don’t use Israel politics to obscure or excuse racism. Thanks!
— Brian Schatz (@brianschatz) July 15, 2019
D’autres groupes Juifs, comme J-Street, ont fustigé les tweets du présidents, les qualifiant de xénophobes et fanatiques, et ils ont indiqué qu’ils visaient selon eux à étouffer le débat sur la politique américaine dans le conflit israélo-palestinien.
« Nous refusons de permettre à la réelle menace qu’est l’antisémitisme d’être instrumentalisée et exploitée par ceux qui, eux-mêmes, endossent une grande partie de la responsabilité des violences nationalistes blanc et antisémites dans ce pays », a écrit l’organisation libérale dans un communiqué. « Nous refusons de permettre à de fausses accusations ‘anti-Israël’ de réduire au silence le débat important sur un conflit de politique étrangère et sur la critique légitime des politiques du gouvernement israélien. »
L’ADL (Anti-Defamation League), qui a âprement critiqué les positionnements exprimés par les quatre députés sur Israël, a condamné le président pour des propos que le groupe a considéré comme racistes et susceptibles d’endommager le soutien bipartisan à l’Etat juif.
« En tant que Juifs, nous sommes tous déjà trop familiers de ce type de préjugé clivant », a commenté Jonathan Greenblatt, directeur-général de l’ADL. « Tandis que l’ADL a publiquement affiché son désaccord avec ces députées sur certaines questions, le président se fait l’écho des sujets de conversation des nationalistes blancs et utilise avec cynisme le peuple juif et l’Etat d’Israël comme bouclier pour redoubler ses attaques. »
« Politiser le soutien large et bipartisan pour Israël et lancer des accusations d’antisémitisme est nuisible à la sécurité d’Israël et à la communauté juive », a-t-il ajouté. Il devrait montrer l’exemple : Cesser de politiser ces questions et cesser de diffamer des membres du congrès. »
Il est vrai que pour les groupes juifs et les députés des deux côtés du spectre politique, les propos tenus de manière plus générale par Trump à l’égard des quatre femmes ont suscité un tollé.
Halie Soifer, directrice du Jewish Democratic Council of America, a pour sa part qualifié Trump de « raciste en chef » dans un communiqué dénonçant les publications du président américain.
Abraham Foxman, ancien directeur de longue date de l’ADL, a estimé que les tweets reprenaient « l’un des préjugés xénophobes les plus anciens, tel qu’il est exprimé par les fanatiques de notre pays ».
Pour sa part, l’AJC (American Jewish Committee) a fait l’éloge de la diversité en réponse à Trump.
« Nous pouvons très certainement avoir des débats politiques dans ce pays sans recourir à des tirs à l’aveugle contre les identités ou les origines de nos opposants », a dit l’organisation.
Le centre Simon Wiesenthal a écrit sur Twitter que « tous les Américains viennent de quelque part. Il est temps que tout le monde, à Washington, abandonne la politique identitaire », ajoutant le hashtag « racisme ».
Bend The Arc a qualifié Trump de « raciste et suprématiste blanc » et le groupe a critiqué les Républicains qui n’ont pas condamné ses propos.

Le leader de la minorité au Sénat, Chuck Schumer, représentant démocrate de New York, a demandé sur Twitter : « Le silence des républicains au sujet du racisme de Donald Trump est-il signe d’approbation ou d’embarras ? »
Pour sa part, le représentant démocrate du Vermont, Bernie Sanders, a déclaré que l’occupant de la Maison-Blanche était un « menteur, un fraudeur, une personnalité narcissique et un harceleur ».
Pour la démocrate Elissa Slotkin du Michigan, les propos tenus par Trump sont « racistes et haineux ».
« Dire à des femmes américaines de couleur de retourner dans leur pays est fondamentalement non-Américain », a-t-elle écrit sur Twitter.
Le représentant démocrate de New York, Eliot Engel, a également condamné ces propos sur Twitter, les qualifiant de « xénophobes ».