Décès de Max Frankel, rédacteur en chef juif du New York Times qui avait échappé aux nazis
Journaliste américain très expérimenté, il avait convaincu le Times de publier les Pentagon Papers et remporté le prix Pulitzer pour son reportage sur la première visite de Nixon en Chine

JTA — Max Frankel, l’ancien rédacteur en chef du New York Times qui avait échappé aux nazis durant son enfance, est décédé à l’âge de 94 ans.
Il est décédé dimanche dernier à son domicile de Manhattan, selon la notice nécrologique publiée dans le Times.
Frankel avait commencé à travailler pour le New York Times dès l’âge de 19 ans, en qualité de correspondant à l’Université Columbia, prémices d’une carrière longue de quarante années au service du journal comme journaliste, rédacteur en chef et chroniqueur, avant de présider à ses destinées de 1986 à 1994.
Sa carrière au journal a commencé un peu moins de dix ans après que sa famille a réchappé à la Shoah. Né dans une famille juive de Gera, en Allemagne, en 1930, Frankel est déporté huit ans plus tard, avec ses parents, en Pologne. Sa mère les sauve en obtenant des visas américains, très rares à l’époque, pour Max et elle. Il retrouve son père, emprisonné en Union soviétique, et s’installe avec ses deux parents à Manhattan, au sein de la communauté juive allemande de Washington Heights.
Selon le New York Times, il parlait allemand, polonais, yiddish, russe, français et espagnol.
Une fois recruté par le journal, il passe une grande partie de sa carrière en pleine guerre froide et se spécialise sur le continent qu’il a fui. À l’âge de 26 ans, il est chargé de couvrir les rébellions antisoviétiques avec des articles dans lesquels, selon la notice nécrologique, il « ne prétend pas à l’objectivité ».
Il sera également le correspondant du journal à Moscou puis à La Havane, et couvrira la crise des missiles de Cuba, ainsi que la visite du président Richard Nixon en Chine, qui lui vaudra le prix Pulitzer. Il sera à la tête du journal au moment de l’effondrement de l’Union soviétique, en 1991.
En plein doute sur l’opportunité de couvrir les Pentagon Papers, le journal se voit proposer par Frankel un mémo qui aidera les avocats du New York Times à publier des articles, malgré les craintes de procès et autres sanctions. Ce mémo sera d’ailleurs cité devant le tribunal.
Il assume les fonctions de rédacteur en chef au moment où le journal fait face à la concurrence fulgurante des informations télévisées, dans un monde qui commence tout juste à utiliser Internet. Il favorise l’embauche des femmes et des personnes issues de minorités à la rédaction.
Dans une interview accordée en 1999 à Diane Rehm, sur NPR, Frankel dira se sentir obligé de prendre certaines positions en raison de son identité juive.
« Je vis ici, mais même avec toute cette liberté, on s’attend à ce que je me batte pour ma communauté », confie Frankel à Rehm. « Et quand Israël a des ennuis, on attend de moi que je les défende, qu’ils aient raison ou non. »
En 1956, Frankel épouse sa première femme, Tobia Brown, avec laquelle il aura trois enfants, et qui décèdera en 1987.
Il laisse dans la peine son épouse Joyce Purnick, ancienne journaliste et rédactrice en chef du New York Times, ainsi que ses trois enfants et six petits-enfants.