Des milliers de manifestants contre les violences dans les communautés arabes
Le député dissident Mansour Abbas a été chassé du défilé ; la police, accusée de ne pas répondre aux crimes dans la société arabe israélienne, a essuyé des jets de pierres
Des milliers de manifestants ont défilé vendredi à Umm al-Fahm, dans le nord du pays, pour protester contre ce qu’ils ont qualifié d’échec de la police à venir à bout d’une vague croissante de violences au sein des communautés arabes.
Cette dernière manifestation a eu lieu après un défilé particulièrement violent la semaine dernière, au cours duquel la police a utilisé des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène, des grenades incapacitantes et des canons à eau lors de la dispersion de centaines de personnes venues prendre part au mouvement. Au moins 35 manifestants ont été blessés, notamment le parlementaire Youssef Jabareen de la Liste arabe unie et le maire de la ville.
Les responsables arabes israéliens ont accusé la police de racisme et d’usage excessif de la force, et ils ont réclamé l’ouverture d’une enquête.
La police a indiqué que certains manifestants avaient lancé des pétards et des pierres sur les membres des forces de l’ordre durant le défilé. Certaines vidéos montrent des personnes tirant des feux d’artifice en l’air.
Les manifestants ont accusé la police d’avoir délibérément fermé vendredi matin les routes principales qui mènent à Umm al-Fahm afin d’éviter la tenue de la manifestation.
« La police empêche les gens de venir à Umm al-Fahm parce qu’ils ont peur à la fois des manifestants et des organisations criminelles », a commenté Ayman Odeh, chef de la Liste arabe unie, qui a pris part au mouvement de protestation.
Signe d’une fissure qui ne cesse de s’élargir dans la politique arabe, le député arabe dissident Mansour Abbas a tenté de rejoindre le défilé. Il l’a quitté après avoir été pris à partie par des dizaines de personnes qui lui ont demandé de « dégager ». Ses proches lui ont ainsi fait quitter les lieux après des échauffourées.
Abbas, à la tête du parti islamiste conservateur Raam, a longtemps fait d’une priorité l’adoption d’un plan de lutte contre la violence et le crime organisé dans la communauté arabe israélienne. Mais il a suscité la controverse parmi les Arabes israéliens en raison de sa volonté déclarée de franchir une ligne rouge longtemps inimaginable – voter en faveur d’une immunité octroyée au Premier ministre Benjamin Netanyahu et peut-être même rejoindre sa future coalition.
מפגינים קוראים לגרש את יו"ר רע"מ מנסור עבאס שהגיע להפגנה. כמה מתומכיו הבריחו אותו לחנות קרובה. ראש העיר סמיר מחאמיד ואנשי ציבור התערבו כדי למנוע חיכוך. pic.twitter.com/78HAiF4fMB
— Jack khoury.جاك خوري (@KhJacki) March 5, 2021
Le crime organisé est largement considéré comme le moteur de propagation des violences dans les villes et villages arabes. Les Arabes israéliens blâment la police – qui a été dans l’incapacité de réprimer les organisations criminelles puissantes – pour cet état de fait. Depuis le début de l’année 2021, 22 Arabes ont connu une mort violente au sein de l’État juif, selon l’organisation à but non-lucratif Abraham Initiatives.
Des témoins ont estimé qu’environ 10 000 manifestants avaient participé au mouvement de protestation de vendredi, ce qui en fait l’un des plus importants à avoir été organisé jusqu’à présent.
« Nous allons continuer à nous battre dans le but de vivre dans la dignité et de vaincre la violence et le crime », a déclaré Odeh.
Netanyahu a annoncé la semaine dernière que son gouvernement allait allouer 150 millions de shekels à la lutte contre les violences survenant dans les communautés arabes. Les politiciens arabes et les organisations de la société civile – qui avaient espéré des milliards de plus – ont critiqué le plan, affirmant qu’il n’était pas suffisamment ambitieux et qu’il venait trop tardivement.
« Nous demandons un plan réel pour éradiquer le crime plutôt que le faux plan de Netanyahu, qui ne parle même pas de vaincre les organisations criminelles et qui manque de solutions appropriées pour l’éducation, le logement, le social », a déclaré le député Jabareen de la Liste arabe unie lors du défilé de vendredi.
Les résidents d’Umm al-Fahm organisent des manifestations hebdomadaires contre la violence et le crime organisé depuis près d’un mois et demi. La participation a été particulièrement forte cette semaine, probablement en raison des accusations de violences policières lors du rassemblement de la semaine dernière.
Les enquêteurs du ministère de la Justice ont lancé, dimanche, une enquête sur la conduite des policiers au cours de la manifestation de la semaine dernière.
Le nombre d’homicides parmi les Juifs israéliens est resté relativement constant depuis 2016 : 38 en 2016, 44 en 2017, 35 en 2018, et 36 en 2019, selon la police israélienne. Mais il a grimpé en flèche du côté de la communauté arabe israélienne au cours de la même période : 64 en 2016, 67 en 2017, 71 en 2018, 89 en 2019, et 96 en 2020.