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Des Israéliens ont synthétisé des embryons humains à partir de cellules souches

L'équipe de l'Institut Weizmann utilise un modèle de cellules souches permettant aux chercheurs de pénétrer dans la "boîte noire" des premiers stades critiques de la grossesse

Imagerie numérique d'embryons dérivés de cellules souches créés par des scientifiques de l'Institut Weizmann des sciences en juin 2023. (Crédit : Capture d'écran/Institut Weizmann des sciences)
Imagerie numérique d'embryons dérivés de cellules souches créés par des scientifiques de l'Institut Weizmann des sciences en juin 2023. (Crédit : Capture d'écran/Institut Weizmann des sciences)

Après dix années de travail, des chercheurs de l’Institut Weizmann des sciences affirment avoir réussi à créer des modèles d’embryons humains dérivés de cellules souches en dehors de l’utérus.

Cette avancée pourrait aider les scientifiques à mieux comprendre le développement embryonnaire sain et malsain. Elle pourrait également avoir des implications pour l’étude de la génétique de divers organes, la culture éventuelle d’organes destinés à la transplantation et l’étude des effets des produits pharmaceutiques sur les embryons.

La découverte a été présentée jeudi dans une version préimprimée d’un article qui se trouve à un stade avancé de révision dans une prestigieuse revue à comité de lecture.

L’embryon dérivé de cellules souches (SEM), qui n’a subi aucune manipulation génétique, est l’équivalent d’un embryon de 14 jours. Il est composé d’un embryon au sens propre, d’une vésicule vitelline, d’une cavité amniotique, d’un placenta et de cellules du chorion, c’est-à-dire de la membrane fœtale la plus externe.

« Il n’a pas de cœur qui bat ni de cerveau, mais il est doté d’une organisation très complexe et commence déjà à montrer un début de différenciation des tissus. Tous les éléments de l’architecture sont présents et ils sont correctement reliés et orientés les uns par rapport aux autres », a affirmé le professeur Jacob Hanna.

Hanna et son équipe du département de génétique moléculaire de Weizmann ont été les premiers à publier des articles sur la création de SEM de souris dans Cell en 2022 et dans Nature en 2021.

Aujourd’hui, ils ont fabriqué des SEM humains grâce à un processus complexe qui s’appuie en partie sur l’étude des modèles animaux. De nombreuses expériences ont été menées jusqu’à ce qu’ils trouvent le bon protocole.

 » Nous avons dû créer des cellules souches pluripotentes induites et les inciter à se transformer en sac vitellin, en chorion, en trophoblastes, etc. Nous avons également dû déterminer le ratio et la manière de les combiner. Ensuite, nous les avons mis sur un agitateur et nous avons changé le protocole des milieux », a confié Hanna au Times of Israel jeudi.

« Certains des milieux que nous avons utilisés avaient déjà fait l’objet de discussions, mais les trois milieux les plus importants ont été utilisés pour la première fois par notre groupe et sont décrits dans notre article « , a-t-il ajouté.

Cette percée fait suite à un article paru dans The Guardian qui annonçait mercredi, à la conférence annuelle de la Société internationale de recherche sur les cellules souches (ISSCR) à Boston, la création d’un embryon humain synthétique par le professeur Magdalena Żernicka-Goetz, de l’université de Cambridge et de l’Institut de technologie de Californie.

Jacob Hanna (Crédit : Autorisation/Institut Weizmann des sciences)

Hanna, qui depuis six mois partage sa dernière découverte de manière confidentielle au sein de la communauté médicale, a rejeté l’annonce de Żernicka-Goetz en la qualifiant de prématurée.

« Ses affirmations sont scandaleuses. Elle n’a même pas publié d’article préliminaire. J’ai entendu sa présentation et vu les quelques diapositives qu’elle a montrées. Son modèle n’a pas de placenta ni de sac vitellin, on ne peut donc pas parler d’embryon. Je ne dirais pas que c’est un succès », a-t-il déclaré.

S’il est possible depuis 2006 de transformer des cellules sanguines ou cutanées d’adultes humains en cellules souches embryonnaires dans une boîte de Petri, la différenciation reste problématique.

« Il est difficile d’imiter les processus très complexes qui se déroulent au cours du développement de l’embryon. Pour cela, il nous faut découvrir quels sont les gènes et les protéines qui sont activés ou désactivés au cours de ce processus de développement. Dès que nous les aurons découverts, nous pourrons les ajouter ou les réduire. C’est la raison pour laquelle nous devons imiter l’embryon », a déclaré Hanna.

« Mais nous ne connaissons pas l’embryon humain. Il fabrique tous ses organes entre le septième et le vingt-huitième jour de la grossesse. Après cela, il ne s’agit plus que de croissance pendant les huit mois qui suivent. Il y a donc ces trois semaines rapides et critiques au début où tout se joue, mais c’est une boîte noire », explique-t-il.

À ce stade, il n’y a pas d’embryons sur lesquels les chercheurs peuvent se pencher, car la plupart des femmes ne savent même pas qu’elles sont enceintes au cours de ces premières semaines. Elles ne savent souvent même pas quand elles font une fausse couche ou un avortement spontané.

Toutefois, si une femme sait qu’elle est enceinte et choisit d’avorter à ce stade, cela se fait généralement par des moyens médicaux. Un avortement chirurgical, peu probable, endommagerait l’embryon. Aucune de ces options ne permettrait de fournir aux chercheurs des embryons à étudier, et certainement pas dans les grandes quantités nécessaires.

« Ce que nous avons, c’est un moyen de voir à l’intérieur de cette boîte noire légendaire. Avec notre SEM, nous disposons d’un système modèle [extrêmement proche de ce que l’on trouve dans l’utérus d’une femme enceinte] qui nous permet d’étudier les problèmes liés au développement de la vésicule vitelline, par exemple. Nous pouvons également comprendre pourquoi le tube neural ne se referme pas correctement à ce stade », a déclaré M. Hanna.

Hanna n’a pas tardé à souligner que la création de SEM de deux à trois millimètres de long n’a pas pour but de les cultiver à terme in-utero ou in-vitro. La grossesse humaine est tout simplement trop longue et trop compliquée pour cette dernière solution. La première ne fonctionne tout simplement pas sur le plan biologique.

« Outre le fait que c’est illégal, c’est impossible à réaliser. Même si quelqu’un voulait le faire, on ne peut le remettre dans l’utérus que jusqu’au stade de 64 cellules du blastocyste. Une demi-journée plus tard, quelle que soit l’espèce, vous remettez l’embryon dans l’utérus et il ne s’implante pas. C’est pareil pour les embryons naturels », a déclaré Hanna.

Dans l’article du Guardian, Robin Lovell-Badge, responsable de la biologie des cellules souches et de la génétique du développement à l’Institut Francis Crick de Londres, a déclaré qu’il était impossible de dire, à ce stade, si la science pouvait surmonter cet obstacle, créant ainsi la possibilité pour le SEM de se développer en un être vivant.

« Il est très difficile de répondre à cette question. Il sera difficile de dire s’il y a un problème intrinsèque avec [les SEM] ou s’il s’agit simplement d’un problème technique », a-t-il déclaré.

Dès que la réponse sera plus claire, il est certain que les bioéthiciens – laïques et religieux – interviendront, s’ils n’ont pas déjà prévu de le faire.

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