Des histoires de Justes qui transpercent les ténèbres de la Shoah
Pour marquer la Journée de commémoration de la Shoah, un débat a été organisé autour des efforts mis en oeuvre pour sauver les Juifs

BOSTON – Les témoignages sur les sauvetages pendant la Shoah ont souvent servi à « équilibrer » l’immensité de l’atrocité du génocide, bien qu’en réalité, peu de personnes ont œuvré pour sauver des Juifs, dans l’Europe occupée par les Nazis.
Lors d’une célébration à l’occasion de la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste à Boston, des diplomates du monde entier ont parlé des efforts de sauvetage pendant la Shoah, et leur lien avec l’actualité.
« Les histoires de sauvetage nous détachent d’une triste réalité et nous rapproche d’une dimension humaine à laquelle nous pouvons nous identifier », a expliqué Nancy Harrowitz, professeur en études de l’Holocauste à l’université de Boston, et l’une des intervenants au rassemblement organisé par l’American Jewish Committee.
Bien que les témoignages de sauvetage pendant la Shoah nous aident à imaginer « ce à quoi nous aimerions que l’humanité ressemble », explique Harrowitz, nous devons nous demander si les histoires de sauvetage peuvent nous « conduire à ignorer des atrocités », dit-elle. « Nous trahissent-elles à mesure qu’elles nous donnent de l’espoir ? »
L’universitaire a soulevé une autre question importante : « Comment, en tant que société, accueillons-nous le sauvetage plutôt que la trahison ? ». Elle a fait remarquer que la plupart des sauveteurs, que ce soit pendant la Shoah ou pendant d’autres génocides, ont pris « des décisions émotionnelles, et non rationnelles ».

Évoquant la nécessité de « ne jamais sous-estimer ce qui s’est passé » pendant la Shoah, le consul général d’Italie en Nouvelle Angleterre, Nicola de Santis, a raconté l’histoire du sauvetage orchestré par Maria Agnese Tribbioli, la mère supérieure d’un convent à Florence, qui a hébergé des Juifs pour les protéger des nazis.
Pour avoir caché et protégé des Juifs en tant que « réfugiés communistes », Tribbioli a été distinguée par Yad VaShem du titre de « Juste parmi les Nations ».
Plus de 26 000 personnes, issues de 51 pays, ont reçu cette distinction.
Comme des dizaines d’autres pays, l’Italie commémore la Shoah annuellement le 27 janvier, date à laquelle le camp d’Auschwitz-Birkenau a été libéré, en 1945. Interrogé sur le rôle de l’enseignement de la Shoah en Italie, De Santis a parlé de « l’importante littérature et filmographie » de son pays, au regard des 8 000 Juifs italiens qui ont péri dans les camps de la mort.
« À mesure que le temps avance, le souvenir s’estompe », a déclaré De Santis, qui a parlé de la difficulté à expliquer le meurtre de masse d’innocents aux enfants. Il a parlé du film « La Vie est Belle », et des écrits de Primo Levi, comme exemples de la façon dont la mémoire de la Shoah a intégré la culture italienne.
Selon Roger Brooks, président de Facing History and Ourselves, une organisation d’enseignement de la Shoah, les témoignages de sauvetage durant la Shoah devraient être utilisés pour « inspirer » la culture de « l’intégrité », des gens qui agissent quand les droits fondamentaux d’autres groupes sont menacés. L’une des façons de le faire, a-t-il dit, c’est de « le rapporter à ce qui se passe de nos jours ».

Entre autres dangers de la société civile actuelle aux États-Unis, Brooks a parlé de ce qui se passe quand « quelqu’un menace de bloquer la presse », et « les différents groupes qui, jour après jour, sont marginalisés ».
Il a évoqué les évènements de Charlottesville, en Virginie, l’an dernier. Pour lui, ces évènements ont marqué un tournant quand « deux mouvements pernicieux, la suprématie blanche et le néo-nazisme », se sont associés « pour se renforcer mutuellement ».
Les attaques contre la presse, les éducateurs, et autres « intellectuels » ont été les premières mesures prises par les nazis dans la Pologne occupée, a expliqué Marek Lesniewski-Laas, consul général honoraire de Pologne en Nouvelle Angleterre. Il a pris l’exemple de Cracovie, une ville universitaire, où des centaines de professeurs et autres dirigeants polonais ont été tués peu après l’invasion de l’Allemagne.

« Pour détruire l’histoire, ils ont brûlé les archives de Varsovie », a ajouté Lesniewski-Laas, dont les propos se sont focalisés sur Tadeusz Gebethner, un célèbre footballeur polonais qui a succombé à ses blessures après le soulèvement du ghetto de Varsovie, en 1944. Pendant la guerre, Gebethner a hébergé des Juifs et aidé certains d’entre eux à fuir vers la Hongrie. Il a été honoré par Yad Vashem a titre posthume.
Malgré les inquiétudes sur le fait que les sauvetages pourraient obscurcir la réalité des évènements de la Shoah, ces témoignages peuvent servir à « élargir notre optique » et « à penser à des moyens de les rapprocher aux temps sombres d’aujourd’hui », a déclaré Robert Leikind, directeur de la branche de l’Americain Jewish Congress en Nouvelle Angleterre, et organisateur de l’évènement.
« Mon frère et moi-même devons notre vie à ces anonymes courageux », a affirmé Leikind, dont le père a passé la guerre à fuir des nazis en France occupée. Selon Leikind, son père n’aurait pas survécu sans l’aide, notamment, du chef d’une mosquée qui lui a donné de faux papiers d’identité, ou sans les innombrables citoyens qui ont fermé l’œil sur sa présence dans les maisons de leurs voisins.
« Même à une époque profondément sombre, la vertu peut survivre », a déclaré Leikind.

Dans quelques semaines, le consulat diplomatique d’Israël à Boston organisera une exposition sur les 36 diplomates qui ont aidé à sauver des Juifs pendant la Shoah, selon le consul Matan Zamir.
Intitulée « Beyond Duty » ( Au-delà du Devoir), l’exposition sera présentée dans plusieurs dizaines d’ambassades et de consulats israéliens dans le monde, après l’inauguration d’un mémorial en hommage à ces diplomates devant le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem.
« Nous voulons inspirer les futures générations de diplomates, mais aussi de civils, à faire preuve de bravoure et de courage », a déclaré Zamir, au sujet des efforts mis en œuvres par les diplomates, par exemple en délivrant des visas pour permettre aux Juifs de quitter l’Europe, ou de ceux qui ont alerté le monde à mesure que le génocide prenait de l’ampleur.
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