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Dans le désert égyptien, le potentiel prometteur du venin de scorpion

Les laboratoires étudient les effets antimicrobien, immunosuppresseur et anticancer d'une toxine du venin, dans l'espoir de pouvoir un jour les transformer en médicaments

La pharmacienne égyptienne Nahla Abdel-Hameed attrape un scorpion dans son laboratoire et sa ferme du Royaume du Scorpion, dans le désert occidental d'Égypte, près de la ville de Dakhla, dans la Nouvelle Vallée, à quelque 700 km au sud-est de la capitale, le 4 février 2021. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)
La pharmacienne égyptienne Nahla Abdel-Hameed attrape un scorpion dans son laboratoire et sa ferme du Royaume du Scorpion, dans le désert occidental d'Égypte, près de la ville de Dakhla, dans la Nouvelle Vallée, à quelque 700 km au sud-est de la capitale, le 4 février 2021. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Dans son laboratoire au milieu du désert Libyque, l’ingénieur égyptien Ahmed Abou al-Seoud saisit un scorpion par la queue et lui applique une décharge électrique pour obtenir une goutte de son venin, un poison aux propriétés pharmacologiques prometteuses.

Le « Royaume du scorpion », son entreprise, entourée de palmeraies et de dunes ocres, est implantée dans l’oasis de Dakhla, à environ 800 km au sud-ouest du Caire.

Dans un bâtiment blanc de deux étages, des milliers de scorpions ont été emmagasinés vivants dans des bocaux colorés et disposés sur des étagères.

Ingénieur mécanicien de formation, M. Abou al-Seoud, 44 ans, s’est lancé en 2018 avec son associé, Alaa Sabaa, dans ce projet d’extraction de venin de scorpion.

« Je surfais sur internet quand j’ai trouvé par hasard que le venin produit par les scorpions faisait partie des plus chers, alors je me suis dit : ‘Pourquoi ne pas mettre cet environnement désertique à profit?' », raconte l’entrepreneur, installé dans le gouvernorat de la Nouvelle-Vallée.

L’ingénieur égyptien Ahmed Abu al-Seoud attrape un scorpion dans son laboratoire et sa ferme du Royaume du Scorpion, dans le désert occidental d’Égypte, près de la ville de Dakhla, dans la Nouvelle Vallée, à quelque 700 km au sud-est de la capitale, le 4 février 2021. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Production expérimentale

La puissante toxine contenue dans le venin de scorpion, résultat de centaines de millions d’années d’évolution naturelle, fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques.

« Des dizaines de molécules bioactives issues du (venin de) scorpion ont été identifiées comme possédant des propriétés pharmacologiques prometteuses », selon une publication du journal Biomedicines datant de mai dernier.

Les laboratoires étudient maintenant leur potentiels effets antimicrobien, immunosuppresseur et anticancer, parmi d’autres, dans l’espoir de pouvoir un jour les transformer en médicaments.

S’il existe quatre ou cinq types de scorpions dans le désert égyptien, le plus répandu est le « Leiurus quinquestriatus », dont le venin est composé de plus de 45 éléments.

L’ingénieur égyptien Ahmed Abu al-Seoud extrait du venin d’un scorpion dans son laboratoire et sa ferme du Royaume du Scorpion, dans le désert occidental d’Égypte, près de la ville de Dakhla, dans la Nouvelle-Vallée, à quelque 700 km au sud-est de la capitale, le 4 février 2021. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Une telle composition rend le produit rare et cher : il se vend environ 7 000 dollars le gramme, selon M. Abou al-Seoud.

L’ingénieur explique qu’un scorpion ne sécrète pas plus d’un demi-milligramme de venin tous les 20 ou 30 jours. Ainsi, pour produire un gramme de poison, dont la qualité repose sur le degré de « pureté », il faut entre 3 000 et 3 500 scorpions.

Et l’espérance de vie du dangereux animal, dont les morsures peuvent provoquer de fortes fièvres, voire des décès dans certains cas, peut aller jusqu’à 25 ans.

Conscient du potentiel de ce produit, M. Abou al-Seoud ambitionne à terme de cibler le marché européen et ses groupes pharmaceutiques.

À Dakhla, la première production expérimentale du « Royaume des scorpions », réalisée en décembre et janvier après deux ans de préparation, a atteint trois grammes de venin. Le liquide extrait a été asséché dans un laboratoire au Caire et conditionné sous forme de poudre.

Outre cette coûteuse substance, l’entreprise extrait du venin d’abeille et vend des produits agricoles et des plantes odorantes.

Nahla Abdel-Hameed, pharmacienne égyptienne (à gauche ) et Iman Abdel-Malik, vétérinaire, classent les scorpions au laboratoire du Royaume du Scorpion, dans le désert occidental d’Égypte, près de la ville de Dakhla, dans la Nouvelle Vallée, à quelque 700 km au sud-est de la capitale, le 4 février 2021. (Crédit : Khaled DESOUKI / AFP)

Produit de qualité

Mais M. Abou al-Seoud fonde tous ses espoirs sur les scorpions et veut donner à l’Egypte une « bonne image grâce à un produit de qualité, étudié scientifiquement, encadré par la loi et autorisé à l’exportation ».

Nahla Abdel Hamid, une pharmacienne de 25 ans employée de l’entreprise, assure que pour « ne pas perturber l’équilibre écologique », les habitants des villages alentours sont mis à contribution pour la chasse aux arachnides, au niveau des zones habitées seulement.

M. Abou al-Seoud, qui s’adonne lui-même à l’activité, forme une ou deux personnes par village et les équipes d’une panoplie spéciale : gants, pinces, chaussures adaptées, gilets fluorescents et sérums antipoison.

Les « chasseurs » gagnent entre une et 1,5 livre égyptienne (cinq à huit centimes d’euros) par scorpion capturé.

Quant à Mme Abdel Hamid, elle les classe « en fonction de la zone où ils ont été chassés et de leur type ».

Bien que ces animaux peuvent se passer de nourriture pendant de longues périodes, la vétérinaire Imane Abdel Malek préfère leur offrir un « cadre favorable » en leur fournissant régulièrement, jusqu’à deux fois par mois, des vivres « protéinées », notamment des cafards et des vers.

L’entreprise, un projet autofinancé qui a coûté environ cinq millions de livres (262 600 euros), prévoit d’abandonner progressivement la chasse pour l’élevage.

Si l’Egypte produit du venin de scorpion depuis des années déjà, il est souvent produit illégalement ou de faible qualité, selon le chef du projet.

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