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De retour dans la coalition, Raam espère un changement de politique

Le chef du parti, Mansour Abbas, a choisi cette semaine de continuer à soutenir un gouvernement en perte de vitesse, dans un pari à la fois pratique et idéologique

Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.

Le député et leader de Raam, Mansour Abbas, fait une déclaration à la presse à la Knesset, le 11 mai 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)
Le député et leader de Raam, Mansour Abbas, fait une déclaration à la presse à la Knesset, le 11 mai 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

S’il y avait un moment pour croire le mantra de Mansour Abbas selon lequel lui et son parti Raam étaient sérieux quand ils appelaient de leurs vœux un changement de modèle pour une meilleure intégration de la société arabe en Israël – ce pourrait être maintenant.

Après trois semaines pendant lesquelles Raam a tenu le milieu politique en haleine, en suspendant sa participation à une coalition qui serait devenue une minorité sans elle, les circonstances compliquent le retour du parti arabe islamiste.

Au fil des jours et des problèmes internes du gouvernement, certains se sont demandés si le parti aurait toujours une coalition à rejoindre. Pendant cette période hors coalition, l’opposition dirigée par le Likud a assuré à plusieurs reprises être sur le point d’évincer d’autres transfuges ou préparer la dissolution de la Knesset. Jusqu’au climax, mercredi dernier, avec la présentation d’un projet de loi visant à dissoudre la Knesset. L’ampleur du stress politique a laissé croire un instant à un scénario de prophétie auto-réalisatrice. (Le projet de loi a finalement été retiré lorsque le Likud a pris conscience qu’il n’avait pas les voix nécessaires pour le faire adopter.)

Les tensions et troubles à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, qui ont provoqué une forte indignation dans la base électorale de Raam, sont la raison officielle de son pas de côté. Le parti espérait qu’après quelques semaines en marge du gouvernement, la question se serait calmée. Mais la question est loin d’avoir trouvé une issue pendant cette période, et la demande de Raam tenant à ce que la Jordanie ait son mot à dire dans la détermination d’un statu quo clair et acceptable pour Al-Aqsa a été accueillie par un refus catégorique du Premier ministre de se soumettre aux diktats étrangers.

Le chef du Hamas, Yahya Sinwar, a fait pression sur Abbas, le comparant à « Abu Righal », traître légendaire de l’ère pré-islamique, pour son « soutien à un gouvernement qui profane Al-Aqsa ». Les menaces reçues par Abbas ont nécessité le renforcement des mesures de sécurité à son domicile.

Mercredi matin, quelques heures avant que Raam n’annonce sa position vis-à-vis du gouvernement, Shireen Abu Akleh, journaliste d’Al Jazeera, était tuée en reportage, alors qu’elle couvrait une opération militaire et les échanges nourris entre soldats israéliens et hommes armés palestiniens, dans la ville de Jénine, en Cisjordanie. Elle a été abattue d’une balle dans la tête dans des circonstances encore contestées. Les protestations et condamnations de la rue, de l’Autorité palestinienne et même de Raam ont été immédiates, et le parti a reporté sa conférence de presse de plusieurs heures.

Forces de l’ordre israéliennes sur les lieux d’une tentative d’attentat terroriste près du mont du Temple, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 11 mai 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

La situation mercredi matin était si tendue que Kamil Rayan, de la direction du Mouvement islamique derrière Raam, déclarait au Times of Israel, une heure avant la conférence de presse de Raam, que « le meurtre de la journaliste, à mon avis, aura pu modifier certaines opinions, peut-être dans le sens d’une prise de conscience que le gouvernement est fini ». Rayan a qualifié la mort d’Abu Akleh de « meurtre », tout comme de nombreux autres dirigeants arabes et palestiniens.

Au plus fort de cette tempête, Abbas, flanqué des trois autres parlementaires de son parti, a toutefois annoncé à la presse, à la Knesset, que Raam donnait une autre chance à la coalition.

« Nous sommes arrivés à la conclusion que Raam, avec le soutien du Conseil [consultatif] de la Choura et du Mouvement islamique, tiendrait son engagement né de l’accord de coalition », a déclaré Abbas.

Cette décision, politiquement très risquée compte tenu des divisions au sein de Raam et du foyer religieux au sein du Mouvement islamique, se fait avec des objectifs bien tangibles, tels que la reconnaissance de cinq nouveaux villages dans le Néguev, des victoires budgétaires et des promesses du gouvernement de rechercher l’apaisement sur le mont du Temple avec la participation du roi de Jordanie, comme l’a rapporté jeudi la radio de l’armée.

Le roi de Jordanie Abdullah II ibn Al-Hussein prend la parole lors d’une conférence de presse après des entretiens à la Chancellerie, à Berlin, en Allemagne, le 15 mars 2022. (Crédit : Hannibal Hanschke/Pool via AP, File)

Mais ce ne sont que des raisons secondaires. La raison principale du retour inattendu d’Abbas et Raam au sein de la coalition est l’espoir de tracer une nouvelle voie pour les Arabes en Israël, maintenant.

« S’il échoue, c’est fini »

Lorsque Raam est entré dans la coalition il y a 11 mois, il a renversé le modèle opérationnel de la politique arabe. Alors que la Liste unie à majorité arabe et ses partis constitutifs – Taal, Hadash et Balad – se sont traditionnellement tenus à un rôle dissident dans la politique, plaçant les aspirations nationales palestiniennes au-dessus de presque tout, Raam a décidé de se concentrer sur les victoires civiles, en choisissant l’engagement et la participation active afin de faire partie de la construction d’un Israël plus équitable.

Dans une interview préenregistrée diffusée mercredi soir, Abbas déclarait à la Douzième chaîne que Raam souhaitait « construire une relation nouvelle et digne – juste, égale, humaniste – entre Juifs et Arabes ».

Jeudi matin, après le retour de Raam dans la coalition, le député Walid Taha a déclaré à la radio de l’armée : « Nous avons donné l’occasion à l’État d’Israël, au gouvernement israélien, d’entamer un processus pour changer l’attitude de l’État envers la société arabe. »

« Nous venons avec une politique différente, non seulement pour la société arabe, mais aussi pour la société juive. Pour résoudre les problèmes urgents et aigus. »

Il a ajouté : « Nous avons chacun, dans notre histoire, de nombreux moments qui nous déplaisent, des différends. C’est le passé, ce qui nous intéresse est l’avenir. »

Raam a également été mal évalué par les sondages la semaine dernière, n’atteignant pas le seuil minimum pour entrer à la Knesset, bien que l’analyste politique arabe Ehab Jabareen pense qu’il en est proche.

Dans ce contexte de sondages inquiétants et d’une volonté de parvenir à des résultats tangibles, le retour de Raam au bercail est plus facile à comprendre. Si Raam manque cette occasion de prouver que son expérience politique fonctionne mieux que les méthodes habituelles de la Liste unie, il pourrait ne pas avoir d’autre opportunité.

Le chef du parti Raam, le député Mansour Abbas (au centre), fait une déclaration à la presse à la Knesset, en présence des députés Walid Taha (à gauche) et Mazen Ghanaim (à droite), le 11 mai 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

L’analyste Mohammad Magadli a défendu cette analyse au micro de la radio de l’armée jeudi matin, en disant : « Mansour Abbas a dit quelque chose de très simple et cela a également été dit au Conseil de la Choura. C’est une étape historique, pour Mansour Abbas et Raam, mais aussi pour le Mouvement islamique. S’il échoue, ce sera terminé. C’est notre dernière occasion d’essayer de nous intégrer dans la société israélienne et la politique israélienne, dans la légitimité israélienne. »

Kamil Rayan a convenu qu’il s’agissait d’un moment critique. « La société arabe, si elle voit cette expérience échouer, sera frustrée et renvoyée à une période sombre », a déclaré l’expert du Mouvement islamique. « Si Mansour – avec ce qu’il a donné, investi, réparé – comme il s’est impliqué lui-même et sa famille, maintenant sous la menace des fascistes israéliens ou des partisans de l’État islamique arabe – s’il n’a pas réussi, alors qui réussira ? »

Dans une sombre prédiction, Rayan a rapproché la tentative de Raam de la stabilité des relations arabo-juives. « Si cette expérience ne fonctionne pas, nous nous retrouverons l’année prochaine avec une nouvelle opération ‘Gardiens des Murs’ et beaucoup de sang dans les rues d’Israël », a-t-il déclaré, faisant référence aux jours de violence de 2021 entre Israël et Gaza mais aussi entre Juifs et Arabes dans les rues d’Israël.

Magadli a ajouté qu’il y avait une autre considération politique à prendre en compte dans la décision de Raam : la Liste unie, qui a prêté main-forte à la coalition lundi pour rejeter deux motions de censure dirigées par l’opposition, a quelque peu assoupli sa position sur la coopération avec la coalition. Raam veut être le visage de la société arabe, et la peur que son rival ne s’engage sur la pointe des pieds sur la voie que Raam a tracée a peut-être contribué à faire pencher la balance.

Ahmad Tibi et Ayman Odeh de la Liste arabe unie lors d’une séance plénière dans la salle d’assemblée du Parlement israélien, à Jérusalem, le 6 juillet 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

« Une chose a tout fait basculer au dernier moment, c’est le lien entre la Liste unie et [les dirigeants de la coalition Yair] Lapid et [Benny] Gantz. Mansour Abbas vient au Conseil de la Choura et dit : « Regardez, ils font ce que nous avons fait, ils sont déjà en contact. Si nous quittons la coalition juste pour nous replier ensuite sur la Liste unie, ne vous gênez pas », a déclaré Magadli.

Le regard tourné vers le prochain gouvernement

L’un des éléments les plus intéressants dans la quête de légitimité de Raam dans la politique israélienne est peut-être le désir d’Abbas de pouvoir s’allier avec le Likud, parti qui le diabolise actuellement, lui et sa circonscription.

Interrogé par un journaliste de la Douzième chaine sur le point de savoir si rejoindre une future coalition avec le plus grand parti d’Israël serait la vraie victoire, Abbas a répondu « oui ».

« Parce qu’en fin de compte, que voulons-nous faire d’autre ? », a-t-il dit, faisant allusion à une plus grande reconnaissance.

Au cours des négociations de l’année dernière qui ont finalement conduit à la création de l’actuelle coalition éclectique, Abbas et le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, s’étaient engagés dans une vaste parade nuptiale. Netanyahu qualifie maintenant Raam de « partisan du terrorisme », mais il y a de cela 11 mois, le chef du Likud avait rendu acceptable l’idée d’inclure Raam dans sa coalition (Abbas a noté mercredi qu’il avait documenté une correspondance pour prouver la sollicitation de Netanyahu et d’autres responsables du Likud).

Il n’est pas difficile d’imaginer que le discours et l’attitude du principal parti de droite puisse à nouveau basculer, si cela devenait politiquement interessant, ce qui ferait beaucoup pour légitimer le parti dans la société israélienne.

Les ambitions d’Abbas auraient plus de chances de succès si ce gouvernement durait assez longtemps pour permettre à Raam d’apporter des victoires tangibles à sa base. Même en cas d’échec sur ce point, son engagement envers la coalition sert également à faire de la publicité pour le parti en tant que partenaire fiable d’un prochain gouvernement.

L’analyste politique Ehab Jabareen. (Autorisation)

« Abbas regarde le prochain gouvernement, pas celui-ci », a déclaré l’analyste politique arabe Ehab Jabareen, et Abbas le prouve en revenant à une coalition affaiblie. « Au prochain gouvernement, il dira : ‘Je suis député et [je représente] un parti sur lequel vous pouvez compter. Vous pouvez me faire confiance, je ne suis pas un fauteur de troubles. »

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