Des proches d’otages bloquent le ministère de la Défense toutes les heures, pendant 240 secondes
Toutes les heures, à la 29e minute, une petite foule bloque la voie empruntée par les voitures qui quittent le ministère pendant 240 secondes marquant le nombre initial d'otages
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Depuis samedi soir, des familles d’otages se relaient pour monter la garde devant l’entrée principale du ministère de la Défense sur la Route Begin à Tel Aviv, à l’ombre des bâtiments Azrieli.
Toutes les heures, à la 29e minute, ils sont plusieurs à brandir des panneaux et à bloquer la circulation pendant 240 secondes, pendant lesquelles l’un des membres de la famille parle d’un être cher retenu en otage à Gaza.
La 29e minute évoque les attaques du Hamas qui ont commencé à 6h29 le 7 octobre, date à laquelle les terroristes ont tué près de 1 200 personnes. Les 240 secondes marquent le nombre d’otages initialement enlevés par les terroristes. Actuellement, 128 otages sont toujours à Gaza.
Mardi, à 14h29, la sœur de l’otage Yagev Buchshtav a parlé de son grand frère, un musicien qui travaille dans le domaine du son et qui fabrique ses propres instruments.
Elle a également parlé de son épouse Rimon Kirsht Buchshtav, qui a été libérée pendant le cessez-le-feu temporaire, ainsi que de leurs cinq chats et cinq chiens, dont le dernier a finalement été retrouvé après avoir erré dans leur communauté du kibboutz Nirim des semaines durant.
Quatre minutes plus tard, elle a arrêté de parler, et ceux qui bloquaient la route sont retournés sur le trottoir alors qu’une file de voitures sortait sur la rue Begin, l’une des principales artères de Tel Aviv.
« Cet emplacement nous aide parce que nous nous tenons ici, au ministère de la Défense, où les généraux et les soldats nous voient et où les agents de sécurité nous connaissent déjà », a expliqué Nadav Rudaeff, dont le père, Lior Rudaeff, a été pris en otage au kibboutz Nir Yitzhak le 7 octobre, ajoutant qu’il y passe environ 16 heures par jour.
C’est à cet endroit que d’autres familles de personnes retenues en otage se sont réunies, par intermittence, au cours des deux derniers mois, le long de la rue Kaplan voisine et de la place des Otages rebaptisée, à l’extérieur du Musée d’Art de Tel Aviv.
Rudaeff est le seul membre de sa famille qui n’est pas à Eilat, où les habitants du kibboutz Nir Yitzhak ont été évacués après l’assaut du Hamas.
La mobilisation est devenue plus animée depuis vendredi, après que les otages Yotam Haim, Samar Talalka et Alon Shamriz ont été accidentellement abattus par des soldats de l’armée israélienne dans une série d’erreurs tragiques.
Depuis lors, les familles des 128 otages restants « vivent de plus en plus dans la peur », a déclaré Hila Idan, dont le cousin, Tsahi Idan, a été enlevé par des terroristes du Hamas dans sa maison du kibboutz Nahal Oz.
Ils craignent pour le sort de leurs proches et se demandent s’ils pourront les ramener en Israël. Maintenant, ils se réunissent ici tous les jours, avec des amis et des partisans, pour rendre leur mission claire.
Hila Idan, qui vit non loin, à Ramat Gan, montait la gardedevant le ministère de la Défense, appelé la Kirya en hébreu, avec deux autres cousins, Moriah Idan de la ville septentrionale de Rosh Hanikra et Amir Idan du kibboutz Sa’ar dans la Galilée occidentale.
« Toute la famille fait des gardes, jour et nuit », a déclaré Amir Idan.
« C’est une très grande famille », a ajouté Hila Idan, « nous nous soutenons mutuellement et devons être forts pour Gali et les enfants », a-t-elle dit, faisant référence à la femme de Tsahi et aux deux enfants survivants. Leur fille aînée a été tuée par des terroristes le 7 octobre.
A l’exception des familles et des proches des otages, Rudaeff estime que le public israélien reprend sa vie normale.
« Cela fait 74 jours et je ne blâme personne, mais nous ne pouvons pas laisser les otages faire partie de ce bruit de fond », a-t-il dit.
Rudaeff a grandi au kibboutz Nir Yitzhak, où les roquettes, les sirènes et les tentatives d’attaques terroristes faisaient partie intégrante de la vie, et vit maintenant à Tel Aviv.
Il passe environ 16 heures par jour à participer activement aux efforts visant à ramener les otages chez eux, y compris dans ce nouvel emplacement. Une chose qu’il ne fait pas, c’est dormir dans l’une des tentes à l’extérieur du ministère, expliquant qu’il ne peut pas être opérationnel pendant la journée s’il a dormi sur le trottoir.
À proximité se tenait Galit Katzenellenbogen, dont le cousin germain, Elad Katzir, est toujours retenu en otage après que sa mère, Hanna Katzir, a été libérée et que son père, Rami Katzir, a été tué par des terroristes du Hamas le 7 octobre.
« Assassiné, pas tué », a corrigé Maya Palty, une autre cousine Katzir se tenant à proximité et vivant dans le moshav Nir Moshe, au sud-est de Sdérot.
Une grande partie de la famille du mari de Palty vit au kibboutz Kfar Aza et tous ont été secoués par la tristesse et le deuil de ceux qu’ils ont perdus le 7 octobre, assistent à de nombreux enterrements successifs. Ils prenaient également le relais pour Elad Katzir mardi après-midi.
La branche militaire du groupe terroriste Jihad islamique palestinien a publié mardi soir une vidéo des otages israéliens Gadi Mozes et Elad Katzir, dans laquelle ils appellent les dirigeants d’Israël à agir d’urgence pour obtenir leur libération. Cette nouvelle vidéo était le premier signe de vie de leur part.
Semblant parler sous la contrainte, on entend les deux hommes dans des vidéos séparés avertir qu’ils pourraient mourir à tout moment en raison des frappes de l’armée israélienne à Gaza.
« Nous avons un document Google pour suivre qui [dans la famille] peut venir faire une garde », a déclaré Katzenellenbogen. « Quand Elad reviendra, je veux être capable de le regarder dans les yeux et savoir que j’ai fait ce que je pouvais pour l’aider à rentrer chez lui. Ce pays s’est arrêté le 7 octobre et il ne peut pas continuer à moins qu’ils ne rentrent chez eux. »