Conversion libérale: Le Shas soumet une loi à la Knesset pour contredire la Cour
Le vice-ministre de l'Intérieur, Yoav Ben Tzur, a assuré que son parti refuserait de participer à une coalition menée par Netanyahu si celui-ci ne soutenait pas cette proposition
Mardi, le ministre adjoint de l’Intérieur, Yoav Ben Tzur, membre du parti ultra-orthodoxe Shass, a affirmé que sa formation avait soumis une proposition de loi au Parlement contredisant la position de la Cour suprême, afin de réaffirmer le monopole orthodoxe sur les conversions.
La Cour suprême a jugé lundi que toutes les personnes converties au judaïsme, peu importe auprès de quel mouvement, pourraient obtenir la nationalité israélienne, mettant fin au monopole des orthodoxes.
Les partis orthodoxes sont notamment des alliés du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui jouera sa survie politique aux législatives du 23 mars, les quatrièmes en deux ans, et aura besoin d’eux pour former une coalition.
Yoav Ben Tzur a également assuré que son parti refuserait de participer à une future coalition menée par M. Netanyahu si celui-ci ne soutenait pas cette proposition.
« Etat juif ou Etat réformé ? La décision est entre vos mains », indique une affiche de campagne de son parti.
Le Likud, la formation de droite de M. Netanyahu, a estimé que la décision de la Cour suprême « remettait en question la loi du retour, un élément de base de l’identité d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique ».
A gauche, la nouvelle cheffe du parti travailliste, Merav Michaeli, a elle salué le travail du rabbin Gilad Kariv, directeur du mouvement conservateur en Israël et candidat sur la liste du parti, qui a non seulement « mené ce combat face à la justice », mais « l’a gagné ».
Jusqu’alors en Israël, seul pays majoritairement juif au monde, il fallait avoir une mère juive ou se convertir auprès de rabbins orthodoxes pour être considéré comme juif.
Les conversions auprès d’autres mouvements, plus modérés, n’étaient reconnues que lorsque réalisées à l’étranger et ce, seulement depuis 2005.
Cette législation avait un impact direct sur la vie de convertis qui n’étaient pas officiellement reconnus comme juifs, les privant par exemple de mariage dans un pays où les juifs ne peuvent se marier qu’entre eux et où, de surcroît, l’union civile n’est pas autorisée.
Lundi, la Cour suprême a statué que les personnes converties en Israël autrement que par des orthodoxes pourront être reconnues comme juives et donc obtenir la nationalité, conformément à la loi « du retour » qui accorde à tout juif – mais aussi à son conjoint, ses enfants et ses petits-enfants – le droit d’obtenir la citoyenneté israélienne.
Sitôt annoncée, cette décision a été dénoncée par une partie de la classe politique israélienne et par le rabbinat, qui exige que les conversions se fassent selon la stricte observance de la halakha (loi juive).
« Les personnes converties par les mouvements réformés et conservateurs ne sont pas juives. Aucune décision de la Cour suprême ne changera cette réalité », a tonné, dans un communiqué, le grand rabbin d’Israël, David Lau.
Apparus au XIXe siècle en Allemagne, les courants réformés et conservateurs ont une interprétation beaucoup moins stricte de la loi juive que les orthodoxes et remettent en cause certains préceptes du Talmud.
Minoritaires en Israël, ils sont majoritaires aux Etats-Unis, où vit près de la moitié de la communauté juive mondiale.
Le rabbin conservateur israélien Valérie Stessin a salué une décision « très importante » pour les candidats à la conversion mais aussi « pour beaucoup d’Israéliens qui ne se reconnaissent pas dans le courant orthodoxe ».
« Il y a beaucoup de préjugés sur les mouvements réformés et conservateurs en Israël, mais on ne prend pas les choses à la légère », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Cette décision du plus haut tribunal du pays survient 15 ans après sa saisie par des personnes converties en Israël par des mouvements non orthodoxes.
« Nous n’avions pas pris de décision auparavant, attendant que l’Etat légifère sur la question », explique la juge Dafna Barak-Erez dans la décision, pour justifier le délai.
Au fil des années, différents gouvernements israéliens se sont défilés sur ce dossier sensible, se gardant de remettre en question le monopole du rabbinat orthodoxe, notamment à cause de son influence politique.