Dans le Negev, les Bédouines s’émancipent mais préservent leurs traditions
Dans plusieurs villages du sud d’Israël, le gouvernemental par le biais de différentes associations aider les jeunes filles à s'émanciper à travers le commerce et l’éducation

Amal Abo Alqom rêvait de devenir médecin. Elève exceptionnellement brillante, elle excellait tout particulièrement en anglais. Et pourtant, dès qu’elle eut terminé l’école élémentaire, selon la volonté sa famille elle a du commencé à travailler dans les champs du village bédouin de Wadi Naam.
Mais Amal voulait continuer ses études. Elle a alors entamer une grève de la faim. Mais lorsqu’elle s’est rendue compte que cela ne servirait à rien, elle a menacé les siens de se jeter dans le puits le plus profond qu’elle pourrait trouver. Ses parents ont répondu : « Dis-nous quel puits – que nous puissions en sortir ta dépouille et l’enterrer ».
Mais son destin a tourné. Aujourd’hui, Amal dirige non seulement une attraction touristique avec succès, mais elle a également fondé une organisation à but non lucratif pour aider les jeunes femmes à réaliser leurs rêves et, en même temps, offrir aux femmes plus âgées qui ne sont pas allées à l’école, l’opportunité de renforcer leur propre estime en transmettant les traditions anciennes et leurs expertises aux plus jeunes.
Amal est l’une des sept femmes étonnantes qui résident dans trois cantons Bédouins, dans des villages qui ont vu le jour grâce à l’impulsion du gouvernement : Tel Sheva, Lakiya et Segev Shalom.
Preuves vivantes de ce que le courage et la résolution peuvent réaliser, ses femmes gèrent aujourd’hui des activités touristiques qui attirent des visiteurs du monde entier et leur offrent une vie décente.
La majorité d’entre elles est également très impliquée dans l’émancipation des jeunes filles et des femmes au sein de leur communauté et dans les implantations non-reconnues environnantes. Elles ont également réalisé l’exploit de s’émanciper sans froisser les susceptibilités des hommes de leur entourage, sans pour autant abandonner les anciennes traditions bédouines.

Elles y sont parvenues grâce à un certain nombre d’offices gouvernementaux qui les ont soutenues : le ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, le ministère de la Justice sociale et le ministère du Développement des provinces du Negev et de Galilée. L’Autorité chargée du développement du Negev coordonnant ces initiatives.
Tel Sheva
Dans les années 1960, le gouvernement a crée sept implantations bédouines sédentaires dans le Negev. Oublieux des besoins spécifiques de cette communauté, ignorant ses traditions, la première d’entre elles, Tel Sheva a été un désastre. La majorité de ceux qui s’y étaient installés sont rapidement partis.
Les Bédouins ont repeuplé Tel Sheva seulement après l’établissement bien plus réussi de Rahat en 1972. Mais un grand nombre de familles a continué de vivre sous tente.
Lors d’une visite dans les années 1990, nous en avons partagé une pour la nuit avec une famille qui était pourtant propriétaire d’une adorable maison, mais qu’elle n’utilisait pas, située sur la même parcelle de terrain.

Mariam Abu Rakaek est basée dans un Centre pour visiteurs appelé ‘Fille du Désert’ qu’elle a construit grâce à une détermination sans faille. Née dans l’un de ces villages non-reconnus, elle a déménagé à Tel Sheva lorsqu’elle avait sept ans. Pendant des années, sa famille a vécu dans une tente sur le canton, tandis que Mariam fréquentait les écoles locales.
Après avoir obtenu son diplôme, elle est devenue l’une des premières femmes bédouines israéliennes à poursuivre ses études à l’étranger.
Son diplôme d’administration commerciale en poche, Mariam est revenue à Tel Sheva. Ses parents lui ont alors demandé d’épouser l’homme qu’ils avaient choisi pour elle. Lorsqu’elle a refusé, ils ont décidé qu’elle devrait rester à la maison. C’est là qu’elle a passé les dix années suivantes.

Mais armée de ses connaissances commerciales, d’une conscience environnementale qu’elle a développée au Royaume-Uni, et des enseignements d’une grand-mère guérisseuse, elle a commencé à fabriquer certains des produits cosmétiques les plus purs et les plus naturels qui soient.
Pour se parfaire, elle a ensuite suivi des cours de cosmétique, appris à connaître les plantes médicinales, identifié des arbustes et des herbes dans le lit de la rivière situé à proximité e sa maison. Elle a ainsi pu ajouter des huiles et des crèmes à sa ligne de produits de beauté.
Aujourd’hui, étrangers et Israéliens viennent de loin pour entendre l’histoire personnelle et fascinante de Mariam, ou pour la regarder préparer ses cosmétiques et goûter à une nourriture authentiquement bédouine qu’elle sait également confectionner.
Lakiya
Il y a plus de 200 ans, un Bédouin de Gazan nommé Haj Mahmud est arrivé à Lakiya avec des parfums et des épices à vendre. Lorsqu’il a décidé de s’établir dans le village, il a construit une grande maison faite de paille, de boue et de pierres que les locaux, qui vivaient sous tente, ont appelé le Palais de Haj Mahmud. Le temps passant, les membres de sa famille sont partis, et la structure a été utilisée comme entrepôt.
Son arrière-arrière petite-fille, Amal Abu Karen, est née à Lakiya lorsque le village n’était pas encore reconnu par le gouvernement israélien, et manquait de services de base comme l’électricité et l’eau courante (l’endroit a été officiellement qualifié de bidonville dans les années 1990).
Heureusement, Amal a eu l’autorisation d’aller au lycée et a même été encouragée à devenir enseignante. Elle a toutefois désiré étudier la médecine. Malgré les objections de sa famille, elle a finalement réalisé son rêve et a pu devenir infirmière.
Nous avons pu rencontrer la petite Miar, ce qui signifie Lumière de la lune, l’un des quatre enfants d’Amal, à l’occasion de notre visite au Palais de Horiya, site rebaptisé par Amal en l’honneur de sa grand-mère qui avait pris soin de la construction.
C’est Horiya, sa grand-mère, qui lui a suggéré d’ouvrir le Palais au public et de narrer son histoire extraordinaire aux auditeurs. Avec son atmosphère authentique, il est également devenu le lieu parfait pour montrer le savoir-faire des artisanats locaux, et pour présenter aux groupes de délicieux mets bédouins préparés par les femmes du village.

Amal s’est également aperçue de la nécessité vitale d’éduquer les Bédouines sur de nombreuses questions relatives à la santé, comme le cancer du sein, une maladie rarement évoquée dans ces villages. Les conférences sur ces sujets sont coordonnées avec une autre femme remarquable de Lakiya, Naama Elsaana.
Née dans une famille éduquée – la sœur de Naama est principale dans une école, son oncle est médecin et son arrière-grand-père a fait des études de droit à Istanbul – Naama est diplômée du lycée, et a continué des études supérieures, avant de commencer à travailler hors du bidonville dans le secteur de l’éducation spécialisée.
Néanmoins, soucieuse d’améliorer la vie dans son village natale de Lakiya, Naama est revenue chez elle pour aider à fonder l’Association pour l’amélioration du statut des femmes de Lakiya, la toute première organisation pour les femmes bédouines du Negev.

Le projet phare de cette association est un atelier, bâti en forme de tente, appelé la Broderie du Désert. Les touristes israéliens et de l’étranger y apprennent les traditions bédouines, le statut des femmes bédouines, et les significations cachées des différents types de broderie.
La boutique adjacente permet de découvrir les broderies étonnantes réalisées par plus de 60 femmes issues du village, à qui matériel et formation ont été offerts, et qui travaillent hors de leurs foyers.
En plus de donner un emploi à presque 200 femmes, l’Association offre des conférences sur les droits des femmes et sur la santé. De plus, l’Association est dotée d’une bibliothèque mobile et donne des cours d’arabe oral et écrit, de mathématiques, d’anglais et d’hébreu.
Les cours sont destinés aux adultes n’ayant pu bénéficier d’une éducation formelle, ainsi qu’aux élèves ayant besoin d’aide pour obtenir leur diplôme au lycée.
Quand elle eut réalisé qu’un grand nombre de femmes n’avaient jamais quitté leur village, Naama a décider de les emmener en voyage à travers le pays, en commençant par Beer Sheva, pourtant situé à proximité, que ces dames n’avaient jamais vu.
Naama a reçu le mois dernier un prix pour son travail de la part de l’Université Ben Gourion. Elle affirme avec fierté que 80 % des femmes de Lakiya ayant reçu un diplôme universitaire ont été formées et soutenues par l’Association.
Segev Shalom
Après avoir terminé le cycle élémentaire, Zenab Garabia a dû rester chez elle pour aider sa famille au travail des champs, à Wadi Naam. Ce n’est que quand elle a eu 24 ans qu’elle a pu terminer l’école et continuer un cycle d’études dans les arts.
Aujourd’hui, elle enseigne l’art dans les écoles de la zone. Mais son rêve est de fonder une Ecole des Arts depuis le cycle élémentaire jusqu’au lycée commune aux Juifs et aux Arabes, où les élèves pouraient apprendre toutes les facettes de l’art, tout en passant le diplôme venant sanctionner la fin du second cycle.
Seule artiste bédouine à travailler l’argile, Zenab produit des travaux étonnants, encore embellis par les créations traditionnelles bédouines. En incorporant la broderie bédouine dans ses œuvres, Zenab prend plaisir à s’exprimer, et donne vie à son héritage.
C’est le moyen qu’elle a trouvé pour honorer sa mère, mariée à 14 ans, qui a été forcée de quitter ses enfants lorsque Zenab n’était âgée que de huit mois. Le récit de la manière dont la mère de Zenab est toutefois parvenue à maintenir le contact avec ses enfants, puis à revenir auprès d’eux, émeut toujours ceux qui l’entendent.

Zenab la raconte dans un salon cosy de Segev Shalom, en offrant le thé ou le café. Puis, elle présente sa galerie, remplie de toute une gamme unique et fabuleuse de lampes, de plats, de pots à thé et de bibelots qui présentent tous un motif brodé.
Ses travaux sont basés sur des créations qu’elle a apprises auprès de sa mère : « Lorsque vous achetez quelque chose, c’est une partie de l’âme de ma mère qui part avec vous », affirme-t-elle.
Amal Abo Alqom, qui habite elle aussi Segev Shalom, ne s’est heureusement jamais jetée dans le puits. Neuf années après avoir été obligée de renoncer à ses études, un proche d’Amal a déménagé au village bédouin de Segev Shalom, établi par le gouvernement. Il y avait un pavillon à l’angle de l’implantation et parfois, Amal y venait à pied depuis Wadi Naam.
Quand elle a dit à l’un des instructeurs juifs combien elle aurait aimé aller à l’école, elle a été vivement encouragée et rassurée sur sa capacité à continuer ses études.

Mais elle était la fille aînée. Et elle nous a racontés, alors que nous prenions place sur des coussins en dégustant de la maqluba (du poulet et des légumes renversés) qu’après avoir enfin achevé le lycée, on attendait d’elle qu’elle aide sa famille.
Alors au lieu de se rendre à l’école de médecine, elle a étudié la puériculture et elle a créé un centre de jour. Mais cela n’a pas paru suffisant à Amal, qui a bénévolement établi un programme sportif pour les enfants du village. L’initiative a tellement réussi qu’elle a été envoyée à Haïfa pour acquérir un diplôme de coordinatrice spécialisée dans l’éducation des plus petits.
Amal désirait faire encore davantage pour les enfants de Segev Shalom. Elle est donc retournée au village et a mis en place toutes sortes d’activités pour les enfants comme pour les adultes.
Quand elle a réalisé le manque d’éducation de base chez de nombreuses femmes, elle et quelques amies, ont fondé une « amuta » appelée « les Femmes pour elles-mêmes » et qui offre des conférences, des voyages à travers tout le pays et des cours, non seulement en direction des femmes plus âgées mais également pour les lycéennes qui ont besoin d’aide au cours de leur cycle d’études.
Amal nous a fièrement dit qu’une femme plus âgée avait demandé à Amal de se rendre avec elle à la banque où, pour la toute première fois, elle avait été en mesure de signer de son nom un document.

Un des aspects fascinants du travail d’Amal, sont ces ateliers où elle rassemble grand-mères et arrières-grand-mères qui ne savent ni lire ni écrire, mais qui apprennent aux plus jeunes les arts perdus du conte, la préparation des artisanats traditionnels et l’utilisation des herbes médicinales.
Les gens viennent de partout pour l’écouter raconter son combat pour l’éducation des femmes et l’apprentissage des coutumes bédouines. Certains restent pour la nuit dans l’une des 10 maisons du village, ce qui est, selon Amal, le meilleur moyen pour que les visiteurs puissent vraiment goûter à la culture bédouine.
Lorsque j’ai suggéré qu’elle pourrait maintenant aller à l’école de médecine si elle le désirait, Amal a ri : « Je suis déjà médecin, a-t-elle dit. Mais un médecin d’un genre différent ».
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Pour plus d’informations, pour savoir quelles sont les visites ou avoir des renseignements sur le tourisme bédouin, contactez Yarona Richardson à bedo.tourism@gmail.com
Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides en anglais sur Israël.
Shmuel Bar-Am est un guide touristique habilité qui offre des visites privées et personnalisées en Israël pour familles, les petits groups ou au niveau individuel.
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