Décès du psychologue juif, créateur du « test du chamallow »
Son expérience de réfugié ayant fui l'Allemagne nazie avait amené Walter Mischel à porter de l'intérêt à la capacité des individus à prendre contrôle de leur vie
Le psychologue juif Walter Mischel, créateur du « test du chamallow » portant sur la gratification différée chez les enfants, est mort la semaine dernière à l’âge de 88 ans.
Mischel était né à Vienne, en 1930, de parents juifs. Sa famille avait fui aux Etats-Unis en 1938 suite à l’annexion nazie du pays.
Dans une interview accordée en 2014 au Guardian, il s’était souvenu de certaines humiliations vécues sous le régime antisémite. « J’avais de nouvelles chaussures et certains membres des Jeunesses hitlériennes s’étaient mis autour de moi et avaient commencé à marcher dessus », avait-il raconté.
Autre incident, « mon père, qui ne pouvait marcher qu’à l’aide d’une canne, a dû traverser des expériences humiliantes, comme se déplacer sans ou essuyer des jets de tomates sous les railleries. Cela n’a pas été une période heureuse ».
Aux Etats-Unis, la famille avait dû faire face à une qualité de vie revue à la baisse en raison de son statut de réfugiés. Mais Mischel avait fait son chemin avec constance, devenant un citoyen américain dans les années 1950 et étudiant la psychologie à l’université et au City College de New York et finalement à l’université de l’Etat de l’Ohio.
Il avait expliqué que les expériences vécues au cours de son existence avait aiguisé son intérêt pour la capacité des individus à contrôler leur vie.
« Quelles sont les conditions qui permettent aux gens de cesser d’être des victimes et de devenir des acteurs ? », s’était-il interrogé dans l’interview du Guardian.
Finalement, alors qu’il travaillait à Stanford dans les années 1960, Mischel avait élaboré un test simple examinant le contrôle de soi des enfants qui devait lui apporter une renommée mondiale.
Le test consistait à amener un petit enfant dans une pièce où une gourmandise lui était présentée – un gâteau, un chamallow, etc… – et deux choix lui étaient alors présentés : Manger sur le champ la friandise ou attendre seul dans la pièce, pendant quelques minutes, sans la toucher et être récompensé par deux gourmandises au lieu d’une seule.
Seuls environ 30 % des enfants étaient parvenus à différer leur plaisir et à remporter la plus grande récompense.
Regardez ci-dessous une version moderne du test :
Mais le résultat le plus intéressant de l’étude s’était révélé des années plus tard, alors que Mischel avait suivi les sujets de son expérience dans leur vie ultérieure. Il avait établi qu’il y avait une corrélation générale entre la capacité des enfants à contrôler leurs envies irrépressibles au cours de leurs années d’apprentissage et leurs réussites ultérieures dans tous les domaines de la vie – notamment les études, le travail, la vie sociale et affective.
Plus tard encore, Mischel avait élargi ce travail pour découvrir les moyens d’enseigner le contrôle de soi, soulignant souvent que son test n’était pas un indicateur infaillible de réussite ou d’échec.
Il avait ensuite enseigné pendant plusieurs décennies à l’université de Columbia et mené des recherches dans des domaines variés de la connaissance et du comportement.
En 2010, Mischel avait reçu un doctorat honoraire de l’Université hébraïque de Jérusalem.
L’institution avait noté à cette occasion les « contributions scientifiques exceptionnelles dans le domaine de la psychologie cognitive, sociale et de la personnalité », « l’oeuvre pionnière [de Mischel] sur le rôle des traits de caractère et des situations dans la détermination du comportement humain » et la « recherche innovante menée sur le contrôle de soi – de l’enfance à l’âge adulte, qui a changé la manière dont les psychologues appréhendent les origines et les mécanismes du contrôle de soi ».
Mischel s’est éteint à son domicile de Manhattan le 12 septembre des suites d’un cancer du pancréas.