D’anciens nazis témoignent dans le documentaire « Final account »
Actuellement dans certaines salles aux Etats-Unis, le dernier documentaire de Luke Holland révèle la psychologie de la machine génocidaire d'Hitler à travers ses jeunes membres
JTA – Il y a une scène remarquable vers la fin du nouveau documentaire « Final Account », une collection de témoignages sur le régime nazi provenant d’Allemands et d’Autrichiens âgés, qui s’en souviennent (et qui, à des degrés divers, en ont fait partie).
Dans la séquence, un ancien officier de la Waffen-SS s’assoit avec un groupe d’étudiants à Wannsee, dans la banlieue de Berlin, le site de la tristement célèbre conférence de Wannsee, où les responsables nazis se sont réunis en 1942 pour définir les paramètres de la Solution finale.
L’officier, Hans Werk, parle de l’immense honte qu’il ressent pour lui-même et son pays d’avoir orchestré le génocide de 6 millions de juifs.
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Lorsqu’il est interpellé par un jeune nationaliste allemand, un partisan anonyme de droite, obsédé par la « protection de la patrie » et qui en a assez d’entendre parler de « honte » par ses aînés ; l’ancien nazi riposte en évoquant ses amis et voisins juifs qui pensaient faire partie de la patrie, jusqu’à ce qu’ils soient emmenés dans les camps.
La véritable idéologie nazie n’était pas le patriotisme, dit-il, mais la haine.
« Ne vous laissez pas aveugler ! », crie-t-il.
Le film lui-même a le même objectif.
« Final Account », qui est actuellement à l’affiche dans certaines salles aux Etats-Unis, est le résultat de plus d’une décennie d’entretiens menés par le documentariste britannique Luke Holland, qui a découvert son héritage juif à l’adolescence, en apprenant que la famille de sa mère avait été assassinée pendant la Shoah.
Holland est décédé tragiquement l’année dernière peu après avoir terminé le film, il s’agit maintenant de son dernier témoignage.
Il y a un certain professionnalisme dans le travail de « Final Account », qui se compose presque entièrement d’entretiens contemporains avec d’anciens nazis, réalisés pour la plupart dans des appartements confortables et des maisons de retraite.
Naturellement, il y a beaucoup moins de témoins oculaires en vie aujourd’hui qu’il y a quarante ans, lorsque le cinéaste franco-juif Claude Lanzmann a interviewé des dizaines de personnes pour son documentaire historique de dix heures intitulé « Shoah ».
Lanzmann a pu parler à des officiers SS de haut rang, dont certains ont supervisé les camps de la mort.
En revanche, les personnes interrogées par Holland étaient, pour la plupart, des enfants ou des adolescents de l’époque.
De nombreuses anecdotes dans le film de Holland concernent des personnes ayant rejoint les jeunesses hitlériennes dans leur enfance, ou celles ayant vu leurs parents soutenir le parti nazi. Quelques-uns ont travaillé dans les camps ou dans les gares qui y conduisaient les prisonniers, mais leurs propres récits semblent s’éloigner commodément des meurtres réels.
Certains continuent de nier que le génocide ait jamais eu lieu.
Ces négationnistes occasionnels ont plutôt l’air d’être des figurants par rapport à l’objectif principal du film, et il se peut qu’ils commettent un crime devant la caméra, puisque l’Allemagne et l’Autriche ont interdit la pratique de la négation de la Shoah.
Dans l’ensemble, la plupart des entretiens de « Final Account » se concentrent sur le langage de la culpabilité : quand (ou si) la présence d’une personne au sein d’un régime maléfique constitue un acte de perpétration de ses objectifs.
« Nous ne soutenions pas le parti, mais nous aimions l’uniforme », déclare un sujet, évoquant les images comiques d’enfants nazis exubérants dans « Jojo Rabbit. »
D’autres se souviennent de détails à la fois étranges et banals qui leur ont permis de construire une vie quotidienne autour des atrocités qui se déroulaient en leur nom, comme cette ancienne nounou qui se rappelle avoir emmené les enfants de son employeur au camp de concentration local, pour dire bonjour à leur mère sur son lieu de travail.
On ne voit jamais Holland devant la caméra, mais parlant couramment l’allemand, il incite parfois ses sujets, depuis le hors-champ, à reconnaître leur participation à des crimes contre l’humanité, comme Joshua Oppenheimer l’a fait avec les architectes du génocide indonésien dans « The Act of Killing ».
Ensemble, Holland, Oppenheimer et Lanzmann forment une lignée troublante de cinéastes juifs qui se sont sentis obligés de confronter les participants d’un génocide, face à face, dans un film.
« Final Account » n’a pas tout à fait le même effet révélateur que ses prédécesseurs dans ce genre, le film perce rarement l’étendue des récits de ses sujets pour creuser la vérité émotionnelle, quelle qu’elle soit.
Peut-être n’y en a-t-il pas : L’un des messages dominants est que les populations peuvent suivre aveuglément des idéologies haineuses, même de manière insipide, si elles sont suffisamment acceptables pour la majorité.
Mais il y a des moments où l’on se débat avec des questions plus profondes.
La scène du Wannsee, dans laquelle une génération d’Allemands semblent incapables de transmettre leur honte personnelle et historique à la suivante, évoque, non seulement le passé, mais aussi l’avenir de la mémoire de la Shoah.
Leur conversation est une anticipation d’un monde dans lequel nous n’aurons plus de « comptes définitifs. »
Lorsque cela se produira, et qu’il n’y aura plus de témoins oculaires, comment allons-nous poursuivre les leçons du « Plus jamais ça » ? Quelles formes d’éducation et de vigilance nous empêcheront d’être à nouveau « aveuglés » par le passé ?
C’est une question qui a hanté le dernier siècle de la vie juive, et qui, par nécessité, doit aussi hanter le prochain.
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