Décès de Liviu Beris, survivant roumain de la Shoah et pionnier de la génétique
L'homme, qui s'est éteint à 93 ans, avait partagé sans relâche son histoire avec les jeunes générations et il avait pris part à un débat télévisé, resté célèbre, avec un antisémite
BUCAREST (JTA) — Liviu Beris, qui avait survécu à la Shoah en Transnistrie et qui devait devenir un généticien mondialement reconnu, s’est éteint la semaine dernière en Roumanie à l’âge de 93 ans.
Il aura passé sa vie à partager sans relâche son histoire avec les jeunes générations.
Beris avait notamment participé à un débat avec un antisémite sur une chaîne de télévision en direct – son intervention à cette occasion devait rester célèbre.
Beris est né à Herta, un territoire qui appartenait alors à la Roumanie mais qui est aujourd’hui situé en Ukraine. Il a été déporté à l’âge de 13 ans avec sa famille dans la région de Transnitrie – un territoire de l’Union soviétique, alors placé sous le contrôle du régime roumain, allié des nazis.

Selon les chiffres officiels, entre 220 000 et 300 000 Juifs roumains ont été exécutés sommairement ou sont morts du typhus, de faim et des suites des conditions de vie extrêmes qui régnaient dans les camps improvisés et dans les ghettos placés sous l’autorité des responsables roumains.
A son retour en Roumanie, en 1943 – le dirigeant Ion Antonescu avait permis à certains Juifs d’être rapatriés pendant la guerre – Beris avait dû recommencer ses études, souffrant de pertes de mémoire aigües entraînées par le traumatisme de la période passée en Transnistrie.
Il avait excellé et devait devenir un ingénieur et un chercheur de premier plan dans le domaine de la génétique. Des articles scientifiques lui attribuent la création d’une race porcine baptisée la Peris 345, un nom inspiré par le village roumain dans lequel se trouvait son institut de recherche.
En raison de son implication dans le développement de la zootechnie roumaine, le dictateur communiste Nicolae Ceaucescu lui avait à maintes reprises refusé un passeport, – considérant le chercheur comme un atout et craignant qu’il ne parte définitivement.
Si d’autres survivants de la Shoah roumains avaient obtenu l’autorisation de quitter le pays, Beris avait eu l’interdiction de se rendre à des événements de commémoration internationaux jusqu’à l’exécution de Ceausescu en 1989, qui devait mettre un terme au communisme en Roumanie.
L’un des compagnons survivants roumains de Beris qui a été autorisé à voyager à l’étranger était Oliver Lustig. Aux côtés de Beris, Lustig, qui avait survécu à Auschwitz, avait également fait le tour des écoles du pays pour parler de leurs expériences et des leçons à tirer de la Shoah.
« Ils étaient amis et ils auront formé un duo inoubliable, se complétant l’un et l’autre, pour raconter l’histoire de deux aspects centraux de la Shoah dans cette partie de l’Europe », commente Anca Tudorancea, historien au sein de l’Institut roumain Elie Wiesel, auprès de JTA. « Je me souviens qu’ils étaient toujours ensemble ».

En plus de son travail dans le domaine génétique, Beris avait publié un livre intitulé La Shoah sous le gouvernement Antonescu, dans lequel il analysait les mythes populaires qui avaient permis d’exonérer le dictateur pro-nazi de ses responsabilités dans le génocide des Juifs d’Europe.
« Il était l’un des quelques survivants de la Shoah qui aura eu la force de contrer les affirmations insidieuses des plus grands antisémites et des plus grands négationnistes roumains », souligne Felicia Waldman, spécialiste en études juives, qui avait travaillé étroitement avec Beris dans l’enseignement de la Shoah auprès des élèves et des professeurs d’histoire.
Waldman faisait ici référence à une émission de télévision, diffusée à la fin des années 2000 et durant laquelle, pendant près de deux heures, Beris avait fait face aux invectives et aux mensonges d’Ion Coja, professeur d’Histoire, qui avait traduit Le Protocole des sages de Sion en roumain (Coja aide encore à propager des tropes antisémites et continue à se livrer au négationnisme de la Shoah sur la Toile et par le biais d’un magazine marginal de la presse écrite).
Si Beris semblait fort en public, il n’était jamais parvenu à dépasser pleinement ses traumatismes, ajoute Waldman.
« Malgré cette force apparente, il était profondément traumatisé et il aura rêvé qu’il était de retour dans les camps jusqu’à la fin de sa vie », note-t-elle.
Beris a été enterré le 22 janvier au cimetière juif de Giurgiului de Bucarest. Il laisse derrière lui son épouse et sa fille.