Des œuvres d’art recouvertes de sel de la mer Morte exposées au Musée d’Israël
Le travail de Sigalit Landau de ces 20 dernières années révèle des trésors, des solutions et des inquiétudes sur la merveille salée du point le plus bas de la planète
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Les tutus, les masques africains, les filets de pêche, les lustres en fil de fer barbelé et les pastèques recouverts de couches scintillantes de sel de la mer Morte, semblable à des diamants, ne sont que quelques exemples du travail de l’artiste Sigalit Landau.
Le travail de Landau de ces deux dernières décennies à la mer Morte – point le plus bas de la planète – est au cœur de « The Burning Sea », sa nouvelle exposition organisée par Amitai Mendelsohn au Musée d’Israël, jusqu’au 17 juin 2023.
« Il s’agit de la plus grande exposition jamais organisée pour un artiste israélien au cours de la dernière décennie », a déclaré Mendelsohn, « une occasion pour le plus grand musée d’Israël de montrer le projet de Landau sur la mer Morte dans toute sa splendeur », a-t-il ajouté.
Mendelsohn a qualifié l’exposition de « voyage, une passerelle entre la merveilleusement magnifique mer Morte et la mer Morte désastreuse, métamorphosant les objets et la vision des spectateurs tout au long de l’exposition ».
Malgré le dévouement et la fascination de Landau pour ce lac salé bordé par la Jordanie à l’est et par Israël et la Cisjordanie à l’ouest – situé à 430,5 mètres sous le niveau de la mer – ainsi que son projet plein d’espoir de construire un jour un pont entre Israël et la Jordanie sur la mer Morte, elle ne se considère pas comme une activiste de la mer Morte, même si ce lac salé fait partie intégrante de sa vie et de son œuvre.
« Elle fait partie de mon vocabulaire, de ma palette d’artiste », a déclaré Sigalit Landau, qui considère la mer Morte comme son laboratoire et son travail comme « un partenariat » avec des moments de solidarité et de défis.
Sa fascination pour la mer Morte a commencé lorsque Landau, née à Jérusalem, encore petite fille, a été emmenée dans ses eaux chaudes et thérapeutiques par sa mère qui était d’origine anglaise.
Elle a commencé à expérimenter les trésors salés de la mer Morte environ deux ans après la mort de sa mère, en 2003.
« Je l’ai, d’une certaine façon, rencontrée là-bas », dit-elle. « C’est un lieu spécial de calme et de désert. »
C’est en 2005 que Landau a plongé pour la première fois sa sandale dans la mer Morte, avant de retenter l’expérience avec un vélo abandonné, qu’elle avait trouvé sur un trottoir de Tel-Aviv, puis jeté dans la mer Morte jusqu’à ce que ne se forme la croûte de sel, désormais célèbre, qui entoure bon nombre de ses œuvres.
La bicyclette recouverte de sel n’est pas exposée dans « The Burning Sea », mais l’exposition propose d’autres célèbres œuvres de Landau, notamment la projection murale « DeadSee » – une vidéo de 2005 de Landau exposant son corps flottant sur un radeau en forme de spirale constitué de 500 pastèques, à la surface des eaux de la mer Morte.
La chair rouge des pastèques exposées est visible dans la projection murale, ce qui renvoie à une autre partie de l’exposition, où une plus petite galerie est centrée sur un hommage à la Cène de Leonard de Vinci, une table recouverte de sel de la mer Morte et une sélection de tranches de pastèque, chacune se décomposant, se ramollissant et se transformant en une matière plus caoutchouteuse et charnue sous l’effet du sel.
Sur l’un des murs de la salle des pastèques, on peut voir une vidéo de cueilleurs de pastèques près de Nazareth, qui se livrent à une sorte de danse en travaillant en équipe, lançant les melons verts d’une main à l’autre, pour finalement atterrir dans une camionnette en mouvement.
Un autre mur présente « Standing on a Watermelon, 2005 », une vidéo de 4 minutes et 43 secondes dans laquelle Sigalit Landau tente de garder l’équilibre, debout sur une grosse pastèque, dans les eaux salées de la mer Morte.

Il s’agit d’une vidéo du baptême et de la crucifixion, a déclaré Mendelsohn, ainsi que d’un jeu d’équilibre, puisque la pastèque veut surgir de l’eau dans un dialogue de « douceur, de vie, de sel et de mort », a ajouté Landau.
En avançant dans l’exposition, on retrouve la beauté des œuvres salées et étincelantes de Landau, comme ses célèbres lustres en sel barbelé, un ensemble de sculptures en fil de fer barbelé qui scintillent comme des diamants et qui planent au-dessus de la tête des visiteurs, ainsi que son tutu incrusté de sel et un ensemble de brancards qui font penser aux champs de bataille et aux blessés, tandis que d’autres les comparent à des rouleaux scintillants de la Torah.
Il y a aussi « Salt Crystal Bridal Gown » (« La Robe de mariée cristallisée de sel ») de 2014, une série de huit photographies sous-marines documentant la cristallisation du sel de la robe noire portée par Hanna Rovina, l’actrice du début du XXe siècle qui jouait une jeune mariée possédée par l’esprit de son amant mort dans la pièce The Dybbuk. La robe de la mariée est figée en blanc par des cristaux de sel, en hommage à la femme de Lot, figée en une statut de sel.

Il est également question de communauté dans le travail de Landau ; elle parle fréquemment de son équipe, qui travaille à ses cotés dans les eaux curatives de la mer Morte.
Elle met également son travail à la disposition des autres, notamment dans le cadre d’un nouveau projet lancé pendant les mois de solitude de la pandémie, durant lesquels elle a travaillé avec des femmes âgées confinées dans des maisons de retraite.
Les femmes ont brodé des tapisseries que Landau et son équipe ont ensuite immergées dans la mer Morte, ajoutant des couches de sel aux versions brodées des tournesols de Van Gogh, des vitraux de Chagall ou encore des scènes de villages européens enneigés.
Les tapisseries recouvertes de sel sont accrochées vers la fin de l’exposition, accompagnées d’une vidéo attestant de l’expérience de Landau et de ces femmes, dans laquelle elles témoignent de leur histoire.
Landau y est vue, immergeant les tapisseries dans la mer, un pied tenant fermement la cage contenant les œuvres.

Il y a un réel activisme environnemental dans cette exposition, en commençant par le Sommet Salt Bridge, une tentative de Landau de contribuer à la « bonne santé » de la mer Morte par la construction d’un pont au-dessus du lac salé, menant d’Israël au côté jordanien de la mer, et par une nouvelle série d’œuvres vidéo offrant d’autres perspectives de la mer Morte.
Le concept est présenté dans une galerie transformée en salle de conférence, où des ordinateurs portables diffusent une conversation fictive depuis le pont, entourée des plans et des photographies de Landau sur ce pont qu’elle espère voir se construire un jour.
« Nous sommes à la mer Morte, pourriez-vous nous recommander une plage, Mme Mer Morte », lui demandent des touristes de passage. « Voyons, Mineral Beach a disparu, Ein Gedi a disparu. Vous pourriez aller voir les dolines, une tragédie qui touche tout le pays », leur a répondu Landau. « Nous avons des scientifiques et entrepreneurs brillants, mais la situation est frustrante. Je préfère faire de l’art. »