Des sénateurs américains s’opposent à l’exemption de visa pour les Israéliens
Les démocrates affirment dans un courrier qu'Israël ne se conformera pas aux exigences de ce programme de dispense de visa, les Palestiniens subissant encore des discriminations
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Dans une initiative de dernière minute, un groupe de quinze démocrates a écrit une lettre au secrétaire d’État Antony Blinken, vendredi, l’exhortant à ne pas intégrer Israël dans le programme d’exemption de visa (VWP) à la fin du mois. Ils accusent Israël de continuer à discriminer les Américano-palestiniens malgré les assurances données par Jérusalem, qui avait affirmé que le pays traiterait tous les voyageurs de la même façon.
Des responsables américains et israéliens qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat ont indiqué au Times of Israel qu’il était improbable que l’administration Biden réponde à l’appel lancé par les sénateurs et qu’Israël devrait devenir membre du VWP d’ici la date-butoir du 30 septembre.
Le groupe de députés progressistes dirigé par le sénateur Chris Van Hollen a décidé qu’il était néanmoins important de faire part de ses objections.
Les sénateurs ont évoqué le protocole d’accord qui a été signé entre Israël et les États-Unis au mois de juillet, qui soulignait l’engagement d’Israël en faveur « d’un traitement égalitaire de tous les citoyens américains indépendamment de leur origine nationale, de leur religion ou de leur ethnie et en faveur de leur liberté de déplacement ».
Mais les députés ont noté que le protocole donnait le feu vert à « un système à deux vitesses » dans la mesure où les ressortissants palestino-américains devront se porter candidats à une autorisation de déplacement par le biais d’un système qui a été établi par la liaison militaire jusqu’au mois de mai 2024 et que l’État juif maintiendra son système électronique pour tous les voyageurs en provenance des États-Unis.
« Il n’y a aucune disposition dans la loi qui déclare qu’un pays appartenant au programme d’exemption de visa a le droit de discriminer certains groupes de citoyens américains pendant les sept premiers mois du dit programme [soit du 1er octobre jusqu’au 30 avril], en se contentant simplement d’affirmer qu’il traitera tous les ressortissants des États-Unis de la même façon au cours des cinq derniers mois de l’année fiscale », ont écrit les sénateurs dans la lettre dont l’existence a été signalée par le site d’information Axios.
Les députés ont fait remarquer que les responsables du Département de la sécurité intérieure leur avaient expliqué, lors d’une récente réunion, que la raison pour laquelle les États-Unis tentaient d’intégrer Israël dans le VWP, cette année, était que Jérusalem sera probablement dans l’incapacité de maintenir son taux de refus de visa en dessous de la barre des 3 % pour une deuxième année d’affilée. Le pays était parvenu à le faire, l’année dernière, pour la toute première fois dans la mesure où les voyageurs avaient été beaucoup moins nombreux pour cause de pandémie.
Une explication qui n’a guère ému les sénateurs. « Ce serait une violation de la loi de se hâter à admettre un pays qui ne répond pas à une exigence déterminante du programme en un an, simplement parce qu’il pourrait bien ne pas parvenir à se conformer à une autre exigence, l’année suivante », ont-ils écrit.
Ils se sont aussi alarmés des directives aux voyageurs réactualisées émises en Israël, qui font encore la différence entre Américains d’origine palestinienne de Cisjordanie et Américains d’origine palestinienne de Gaza – il reste largement interdit à ces derniers de profiter des avantages apportés par le programme d’exemption de visa. « L’exclusion d’un groupe tout entier de citoyens américains parce qu’ils sont originaires de Gaza, selon le Registre palestinien de la population, est une violation claire du ‘bleu est bleu’ et c’est une indication inquiétante de l’échec d’Israël à mettre en œuvre le principe de réciprocité », ont écrit les sénateurs.
L’administration Biden a œuvré, dans les semaines qui ont suivi la signature du protocole d’accord, à convaincre Israël d’alléger encore davantage les restrictions appliquées aux voyageurs américains originaires de Gaza, soulignant que l’État juif permet à des milliers de Palestiniens de l’enclave à entrer quotidiennement dans le pays pour le travail.
Les sénateurs ont également porté à l’attention de Blinken une ligne du protocole d’accord qui établit que « rien dans ce protocole ne saurait s’appliquer aux principes et engagements non évoqués dans le protocole, ce qui inclut… les règles applicables à l’utilisation des véhicules israéliens et aux véhicules de transit ».
« L’inclusion de cette disposition indique que le gouvernement d’Israël se réserve le droit de traiter de manière inégalitaire certains groupes de citoyens américains, une fois qu’ils sont entrés dans le pays », ont-ils dit, soulignant des informations portant sur des Américains d’origine palestinienne qui n’ont pas eu le droit de traverser les checkpoints israéliens en voiture parce que leur nom figurait sur le Registre de la population de l’Autorité palestinienne.
« Si les États-Unis devaient faire preuve de réciprocité, cela signifierait que certains groupes d’Israéliens – comme, par exemple, ceux qui vivent dans les implantations de Cisjordanie – n’auraient pas le droit de louer une voiture à leur arrivée aux États-Unis ou que le traitement qui leur serait réservé serait différent », ont poursuivi les sénateurs.
Les députés démocrates ont noté les antécédents d’Israël en matière de discriminations – en particulier concernant les Arabes et les Américains musulmans. « C’est la raison pour laquelle il est absolument déterminant que vous soyez en mesure de vérifier et de certifier qu’Israël se conforme bien à la réciprocité et aux exigences de traitement égalitaire avant toute intégration du pays dans le programme d’exemption de visa – et non à un moment ultérieur, une fois que le programme a été initié », ont-ils écrit.
« Il est clair que ces exigences n’ont pas été respectées et le protocole d’accord lui-même précise qu’elles ne seront pas respectées en date du 30 septembre », ont écrit les sénateurs. « Alors que nous espérons encore véritablement qu’Israël saura se conformer à toutes les exigences à une date ultérieure, l’intégration du pays dans le programme ne peut pas se faire au détriment… de l’exigence de réciprocité pour tous les citoyens américains. »
Les députés ont ensuite demandé à Blinken la possibilité de s’entretenir au téléphone avec lui dans les meilleurs délais pour évoquer le sujet.
En plus de Van Hollen, Brian Schatz, Tammy Baldwin, Tom Carper, Tammy Duckworth, Dick Durbin, Martin Heinrich, Ed Markey, Jeff Merkley, Jack Reed, Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Peter Welch, Jeanne Shaheen et Tina Smith ont signé ce courrier.
Interrogé sur la réponse que pourrait apporter Washington si Israël devait échouer à mettre en place son système électronique pour tous les voyageurs américains d’ici le mois de mai 2024, un porte-parole du département d’État a indiqué qu’ « Israël a fait savoir que son système Marom devrait être opérationnel d’ici le mois de mai 2024 et nous nous attendons à ce qu’Israël tienne cet engagement ».
« Plus généralement, les États-Unis exercent un contrôle continu sur les 40 pays membres du programme d’exemption de visa, un contrôle qui vise à garantir qu’ils en respectent toutes les exigences. Quand ce n’est pas le cas, des mesures visant à ce que les pays se remettent en conformité ont été imposées », a ajouté le porte-parole.