Des centaines de membres du Fatah assignés à résidence par le Hamas à Gaza
Leurs dirigeants peuvent montrer un visage courageux au Caire, mais les membres du Fatah dans la bande de Gaza parlent d'intimidation de la part du Hamas
Elhanan Miller est notre journaliste spécialiste des affaires arabes

Quelques instants après l’appel à la prière du soir, le 28 juillet, premier jour de la fête islamique de l’Aïd al-Fitr, l’activiste du Fatah Sami Abu Lashin a entendu frapper à la porte de sa maison de Gaza.
Lashin, alias Abou Hassan, a ouvert la porte pour découvrir 20 hommes masqués armés de fusils. Quand il a demandé aux hommes ce qu’ils voulaient, un homme armé est sorti du groupe et a rapidement tiré un coup de feu à la cuisse droite de Lashin, puis deux autres à sa cuisse gauche, lui brisant un os.
« C’était une scène très puissante et douloureuse pour ses petits- enfants qui ont été témoins de ce crime odieux », écrit Sami Fouda de Gaza, qui a rapporté l’histoire samedi sur le site web affilié au Fatah, la Voix du Fatah. « Ils ont prétendu qu’il avait rompu l’assignation à résidence qui lui était imposée. »
Dimanche, une photo de Lashin lisant le Coran sur son lit à l’hôpital Shifa – sous un drapeau du Fatah et entouré de grands bouquets de fleurs – a été publiée sur la page Facebook officielle du Fatah.
« Une voix libre dans l’inébranlable Gaza, » titre la légende, qui accuse le Hamas de la fusillade. « Honte aux criminels qui répandent le sang palestinien. »
Alors que les négociateurs palestiniens au Caire tentaient de présenter un front uni dans les négociations de cessez-le-feu avec l’Egypte et Israël dimanche, le Fatah continue à présenter des histoires d’intimidation et d’agression physique à l’encontre de ses membres dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas.
Un responsable du Fatah, parlant sous condition d’anonymat par crainte de représailles contre les membres de son parti dans la bande de Gaza, a déclaré dimanche au Times of Israel que pas moins de 250 membres du Fatah dans la bande de Gaza ont reçu l’ordre du Hamas de rester à la maison tout au long de l’opération Bordure protectrice, et que des membres du Hamas avaient tiré sur 125 d’entre eux pour avoir refusé d’obtempérer.

Il ajoute que dix victimes de coups de feu aux jambes avaient été transférées vers des hôpitaux à Ramallah et à Naplouse en Cisjordanie.
« Ils [le Hamas] ne veulent pas que la voix du Fatah se fasse entendre dans la bande de Gaza », a déclaré le responsable. « Ils doivent avoir peur d’une révolution du Fatah. »
Après avoir remporté les élections nationales 2006 à une large majorité, le Hamas a pris violemment le contrôle de la bande de Gaza à l’été 2007, bannissant et assassinant des membres du Fatah dans la ville.
Selon la Croix-Rouge internationale, au moins 118 membres du Fatah ont été tués et quelque 550 blessés au cours de la deuxième semaine de juin 2007, certains jetés depuis les toits de hauts immeubles.
En janvier 2014, dans le cadre des efforts de réconciliation de son mouvement avec le Fatah, Ismail Haniyeh, le Premier ministre du Hamas a déclaré que les membres du Fatah pourraient retourner à Gaza.
Le 27 juillet, alors que l’opération terrestre israélienne à Gaza était déjà bien entamée, le Fatah a publié une déclaration condamnant le Hamas pour avoir placé « de nombreux membres du Fatah dans différentes zones en résidence surveillée. » Le Hamas avait alors dit au Fatah que l’ordre a été donné par des individus et qu’il serait aboli, mais « jusqu’à maintenant, il ne fait qu’augmenter, » se plaint le Fatah.
Le 4 août, le Fatah a publié un second communiqué affirmant que le harcèlement se poursuivait sans relâche et qu’Il avait même atteint « le point d’ouvrir le feu sur ses membres, causant des blessures graves, la déchirure d’os et de tissus de la jambe. »
Le responsable du Fatah a révélé au Times of Israel que tout membre du Fatah dans la bande de Gaza qui souhaite déménager était tenu d’informer les autorités du Hamas préalablement.
« Ils tirent sur les jambes de tout [membre du Fatah] qui voudrait sortir de chez lui, » a-t-il dit.
En attendant, un haut fonctionnaire des services de sécurité interne du Hamas a rendu visite à Abou Lashin à l’hôpital et a condamné l’attaque, promettant de traduire les coupables en justice. Mais Fouda, qui raconte l’histoire d’Abu Lashin, n’a pas été convaincu par les explications du Hamas.
« Je me demande bien qui pourrait être assez fou pour défier de manière aussi flagrante les dirigeants [du Hamas] de Gaza avec un si grand nombre d’hommes armés et masqués ; commettre un crime aussi odieux avec tant de calme pendant l’état de guerre et la destruction subis par le peuple de Gaza ».