Craignant le maintien du projet de construction Atarot, Blinken contacte Bennett
Le projet de construction de logements à Jérusalem-Est figure à l'ordre du jour de la commission d'urbanisme prévue lundi, alors que des responsables avaient indiqué son abandon
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
NEW YORK – Jeudi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a téléphoné au Premier ministre israélien, Naftali Bennett. Antony Blinken s’est dit consterné face aux plans israéliens visant à faire avancer un projet controversé de construction de logements à Jérusalem-Est.
Selon un fonctionnaire, l’appel téléphonique a été « intense », et Antony Blinken aurait exprimé l’opposition véhémente de l’administration Biden au projet de construction de 9 000 nouveaux logements à Atarot, qui, selon les partisans d’une solution à deux États, sonnerait le glas de la proposition en créant une poche au milieu de la contiguïté palestinienne entre Ramallah et Jérusalem-Est.
Le 24 novembre dernier, un comité local de la municipalité de Jérusalem a donné son approbation préliminaire au projet de construction d’un quartier ultra-orthodoxe sur les terrains de l’ancien aéroport d’Atarot, de quoi susciter l’inquiétude de Washington. Le projet doit maintenant être approuvé par le Comité d’aménagement du district du ministère de l’Intérieur.
Mais le 25 novembre, interrogés par le Times of Israel, de hauts responsables israéliens ont annoncé l’abandon du projet Atarot, rassurant ainsi leurs homologues américains.
Cette confidence a été confirmée quelques heures après, lorsque le ministère de l’Intérieur a retiré le plan de son registre alors que le Comité de planification du district devait se prononcer sur le plan le 6 décembre.
Mais dimanche, ceux qui ont suivi l’affaire de près ont remarqué que le plan Atarot était revenu sur le site Web du ministère de l’Intérieur, qui a confirmé que le plan était bien inscrit à l’ordre du jour de la commission d’urbanisme de lundi prochain.
Par ailleurs, jeudi, une source familière de l’affaire a déclaré au Times of Israel que le département d’État avait appris l’engagement israélien de mettre le projet en pause par les médias et qu’aucun message ne leur avait été directement transmis.
Le département d’État américain et le bureau du Premier ministre israélien ont décliné toute demande de commentaire sur cette affaire.
Le département d’État a ensuite publié un compte-rendu de la conversation indiquant que : « Le secrétaire Blinken et le Premier ministre Bennett ont affirmé le solide partenariat américano-israélien et ont discuté des questions de sécurité régionale, notamment de l’Iran et des pourparlers en cours à Vienne concernant le programme nucléaire iranien, ainsi que du défi mondial posé par la COVID-19. »
« Le secrétaire a également fortement insisté sur le fait qu’Israël et l’Autorité palestinienne devraient s’abstenir de prendre des mesures unilatérales qui exacerbent les tensions et sapent les efforts visant à faire progresser une solution négociée à deux États, y compris l’avancement des activités de colonisation. »
Selon un fonctionnaire contacté par le Times of Israel, Naftali Bennett aurait assuré à Antony Blinken que le plan ne recevrait pas l’approbation finale pour la construction, loin de suffire pour convaincre Antony Blinken – qui a reçu un briefing détaillé sur la question avant l’appel – qui a déclaré que toute avancée du plan serait inacceptable, en ce qui concerne Washington.
Jérusalem semble déterminée à faire avancer le plan jusqu’au stade du dépôt, de sorte qu’il ne nécessitera qu’une seule approbation supplémentaire de la part de la commission d’aménagement du district pour pouvoir commencer les travaux, a spéculé la source bien placée.
Alors que le comité chargé de faire avancer le plan est sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur d’Ayelet Shaked, le projet lui-même est proposé par le ministère du Logement dirigé par Zeev Elkin du parti Tikva Hadasha, qui a déjà clairement indiqué ces derniers mois qu’il prévoyait d’utiliser son poste pour faire avancer les constructions israéliennes au-delà de la Ligne verte.
Un député de la coalition a déclaré au Times of Israel qu’étant donné le manque d’accord entre les membres de la coalition diversifiée – qui comprend des partis de droite, du centre, de gauche et arabes – sur la question de la construction israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, chaque ministre s’efforce de faire avancer le programme de son propre parti depuis son bureau respectif, laissant à Naftali Bennett la tâche difficile de maintenir l’ordre.
Le nouveau gouvernement a cherché à éviter les affrontements publics avec l’administration Biden et a assuré à huis clos à Washington qu’Israël ne donnerait pas le coup d’envoi de projets dans d’autres zones sensibles telles que E-1, près de l’implantation de Ma’ale Adumim, a indiqué la source.
Entre-temps, un organe du ministère de la Défense chargé d’autoriser les constructions en Cisjordanie s’est réuni en octobre pour discuter du projet E-1 et un comité local d’urbanisme de Jérusalem a approuvé le mois dernier l’expropriation de terrains publics dans le quartier controversé de Givat Hamatos à Jérusalem-Est, les autorités israéliennes semblant déterminées à faire avancer la construction aussi discrètement que possible.
Hagit Ofran, de l’organisation de gauche La Paix maintenant, a déclaré que « si le plan est avancé par le comité de planification du district lundi, il sera beaucoup plus difficile de l’arrêter ».
« Il est également inacceptable que les membres [de gauche du] gouvernement de changement acceptent d’aller de l’avant avec un plan diamétralement opposé à la solution à deux États », a-t-elle déclaré, notant que même le plan de paix de l’ancien président Donald Trump – qui a été critiqué comme étant trop partiel en faveur des demandes israéliennes – envisageait la terre d’Atarot comme étant sous contrôle palestinien.
Depuis 1967, chaque gouvernement israélien a étendu les quartiers juifs de Jérusalem-Est et les implantations de Cisjordanie, des territoires qu’Israël a capturés lors de la guerre des Six Jours cette année-là et que les Palestiniens veulent pour leur futur État. Les Palestiniens considèrent les implantations et les quartiers juifs de Jérusalem-Est – qui abritent aujourd’hui quelque 700 000 personnes – comme un obstacle majeur à la paix, et la majeure partie de la communauté internationale les considère comme illégaux.
L’administration du président américain Joe Biden a critiqué la construction d’implantations comme un obstacle à la relance du processus de paix, longtemps moribond, mais n’a pas exigé de gel.
Alors qu’elle semblait initialement accorder une certaine marge de manœuvre au gouvernement Bennett afin d’assurer sa stabilité, les objections de l’administration américaine à l’égard de la construction d’implantations israéliennes sont devenues plus tranchantes ces derniers jours.
L’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a déclaré mardi au Conseil de sécurité que la construction d’implantations par Israël en Cisjordanie « a atteint un point critique, et qu’elle compromet désormais la viabilité même d’une solution négociée à deux États ».
Des désaccords sur les négociations indirectes en cours entre les États-Unis et l’Iran à Vienne, visant à relancer l’accord nucléaire entre les deux pays, ont ajouté à l’intensité de l’appel de M. Blinken et de M. Bennett.
Selon son bureau, Bennett a déclaré à Blinken que l’Iran utilisait le « chantage nucléaire » comme tactique et que, par conséquent, les États-Unis devaient initier « une cessation immédiate des négociations ».
Bennett a également précisé qu’Israël s’opposait à l’idée d’un accord nucléaire « moins pour moins » avec l’Iran. Selon la Douzième chaine, un tel accord verrait les États-Unis lever certaines sanctions en échange d’une réduction de certaines activités nucléaires de l’Iran.
Un tel accord réduit serait envisagé au cas où un retour complet à l’accord de 2015 serait impossible.
Malgré les tensions, M. Blinken a tenté de donner une tournure positive à l’appel dans des remarques publiques, déclarant aux journalistes qu’ils avaient eu une « conversation très bonne et détaillée ».
« Nous avons exactement les mêmes objectifs stratégiques. Nous sommes tous deux déterminés à faire en sorte que l’Iran ne se dote pas de l’arme nucléaire… Nous continuerons à être en contact très étroit avec Israël », a-t-il déclaré.