Israël en guerre - Jour 367

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Reportage

Des habitants juifs et arabes du Triangle se confient sur le plan de Trump

Des parents d'écoliers étudiant dans un établissement arabo-juif, des retraités et des employés s'opposent largement à la perspective de vivre sous domination palestinienne

  • L'école Bridge Over The Valley, Kafr Qara, Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
    L'école Bridge Over The Valley, Kafr Qara, Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
  • Illustration : Des étudiants apprennent dans une école israélienne "Hand in Hand", où le programme est à la fois en hébreu et en arabe. (Avec l'aimable autorisation de Debbie Hill)
    Illustration : Des étudiants apprennent dans une école israélienne "Hand in Hand", où le programme est à la fois en hébreu et en arabe. (Avec l'aimable autorisation de Debbie Hill)
  • Centre ville de Kafr Qara, décoré pour le Ramadan, juin 2018. (Amanda Borschel-Dan/Times of Israël)
    Centre ville de Kafr Qara, décoré pour le Ramadan, juin 2018. (Amanda Borschel-Dan/Times of Israël)
  • Garwi Zahadi (au centre) avec des amis à Kafr Qara, en Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
    Garwi Zahadi (au centre) avec des amis à Kafr Qara, en Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
  • Andy Alyones dans son magasin de Bartaa, en Israël, le 3 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
    Andy Alyones dans son magasin de Bartaa, en Israël, le 3 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
  • Mahmoud El-Khattib dans son magasin à Bartaa, Israël, le 3 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)
    Mahmoud El-Khattib dans son magasin à Bartaa, Israël, le 3 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)

KAFR QARA – Des parents juifs du nord d’Israël sont indignés après avoir appris que le président américain Donald Trump pourrait vouloir transférer l’école de leurs enfants en Palestine.

Miri Klein a déclaré que les parents de Bridge Over The Valley – une école bilingue arabo-hébreu comptant 280 élèves, dont environ la moitié sont juifs et l’autre moitié arabes – ont été choqués de constater que le plan de Trump suggère des frontières qui placeraient l’école dans un État palestinien. Elle a qualifié cette idée de « méprisable et terrible ».

Lorsque Gadi Chetrit, qui a deux enfants à l’école de Kafr Qara, a réalisé ce que le plan de Trump pouvait signifier pour l’institution, « cela m’a mis en colère ». Il a déclaré : « Ce n’est pas la solution, et j’ai peur que l’école ne ferme. »

Lena Turel s’est dite « très déçue » par la perspective que le plan « étrange » de Trump place une frontière entre son domicile de Pardes Hanna et l’école où elle envoie deux enfants. « Nous ferons tout notre possible pour que cela n’arrive pas », a-t-elle promis.

Le plan de paix de Trump, dévoilé la semaine dernière, « envisage la possibilité » de redessiner les frontières afin que les communautés arabes de la région du Triangle, une zone au sud-est de Haïfa où vivent plus de 260 000 Arabes israéliens, cessent d’être israéliennes et fassent partie d’un nouvel État palestinien.

Hassan Agbaria dans son bureau à l’école Bridge Over The Valley, Kafr Qara, Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)

Il cite plusieurs villes, dont Kafr Qara, où se trouve Bridge Over The Valley. Les parents juifs et arabes partagent la même consternation face à l’éventuel impact sur l’éducation de leurs enfants.

Hussam Abu Baker a déclaré avoir choisi l’école pour sa fille, même si elle se trouve à 30 minutes en voiture de la maison familiale à Zalafa. « Chaque matin, nous emmenons nos enfants dans une école où nous ne parlons pas seulement de société commune, mais où nous en créons une », a-t-il dit, en faisant valoir que si l’école se retrouve en Palestine, « on aura l’impression que ceux qui sont au pouvoir traitent notre idéal comme un jeu ».

Comme ses voisins de Zalafa, il est également préoccupé par la possibilité que le plan de paix de Trump puisse rattacher leur village à la Palestine, mais son inquiétude est accentuée par les possibles conséquences sur l’école. Il a déclaré : « Pour des parents comme moi qui choisissent une éducation partagée avec des Juifs, ce serait comme un coup de poignard dans le dos. »

Le directeur Hassan Agbaria a qualifié ce plan de « désastre », ajoutant que son école ne pourrait pas survivre si Kafr Qara était affecté en Palestine. « Ce plan entraînerait la fermeture de l’école, à 100 % », a-t-il déclaré.

L’équipe de Trump présente le Triangle israélien comme étant mûr pour une telle réaffectation, étant donné que les populations en question « s’identifient largement comme palestiniennes ». Après le dévoilement du plan, les Arabes locaux ont protesté, dont les parents de Bridge Over The Valley, en disant que leurs vies étaient imbriquées avec celles des Juifs israéliens. Selon Agbaria, le fait que la suggestion de Trump aurait un impact sur ses élèves juifs ainsi que sur ses élèves arabes souligne cet argument.

Agbaria est un éducateur arabe chevronné, pionnier des programmes de coexistence, qui dirige l’école avec un directeur adjoint juif. Il s’est confié au Times of Israel mardi, alors que les élèves arabes étudiaient l’arabe et le Coran et les élèves juifs l’hébreu et la Torah. Agbaria a déploré : « Ce plan est une tragédie pour moi, en tant que directeur d’une école que les Juifs et les Arabes ont construite ensemble. »

Illustration : Des étudiants apprennent dans une école israélienne « Hand in Hand », où le programme est à la fois en hébreu et en arabe. (Avec l’aimable autorisation de Debbie Hill)

L’institution, la seule école israélienne dans une ville arabe avec une fréquentation juive importante, fait partie du réseau à but non lucratif Hand in Hand, qui fonctionne sous l’égide du ministère de l’Education.

Agbaria a déclaré que si les frontières étaient redessinées et que les Arabes locaux étaient affectés à la Palestine, indépendamment de tout défi pratique, cela saperait la raison d’être de l’école, à savoir unir les jeunes citoyens d’Israël.

Mais certains parents disent qu’ils se battront pour que l’école reste ouverte même si la suggestion de Trump pour le Triangle venait à se concrétiser.

Mme Klein, mère de deux élèves, a soutenu que « l’école continuerait d’exister et que les parents continueraient à envoyer leurs enfants ». Elle fera pression pour la maintenir en activité, a-t-elle dit, et ne s’inquiéterait pas des implications sécuritaires de l’envoi de ses enfants à l’école en Palestine.

Agent de sécurité incendie qui vit dans la ville juive de Katzir, Mme Klein a déclaré que les Juifs et les Arabes de sa région sont trop mélangés pour être coupés par les frontières. « J’ai deux enfants qui étudient à l’école, et mon bureau est également à Kafr Qara, donc je me sens très concernée ».

Centre ville de Kafr Qara, décoré pour le Ramadan, juin 2018. (Amanda Borschel-Dan/Times of Israël)

Agbaria a déclaré que la mise en œuvre de la suggestion de Trump dans la région du Triangle pourrait radicaliser la jeunesse de la région.

« Cela jette les bases de la prochaine guerre », a déclaré Agbaria. « Personne ne peut garantir que mon petit-fils n’ira pas se battre contre Israël ».

Le sentiment de rejet que les résidents du Triangle ressentiraient de la part d’Israël créera, selon lui, une nouvelle source de friction dans le conflit et aboutira au « contraire absolu » de la paix souhaitée.

Masalah Ashem à Kafr Qara, Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)

Certains dans la région du Triangle craignent que la violence n’éclate dès que des mesures seront prises pour mettre en œuvre la proposition de Trump pour la région. Matzri Matzri, 72 ans, a insisté sur le fait que la vision de Trump « n’est pas un plan de paix, c’est un transfert », et a déclaré : « Bien sûr qu’il y aura de la violence ».

Matzri, un chauffeur de bus à la retraite, a partagé son point de vue au centre pour retraités de Kafr Qara, où les membres ont dit qu’ils désapprouvaient la violence mais qu’ils prendraient part aux manifestations si le Triangle était déplacé en Palestine.

Masalah Ashem, 69 ans, a déclaré qu' »en aucun cas nous ne serons d’accord » et a prédit que « les manifestations seront énormes » – bien plus importantes que les protestations de quelques centaines de personnes qui ont eu lieu depuis la publication du plan Trump.

Des points de vue complètement inversées

La droite israélienne, qui s’oppose depuis longtemps au transfert de territoires sous contrôle israélien aux Palestiniens, est très favorable au découpage du Triangle et à l’adoption du drapeau palestinien. Et l’argument standard de la droite selon lequel l’abandon de la terre nuira à la sécurité d’Israël est soulevé avec la plus grande passion par les Arabes.

Garwi Zahadi, 64 ans, a déclaré : « Disons qu’ils donnent le Triangle aux Palestiniens. Qu’est-ce qui a été réalisé ? C’est plus dangereux pour Israël. Israël est trop étroit sans cette terre ».

Garwi Zahadi (au centre) avec des amis à Kafr Qara, en Israël, le 4 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)

Dans le même ordre d’idées, l’establishment israélien a longtemps voulu que les citoyens arabes s’identifient comme israéliens plutôt que comme palestiniens. Pourtant, le Premier ministre Benjamin Netanyahu se fait le champion du plan de Trump, et aurait proposé la section concernant le Triangle. La Maison Blanche a suggéré d’attribuer le Triangle à la Palestine en se basant sur la logique selon laquelle ses populations « s’identifient en grande partie comme palestiniennes ».

Ashem, un enseignant à la retraite, a déclaré : « C’est difficile sur le plan émotionnel. Pendant des années, ils ont dit que nous étions israéliens et maintenant ils disent que nous sommes palestiniens. Pourtant, normalement, si nous disons que nous sommes palestiniens, les gens nous répondent : « Vous êtes du camp de l’ennemi. »

Les retraités ont dit craindre une baisse du niveau de vie sous la domination palestinienne. Matzri a commenté : « La vie est bonne pour nous en Israël. Nous avons la démocratie, le travail et une bonne vie ».

Des arabes israéliens protestent contre le plan de paix du président américain Donald Trump dans la ville d’Umm al-Fahm, au nord du pays, le 31 janvier 2019. (Capture d’écran : Twitter)

Ce sentiment trouve un écho dans les rues et dans les cafés. Suzan Atama, 47 ans, était dans un café de Kfar Qara, buvant du sachlav chaud avec sa fille. « Nous sommes vraiment contre le fait d’être déplacés en Palestine », a-t-elle déclaré. « J’entends tout le monde dire ça. C’est une perspective très difficile. »

Zahadi est convaincu que si le Triangle était intégré dans un État palestinien, cela abaisserait le niveau économique et augmenterait les problèmes sociaux. Son fils travaille dans la haute technologie à Netanya, et il dit que toute sa famille est habituée au mode de vie israélien.

Zahadi est tellement déterminé à rester israélien qu’il quitterait Kafr Qara, où il a vécu toute sa vie, pour une autre ville israélienne. « Si cela arrive, je pense que nous irons tous à Netanya, Haïfa, Pardes Hana ou Binyamina.

Si j’allais vivre à Netanya ou à Haïfa, je serais « chez moi », mais ce n’est pas un véritable avenir que de rester dans le Triangle et d’être dans un État palestinien.

Une arabe israélienne met son bulletin dans l’urne pour les élections à la Knesset dans un bureau de vote de la ville de Tayibe, dans le nord d’Israël, le 9 avril 2019 (Crédit : Ahmad Gharabli/AFP)

A 15 minutes de Kafr Qara se trouve l’une des villes les plus insolites de la région : Bartaa. Coupée en deux, Bartaa Ouest est israélienne et Bartaa Est est contrôlée par l’Autorité palestinienne. Mais même ici, où les Arabes ayant la citoyenneté israélienne vivent si près de leurs voisins palestiniens et sans contrôle des frontières ni barrages routiers, on a toujours le sentiment qu’ils sont dans des mondes différents.

Mahmoud El-Khattib, un citoyen israélien, a parlé de ses voisins qui portent des papiers d’identité palestiniens : « Ils nous regardent bizarrement, ils nous voient comme une espèce étrange. » Quel est son lien avec eux ? « Ils sont de la famille – mais ils sont différents. »

L’homme de 35 ans s’est exprimé dans la quincaillerie familiale et a déclaré qu’il ne pouvait pas s’imaginer vivre sous la domination palestinienne. « Nous sommes habitués aux coutumes d’ici – c’est tellement différent là-bas », a déclaré El-Khattib.

« Tout y est différent – les assurances, l’éducation, la santé, et la qualité de vie y est moins bonne », a déclaré El-Khattib. En plus de travailler dans le magasin familial, il est infirmier à l’hôpital Beilinson de Petah Tikva, et a déclaré que cela a renforcé le côté israélien de son identité.

Mahmoud El-Khattib dans son magasin à Bartaa, Israël, le 3 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)

Il a dit du plan de Trump pour le Triangle : « Au moment de vérité, nous ne laisserons pas cela se produire. Nous irons manifester. »

Son client Rabiya Marae, un entrepreneur de 44 ans, est d’accord et ajoute que les Arabes de tout le pays vont faire grève. « S’il le faut, nous pouvons paralyser tout le pays par des grèves », a déclaré Marae.

A quelques portes de sa quincaillerie, le buraliste Andy Alyones adopte un point de vue très différent. Alyones, 42 ans, est un Palestinien qui vit près de Jénine et qui s’y rend quotidiennement pour gérer sa boutique de narguilés et de tabacs aromatisés. Il ne se soucie pas du plan de Trump.

« Ça ne me dérange pas si c’est le Brésil ici », a-t-il dit avec sarcasme, en précisant : « Ça ne me dérange pas d’être là où je suis tant qu’il n’y a pas de tension, de friction et de stress quotidien. »

Andy Alyones dans son magasin de Bartaa, en Israël, le 3 février 2019. (Nathan Jeffay/Times of Israel)

Alyones n’a aucune envie de parler de compromis et pense qu’il est inévitable que le plus fort triomphe. « Celui qui est le plus fort devrait éliminer l’autre côté », a-t-il déclaré. « C’est comme ça. »

Alyones a perdu tout espoir d’une solution qui lui apporterait le calme auquel il aspire, et veut « foutre le camp du Moyen-Orient ». Il a souligné : « Pas seulement d’Israël ou de la Palestine, mais de tout le Moyen Orient. »

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