Israël en guerre - Jour 340

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Des Palestiniens de Cisjordanie s’endettent faute de pouvoir travailler en Israël

Quelque 18 500 Gazaouis bénéficiaient d’un permis de travail en Israël au moment du déclenchement de la guerre, selon les autorités israéliennes

Des travailleurs palestiniens en Israël arrivant dans la bande de Gaza par le point de passage de Kerem Shalom après y avoir été amenés par les autorités israéliennes, le 3 novembre 2023. (Crédit : Hatem Ali/AP Photo)
Des travailleurs palestiniens en Israël arrivant dans la bande de Gaza par le point de passage de Kerem Shalom après y avoir été amenés par les autorités israéliennes, le 3 novembre 2023. (Crédit : Hatem Ali/AP Photo)

Privé de son permis de travail sur le sol israélien depuis le début de la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, Ibrahim al-Qiq, un Palestinien de 37 ans vivant en Cisjordanie, s’enfonce dans les dettes et le désespoir.

Les trois millions d’habitants de Cisjordanie ne peuvent pas se rendre en Israël sans un permis.

Après l’attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre, au cours de laquelle 1 200 personnes, en majorité des civils, ont été tuées, selon les autorités, l’Etat israélien a invalidé de nombreuses autorisations permettant aux Palestiniens de Cisjordanie de travailler dans le pays.

Comme beaucoup de compagnons d’infortune, Qiq travaillait en tant qu’ouvrier du bâtiment en Israël et gagnait environ 6 000 shekels par mois.

« Tout ce que nous avions gagné [dans le passé], nous l’avons dépensé », raconte-t-il, déplorant ne plus avoir d’économies. Désormais au chômage, « nos dettes s’accumulent alors que nous avons besoin d’acheter de quoi manger, [payer] le loyer, l’eau et l’électricité ».

Livrés à eux-mêmes 

Des véhicules militaires israéliens entrant dans le camp de Jénine, en Cisjordanie, lors d’un raid le 12 décembre 2023. (Crédit : Jaafar Ashtiyeh/AFP)

Après avoir perdu son permis de travail, le père de famille a emprunté 7 000 shekels pour payer ses factures, mais il ignore comment il pourra les rembourser.

À Kharas, une bourgade des montagnes près de Hébron, où il vit, 70 % des habitants franchissaient chaque jour les checkpoints israéliens selon la municipalité.

Les autres sont pour la plupart employés par l’Autorité palestinienne (AP), qui siège à Ramallah. Mais celle-ci peine à verser les salaires, dans un contexte de récession où la production économique s’est effondrée de plus d’un tiers au cours du mois qui a suivi le début de la guerre.

Israël a retiré 130 000 permis de travail à des Palestiniens de Cisjordanie et n’a pas versé 600 millions de shekels de taxes dues sur les produits palestiniens, affirme Manal Qarhan, fonctionnaire au ministère palestinien de l’Économie. Une somme que Mahmoud Abbas a réclamée auprès du conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, en site ces deux derniers jours.

Selon Qarhan, l’administration perd désormais 22 millions d’euros par jour, notamment à cause de cette déperdition de taxes, mais aussi parce que les Palestiniens vivant en Israël ne viennent plus consommer en Cisjordanie, notamment à cause du renforcement des contrôles par Israël.

Environ 130 points de contrôle militaires, permanents et mobiles ont été mis en place en Cisjordanie, selon le ministère.

Sans indemnité de chômage ni de la part du gouvernement israélien ni de l’AP, les travailleurs palestiniens, livrés à eux-mêmes, tentent de trouver des solutions.

« On stresse »

Les suites après un raid antiterroriste de l’armée israélienne, dans la ville de Jénine en Cisjordanie, le 13 décembre 2023. (Crédit : Nasser Ishtayeh/Flash90)

« Ceux dont les femmes avaient des bijoux en or les ont vendus pour nourrir leurs enfants », raconte Tarek al-Hlahla, un autre de ces ouvriers au chômage, disant avoir la charge d’une famille de dix personnes.

Jamil Siaara, qui travaille habituellement dans le bâtiment, n’a pas d’épargne et se fait un sang d’encre : « On ne sait pas ce qui va se passer, on stresse. »

En représailles à l’attaque du 7 octobre, Israël a juré d’anéantir le Hamas et sa réponse militaire aurait fait plus de 18 800 morts selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Selon les estimations de l’armée israélienne, 5 000 membres du Hamas auraient été tués dans la bande de Gaza, auxquels s’ajoutent plus de 1 000 terroristes tués en Israël lors de l’assaut du 7 octobre.

Bien que le conflit ait lieu dans la bande de Gaza, qui est séparée de la Cisjordanie par Israël, la guerre a aussi des conséquences sur ce territoire palestinien.

L’économie palestinienne devrait finir l’année en repli de 3,7 %, selon un rapport publié mardi par la Banque mondiale.

Le propriétaire du supermarché de Kharas, Ahmed Radwan, explique que ses ventes ont chuté de 70 % car il vendait de l’alimentaire à crédit. Il a dû arrêter, constatant l’endettement de ses clients.

Sur six employés, trois ont été licenciés et deux autres doivent partir en décembre.

« Il n’y a plus d’espoir », se désole-t-il alors que le climat général se détériore à chaque flambée de violence ou opération de l’armée israélienne dans les camps de réfugiés et dans les villes.

Le feu et la fumée s’élevant lors d’une opération de l’armée israélienne à Jénine, en Cisjordanie, le 13 décembre 2023. (Crédit : Majdi Mohammed/AP Photo)

Les checkpoints israéliens « obligent les Palestiniens à emprunter des routes secondaires peu praticables, extrêmement dangereuses, car elles les exposent aux attaques des colons [résidents d’implantations] », explique notamment le ministère palestinien de l’Économie.

Selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne, quelque 200 Palestiniens de Cisjordanie ont été tués par l’armée israélienne et, dans quelques cas, par des résidents d’implantations.

D’après les estimations de l’armée, la grande majorité des 200 Palestiniens tués depuis le 7 octobre ont été abattus au cours d’affrontements sur fond de raids d’arrestations. Environ 60 % d’entre eux, selon les données consultées par le Times of Israel, étaient munis d’une arme à feu ou d’un engin explosif.

Tsahal a connaissance d’au moins trois cas de Palestiniens non impliqués tués par les troupes au cours des dernières semaines, et d’une poignée de cas de résidents d’implantations ayant tué des Palestiniens, et qui font toujours l’objet d’une enquête.

Au café comme au marché, chacun évoque la traduction de cette crise dans son quotidien sans oublier que si certains ont perdu un emploi, d’autres ont perdu la vie.

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

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